Cas EDF Hinkley Point C

Créé par Pascal Quiry, Novembre 2016
PROFIL DE EDF (Source: EDF)
Electricité de France (EDF) est la plus grande entreprise d'électricité d'Europe par ses ventes, sa production et sa capacité installée. La société domine l'industrie française de l'électricité et occupe des positions stratégiques importantes sur les marchés de l'électricité au Royaume-Uni et en Italie. EDF a également des intérêts en électricité en Europe de l'Est, aux États-Unis et en Asie.
En 2015, EDF a réalisé auprès de 38 M de clients un chiffre d'affaires de 75 Md€ avec 159 000 collaborateurs. Sa production est à 78 % d'origine nucléaire, 7 % hydraulique, 7% à partir de gaz et de co-génération, à 6 % thermique hors gaz et 2 % renouvelable.
M : million
Md : milliard
PROFIL DE HINKLEY POINT C (source : Extraits de Wikipedia)
La centrale nucléaire de Hinkley Point est installée sur la côte du Somerset (Sud-ouest de l'Angleterre). Elle comprend deux unités : Hinkley Point A et B. L'unité A est arrêtée définitivement et l'unité B devrait être arrêtée au plus tôt en 2016.
Hinkley Point C est un projet de construction de 2 nouveaux réacteurs EPR à Hinkley Point.
2012 : lancement du projet
Lors d'un sommet franco-britannique en février 2012, N. Sarkozy et D. Cameron ont fait des annonces concernant l'EPR en cours d'étude sur ce site depuis plusieurs années.
En mai 2012, EDF Energy (filiale à 100% d'EDF) a suspendu un contrat d'ingénierie civile de 1,2 Md£. Le nouveau réacteur pourrait n'être construit qu'en 2021 au plus tôt, soit quatre ans après la date prévue initialement, et le coût du projet a été revu à la hausse de 40 %.
2013 : report du projet
En mai 2013, le projet est réestimé à 14 Md£ (plus de 16 Md€), et le démarrage est reporté en 2022. En octobre 2013, EDF signe un accord avec le gouvernement britannique dans lequel Areva et les entreprises chinoises China General Nuclear Power Corporation (CGN) et Compagnie nucléaire nationale chinoise (CNNC) deviennent partenaires minoritaires. L'investissement est réévalué à 19 Md€ et le démarrage reporté en 2023.
2015 : suspension des travaux
En avril 2015, EDF annonce la suspension des travaux en attendant une décision définitive d'investissement. EDF a déjà engagé des travaux et des commandes pour un montant estimé à 1,5 Md€, qui restent à sa charge si le projet est annulé.
En juin 2015, plusieurs hauts fonctionnaires britanniques remettent en question la viabilité du projet. Compte-tenu des difficultés financières d'Areva et de la reprise prévue d'Areva NP par EDF, le schéma de financement prévu pour le projet et dans lequel Areva devait être partie prenante à hauteur de 10%, ne convient plus à EDF qui veut limiter sa part à moins de 50% pour ne pas consolider cette filiale britannique dans ses comptes, ce qui augmenterait son propre endettement de celui contracté par cette filiale.
En octobre 2015, EDF et le groupe chinois CGN signent un accord de financement pour la centrale nucléaire d'Hinkley Point C. Pour financer ce projet estimé maintenant à 24,5 Md€, la participation d'EDF sera de 65,5 % et celle de CGN de 33,5 %.
2016 : décision d'investissement et feu vert du gouvernement britannique
En mars 2016, le directeur financier d'EDF, Th. Piquemal démissionne. Le PDG d'EDF et le ministre de l'économie maintiennent le projet, forts de l'appui des électriciens chinois CGN et CNNC.
En juillet 2016, le conseil d'administration d'EDF décide du lancement du projet par 10 voix pour et 7 voix contre, un administrateur ayant démissionné quelques heures avant la réunion. Compte tenu de coûts déjà engagés de 2,9 Md€, le solde de l'investissement est de 21,6 Md€.
En septembre 2016, le gouvernement britannique donne son accord pour la construction des 2 EPR de Hinkley Point C. Il y avait 20 ans que la dernière centrale nucléaire avait été construite au Royaume-Uni.
Aspects financiers du projet Hinkley Point C (source coupures de presse et EDF)
Début des travaux : 2019
Fin des travaux : 2024
Début de la production : 2025
Durée de vie des 2 EPR : plus de 60 ans
Taux de disponibilité des EPR : 91 % contre 81 % pour les actuelles centrales de EDF construites dans les années 1970-1990 et 92 % pour le parc nucléaire américain
TRI estimé de ce projet : 9 %
4 ans de retard dans le démarrage des 2 EPR couteraient 5,2 Md€ et réduiraient le TRI à 7,8 %
EPR (source : Extraits de Wikipedia)
Le réacteur pressurisé européen, EPR (Evolutionary Power Reactor) est un projet de réacteur nucléaire de troisième génération, conçu et développé par Areva NP au cours des années 1990 et 2000. Il fait partie de la filière des réacteurs à eau pressurisée.
Il a pour objectif d'améliorer la sûreté et la rentabilité économique des centrales nucléaires par rapport à celles dotées de réacteurs de génération précédente, même si la possibilité d'atteindre ces objectifs fait débat.
Il est destiné à des pays disposant de réseaux électriques capables de distribuer une puissance électrique de l'ordre de 1 600 MW. Il est conçu pour utiliser de l'uranium enrichi à 5 % et éventuellement du combustible nucléaire MOX, jusqu'à 100 %.
Quatre réacteurs de type EPR sont en cours de construction dans le monde : un en Finlande à Olkiluoto, un en France à Flamanville et deux autres en Chine à Taishan. Prévue pour durer 4 ans et demi, la construction de ces réacteurs a pris beaucoup de retard. En effet, les chantiers de Finlande et de Flamanville sont respectivement commencés depuis 10 et 8 ans et ne sont pas encore achevés à fin 2016 (la construction de Flamanville devrait s'achever fin 2018), tandis que leur coût a plus que triplé, passant de 3 à 10,5 Md€ chacun.
Un projet de construction de quatre réacteurs EPR est envisagé en Angleterre (dont 2 à Hinkley Point C).
Quelques précisions comptables pour bien comprendre les comptes de EDF
Les provisions pour démantèlement des centrales nucléaires
Les centrales nucléaires exploitées par EDF devront, à l'issue de leur durée de vie, être démantelées. Les coûts de démantèlement futurs sont estimés et leur valeur d'aujourd'hui est calculée par actualisation. C'est un engagement futur de EDF qui se traduira dans le futur par des débours de trésorerie certains dans leur principe mais seulement estimables aujourd'hui avec une marge d'erreur plus ou moins forte.
Comptablement EDF a donc comptabilisé au passif de son bilan des provisions pour le démantèlement de son parc nucléaire actuel. Comme chaque année nous rapproche d'un an de la date du démantèlement, le montant de la provision est désactualisé de un an, c'est à dire que le montant de la provision croit chaque année d'un facteur de (1+ le taux d'actualisation). Cette croissance des provisions est traitée au compte de résultat de l'année comme une charge financière.
Les provisions pour retraites
Dans un certain nombre de pays, dont la France en raison du régime spécial de retraite dont bénéficie le personnel de EDF, les retraites ne sont pas versées par un régime de Sécurité social local mais par la société elle-même à ses anciens salariés jusqu'à leur décès. EDF enregistre donc chaque année une provision dans son compte de résultat qui représente les droits à retraite supplémentaires acquis pendant l'année par ses salariés actuels. Cette provision s'ajoute au passif de son bilan au cumul des provisions passées les années précédentes. Au bilan, l'encours des provisions correspond donc à la valeur actualisée à aujourd'hui de toutes les sommes que EDF aura à payer à ses salariés actuels ou anciens jusqu'à leur décès.
Le point de vue financier
Afin d'être en mesure le moment venu de payer les coûts de démantèlement de ses centrales et les retraites de ses salariés, EDF a affecté au cours du temps une partie de ses liquidités à la couverture de ces dépenses futures. Ces liquidités sont investies dans des titres financiers (actions, obligations, etc.) et rapportent des produits financiers qui viennent réduire au compte de résultat les frais financiers. Ce portefeuille de titres financiers ne peut pas être utilisé pour autre chose que le paiement des retraites et des coûts de démantèlement des centrales nucléaires.
L'écart entre d'un coté la somme des provisions pour démantèlement des centrales nucléaires et les provisions pour retraites et de l'autre coté les investissements financiers affectés à la couverture de ces deux provisions correspond à la valeur actuelle de la somme d'argent que EDF devra trouver le moment venu pour pouvoir honorer ces deux engagements. Cet écart est donc assimilable à une dette financière, à très long terme vue la nature des provisions (retraite et démantèlement).
 
 
Questions
Première partie : EDF
  1. 1/ Procédez à une analyse financière de EDF.
  2. 2/ Si EDF devait procéder à une dépréciation de 50 % de son goodwill, quelles conséquences cela aurait-il sur sa solvabilité ? Sur sa liquidité ? Une telle dépréciation vous paraît-elle plausible, nécessaire, au vu de ce que vous savez et d'un coût du capital du groupe de l'ordre de 6% ?
  3. 3/ Procédez à une analyse boursière de EDF.
  4. 4/ En utilisant les données de l'annexe 3, calculez les flux de trésorerie disponible de EDF de 2016 à 2020. Pour simplifier les calculs, vous pourrez prendre un taux d'impôt sur les sociétés de 25 %.
  5. 5/ Retranchez de ces flux de trésorerie disponible de EDF de 2016 à 2020 calculés à la question précédente, les frais financiers de la dette et le dividende (que vous prendrez stable sur la période à 1,5 Md€ par an). Pour simplifier les calculs, vous pourrez retenir un taux d'impôt sur les sociétés de 25%.
  6. 6/Montrez en quoi les chiffres précédents vous permettent de calculer très simplement la dette nette, y compris les provisions de nature financière nette des actifs financiers de couverture, de EDF chaque année, pour autant qu'il n'y ait pas d'augmentations de capital. Pouvez-vous chiffrer le montant de cette dette nette fin 2020 y compris les provisions de nature financière nette des actifs financiers de couverture ?
  7. 7/ Que pensez-vous du niveau d'endettement net de EDF en 2020 avant prise en compte des effets de l'investissement Hinkley Point ?
  8. 8/ Que pensez-vous que sera l'évolution probable du dividende par action de EDF dans les années à venir ? Pourquoi ?
  9. 9/ Si, comme directeur financier de EDF, vous aviez à placer les fonds contrepartie des provisions pour démantèlement des centrales nucléaires qui seront à démanteler dans 20 ans, le feriez-vous principalement en placements monétaires (dettes à court terme), en placements obligataires (dettes à long terme), ou en placements actions ? Pourquoi ?
  10. 10/ Même question si le démantèlement devait intervenir l'an prochain. Pourquoi ?
  11. 11/ Quelle est la conséquence sur le coût du capital de EDF d'avoir un niveau d'endettement plus élevé que la plupart des électriciens européens ? Pourquoi ?
  12. 12/ Quelle est la conséquence sur le coût des capitaux propres de EDF d'avoir un niveau d'endettement plus élevé que la plupart des électriciens européens ? Pourquoi ?
Seconde partie : Hinkley Point
  1. 13/ Le coût du capital que devrait retenir EDF pour apprécier la centrale nucléaire de Flamenville est différent du coût du capital que EDF utilise pour valoriser ses centrales nucléaires françaises construites dans les années 1980 estimé à 6 % ? Pourquoi ? Lui est-il inférieur ou supérieur ?
  2. 14/ EDF doit-il utiliser le même coût du capital pour apprécier la rentabilité de son futur EPR de Hinkley Point C au Royaume-Uni que celui de Flamanville en France ? Pourquoi ? Lui est-il inférieur ou supérieur ? De combien ? Pourquoi ?
  3. 15/ Sachant que le TRI du projet Hinkley Point C est estimé à 9 %, auriez-vous recommandé, d'un strict point de vue financier, de réaliser cet investissement ? Pourquoi ?
  4. 16/ Compte tenu de vos réponses à des questions précédentes et de ce que vous savez de la technologie EPR, pensez-vous que EDF puisse financer sa part (66,5 %) de cet investissement nouveau (dont le solde à réaliser est de 21,6 Md€) par endettement exclusivement ? Pourquoi ?
  5. 17/ Si EDF décidait de procéder à une augmentation de capital de 4 Md€ dans les prochaines semaines afin de financer sa part dans cet investissement, pensez-vous que le timing d'une augmentation de capital soit le meilleur pour ses actionnaires ? Pourquoi ?
  6. 18/ Que pensez-vous de ce montant d'augmentation de capital de 4 Md€ compte tenu des analyses que vous avez faites ? Pourquoi ?
  7. 19/ Et pourtant, si EDF faisait une augmentation de capital de 4 Md€ dans les prochaines semaines ou les prochains mois, quelle en serait la raison à votre avis ?
  8. 20/ Si l'Etat français participait à l'augmentation de capital à hauteur de sa participation dans EDF, serait-ce un signal ? Si oui, serait-il positif ou négatif ?
  9. 21/ Quelles sont les raisons qui ont poussé, à votre avis, le directeur financier d'EDF, Thomas Piquemal, à donner sa démission au 1er mars 2016 sur le sujet de l'investissement Hinkley Point C ?
 

ANNEXES

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