La Lettre n°110 de Octobre 2012

Actualités : De la compétitivité

Quiconque s’intéresse à ce sujet majeur pour l’avenir de notre pays, et il n’y en a pas d’autres en ce moment (1), se doit de lire le petit ouvrage de Henri Lagarde : France-Allemagne : Du chômage endémique à la prospérité retrouvée, paru il y a quelques mois aux Presses des Mines.

 

Petit par la taille (167 pages), mais grand par la force des idées et la puissance de la démonstration faite par cet ancien industriel, aujourd’hui business angel très actif. Dans ce domaine, pas besoin d’inventer de grandes théories, le plus simple est de décortiquer le compte de résultat de deux entreprises de taille moyenne, l’une allemande B, l’autre française M et de les comparer. C’est ce que fait Henri Lagarde et ses conclusions sont édifiantes :

 

1/ Les cotisations sociales payées par les entreprises sur les salaires qu’elles versent représentent en moyenne 38,1 % des salaires de M en France (48 % de base) contre 16,6 % de B en Allemagne (base: 19,575 à 20,9 % part employeur, mais cotisations à 0 % au delà d'un seuil 45.900 € ou 67.200 € par an + nombreux apprentis + Landers de l'est à plafonds encore plus bas). Ce qui renchérit de 21,5 % le coût du travail en France par rapport à ce qui s’observe outre Rhin.

2/ Les taxes diverses qui existent en France ne sont pas assises sur le résultat courant avant impôt (RCAI) comme en Allemagne, mais sur le bâti (CFE) ou la valeur ajoutée au sein l'entreprise (CVAE). Avec les dix autres taxes au moins, elles aussi indépendantes du RCAI, on atteint par exemple, pour M, un total de 32,2 % de son RCAI 2010 (qui était de 10,1 % du CA), ... mais un pourcentage infini en cas de résultat nul ou négatif, élevant vertigineusement son point mort. Dans les pays voisins, il s'agit d'un impôt local assis sur le RCAI. Par exemple en Allemagne, la Gewerbesteuer varie de 7 à 17,25 % du RCAI, soit, 11,2 % de celui-ci en 2010 dans l'entreprise B. De surcroît, et c’est un problème culturel majeur, ceux qui votent ces taxes, les calculent et les lèvent ne sont absolument pas incités à se préoccuper de la bonne santé des entreprises de leur territoire comme cela est le cas chez nos voisins, où ces impôts ne rapportent rien si les entreprises ne vont pas bien puisqu’elles sont assises sur leurs RCAI.

 

3/ Et la base de l'impôt sur le bénéfice (IS), est de 33,3 % en France (30,8 % effectivement payés en 2010, contre 15 % du RCAI en Allemagne (14,1 % effectivement payés), sans parler des nombreuses PME et ETI en nom personnel encore plus faiblement imposées.

 

La conjugaison des points 1, 2 et 3 fait que :

- une ETI ayant un RCAI de 10,1 % de son chiffre d’affaires paie en moyenne en France, 140,6 % de son RCAI en cotisations sociales, taxes diverses et impôts sur les bénéfices ;  

- une grande entreprise française type CAC 40 réalisant 70 % de sa production et de son CA à l'étranger, ne paiera  que  62,7 % seulement de son RCAI pour les mêmes 3 rubriques ;

- et B, notre entreprise allemande, 40,9 % de son RCAI !

 

Si l’on veut éviter, l’accélération de la disparition de pans entiers de l’industrie française, et donc d’emplois, cotisations sociales, taxes et IS, sans parler de cohésion sociale, il y a plus qu’urgence à agir. H. Lagarde donne parmi d’autres exemples celui de la fabrication des batteries en France : 13 M produites en 2007, transférées en Allemagne, Espagne et Pologne, 0,3 M en 2010. Pas étonnant dans ces conditions que l’emploi industriel ait baissé de 2 M de postes en 30 ans (plus que 3 ,5 M au maximum actuellement) et que la balance commerciale positive en 2002 (+ 3,6 Md€) soit négative de 70 Md€ en 2011, et la balance des paiements elle aussi très négative (moins 50 Md€).

 

Sans surprise et avec bon sens, H. Lagarde propose d’imiter ce qui a été fait par l’Allemagne, le Danemark, la Nouvelle Zélande ou le Canada quand ils ont été confrontés au même problème il y a 15 ou 30 ans : diminuer (ou supprimer même) drastiquement les cotisations sociales employeur, pour les transférer sur la TVA, et calculer les impôts locaux sur le RCAI et mettre tous ces prélèvements obligatoires au niveau de ceux de l'Allemagne, ou mieux, du Danemark ou de la Nouvelle-Zélande (cotisations sociales employeur à 0 %, impôts locaux , entre 7 et 17,25 % du RCAI (14 % en moyenne), IS à 15 %, avec en parallèle suppression de la quasi totalité des niches fiscales dont par exemple le crédit d’impôt recherche qui n’a pas empêché une chute de nos investissements R&D entreprises de 1,79 % à 1,39 %.

 

Comme, il n’y a pas d’autres sources de création de richesse que les entreprises, espérons que les Pouvoirs Publics qui réfléchissent à ce sujet agiront avec promptitude, détermination et sens de la mesure.

Pour vous procurer l’ouvrage de Henri Lagarde, suivez le lien ouvrage compétitivité.

 

Pour consulter la présentation qu’il donne régulièrement, suivez le lien présentation compétitivité.

(1) Celui de l’éventuelle réforme des banques que nous traitons ensuite est une aimable plaisanterie en comparaison.



Actualités : Faut-il séparer banques de détail et banques d'investissements ?

Des voix s’élèvent pour instituer (à nouveau) la séparation des banques entre banques d’affaires et banques de dépôt. La question est d’actualité même si le rapport Liikanen commandé par la commission européenne et publié début octobre fait une préconisation que l’on pourrait qualifier de « molle » sur le sujet (1).

 

Quelles pourraient être les motivations d’une telle séparation ?

 

• Réduire la probabilité de faillites bancaires et donc le risque systémique : cette proposition est peu convaincante à notre avis. En effet, comme beaucoup l’ont déjà souligné, aucun modèle bancaire n’a été spécifiquement moins touché par le risque de faillite. Ont été mis en difficulté par la crise financière des banques d’affaires (Lehman, Merrill Lynch), des banques de dépôt (Northern Rock, les caisses d’épargnes espagnoles), des banques spécialisées (Dexia), … Au final, ce sont les banques universelles qui ont le mieux résisté et qui sont venues au secours des défaillants (JP Morgan, BNP Paribas, Barclays) quand les Etats ne pouvait pas ou ne voulaient pas le faire. Si Santander et BBVA surnagent aujourd’hui parmi les banques espagnoles, c’est bien en raison de la diversification géographique et de leurs métiers qu’elles ont toutes les deux entamée il y a 20 ans.

 

• Aboutir à des entités plus petites et dont le contrôle et la gouvernance seraient plus faciles à mettre en œuvre. De surcroît, la réduction de leur taille permettrait d’éviter le problème systémique du too big to fail. Probablement en théorie. Certainement pas en pratique. Quand on voit l’Etat français venir au secours du Crédit Immobilier de France, qui détient environ 3,5 % du marché des prêts immobiliers avec 50 000 prêts accordés par an, on se demande qui, à cette aune, n’est pas too big to fail à part la Banque de Dépôts et de Crédits de la rue des Martyrs (Paris, 9° arrondissement) ? Si la taille est le problème, la scission est une mauvaise réponse, il faut mieux dans ce cas là imposer une limite à la taille du bilan ou à la part de marché.

 

• Des raisons politiques : infliger une punition symbolique, médiatiquement visible à un secteur par qui les problèmes sont venus.

 

Si beaucoup a déjà été écrit sur le sujet, il est frappant que le point de vue des entreprises, voire des clients des banques, soit souvent absent des réflexions. Ce sera le notre.

Quelles seraient les conséquences d’une séparation des banques pour les entreprises ?

 
• Des besoins de capitaux propres plus importants (risques accrus pour des banques plus petites pouvant moins jouer sur la diversification) et des coûts de financement par endettement plus élevés, se traduisant in fine par des conditions de financement des entreprises plus couteuses. A cet égard, il est frappant de constater que dans le financement des banques, la synergie financière est une réalité : la taille couplée à la diversification fait généralement baisser significativement le coût du financement, ce dont bénéficient in fine les clients. Ainsi, le CDS à 5 ans de BNP Paribas est inférieur de 40 à 50 points de base (bp) à celui du Crédit Agricole ou de Natixis qui ont une activité de Corporate and Investment Banking faible ou en nette réduction. L’écart entre  Deutsche Bank et Commerzbank qui se trouvent dans une situation similaire est aujourd’hui de 70 bp. Idem entre Barclays et RBS (30 bp).

 

• Notons qu’en France, une banque qui accorderait autant de crédits qu’elle collecte de dépôts devrait néanmoins se refinancer sur le marché puisqu’une partie des dépôts qu’elle collecte avec le Livret A doit être centralisée à la CDC (qui est supposée l’utiliser pour financer le logement social sans toutefois arriver à l’employer intégralement à cet effet) et qu’elle doit assurer la liquidité de la quote-part des dépôts non garantis par l’Etat. Autrement dit, même une pure banque de détail a besoin de trouver des financements sur le marché à cause de l’intervention de l’Etat.

 

• On pourrait néanmoins espérer que la séparation de la banque de financement de la banque de marché réduise la volatilité observée sur les volumes de crédit offert aux entreprises. Le raisonnement est le suivant : le volume de crédit dépend directement du niveau de capitaux propres des banques. Si une année les banques universelles font (suite à une crise financière par exemple), des pertes importantes sur les marchés financiers, elles seront bridées dans leur politique de crédit aux entreprises puisque leurs capitaux propres auront été réduits à due proportion. Elles agissent alors comme agent de contagion de la crise financière vers une crise économique. A l’inverse lorsque les marchés sont euphoriques, les banques universelles peuvent réaliser des profits importants sur les marchés, et riches en capitaux propres, elles peuvent alors être particulièrement généreuses pour les entreprises. C’est la situation que nous avions au milieu des années 2000 (2).

 

En résumé, on peut donc conclure que les banques universelles présentent deux avantages pour les entreprises : des taux de prêt plus faibles, un one stop shopping efficace mais elles ont l’inconvénient de refléter sur le marché de la dette bancaire la volatilité qu’elles subissent sur les marchés financiers.

 

On remarquera que dans le débat les entreprises clientes des banques ne se sont pas exprimées pour demander la séparation des activités témoignant ainsi que le statu quo leur convient.

 

Que notre lecteur ne se méprenne pas, nous ne sommes pas en train de dire que tout va au mieux au féérique royaume des banques. L’actualité récente a montré la difficulté de contrôler efficacement les opérateurs de marché, une conception de la morale des affaires restant dans certaines parties de certaines banques défaillante (le scandale du Libor) ainsi qu’une absence d’analyse financière fondamentale sérieuse préalable à l’accord de certains prêts ou à l’investissement dans certains produits plus ou moins complexes.

Il n’y a pas d’économie saine sans banques saines. Eviter des faillites bancaires est donc très important. Mais ne nous leurrons pas, les éradiquer complétement est impossible. En tout cas la séparation banque d’investissement et de financement des banques de détail n’est certainement pas de nature à atteindre cet objectif. Par contre elle renchérira le coût du financement bancaire pour les entreprises sans leur apporter aucun avantage.

Le vrai problème n’est pas celui de la nature des activités exercées par les banques, mais celui de la qualité de leur gestion et de leurs dirigeants. C’est cela qui est crucial. C’est presque un truisme, ceux qui sont tombés depuis 2008 sont ceux qui étaient les moins bien gérés, c’est à dire dans le monde bancaire ceux qui avaient pris consciemment ou inconsciemment le plus de risque de crédit, de solvabilité et de liquidité.

 

On a eu raison de faire remonter les ratios de solvabilité qui pouvaient atteindre des niveaux ridiculement bas afin de réduire les risques de faillite. Prétendre que, de ce fait, le coût du crédit en sera renchéri nous paraît faux dans un monde stabilisé. Certes les banques auront plus de capitaux propres à rémunérer mais à un taux moyen plus faible puisque leur structure financière sera moins risquée du fait de ce surcroit de capitaux propres. De leur côté, les prêteurs courant moins de risque avec cette structure financière moins risquée devraient eux aussi exiger des taux d’intérêt plus faibles. Au total le coût global des financements des banques ne devrait être impacté par leur structure financière. On retrouve les raisonnements de F. Modigliani et M. Miller bien connus du monde l’entreprise (3).

On a eu raison de réguler les rémunérations et leurs structures pour éviter les comportements du style « pile je gagne, face tu perds » et donc d’agir sur les incitations. Et il ne faut pas relâcher la pression sur ce thème crucial.

On a eu raison de limiter, voire d’interdire les opérations de trading pour compte propre, même si la limite les séparant des opérations avec la clientèle n’est pas simple.

On a eu raison de faire partir des présidents pas coupables mais responsables (celui de Barclays dernièrement).

Nous pensons qu’aller au delà (séparation des activités) serait contre productif pour les clients.

 

Si vous souhaitez donner votre avis sur cette question, le sondage du site www.vernimmen.net sur sa page d’accueil est consacré à ce sujet.

(1) Le rapport préconise une filialisation des activités de marché (trading pour compte propre et de teneur de marché), mais pas une séparation effective des banques universelles

(2) Voir La Lettre Vernimmen.net n°30 de juillet 2004.

(3) Pour plus détails, voir les chapitres 37,38 et 40 du Vernimmen 2013



Tableau : Les taux d'impôt sur les sociétés dans le monde

Le taux moyen d’impôt sur les sociétés dans les pays de l’OCDE s’est établi en 2012 à 25,31 % en baisse continue depuis 1993 (38 %) ! Mais les pays de l’ex-bloc soviétique ont fait baisser la moyenne d’autant que le périmètre de l’étude de KPMG s’est élargi à de nombreux petits pays qui ont plutôt de faibles taux d’impôt pour attirer les investissements.
 
Cette année, les taux montent en France et baissent au Royaume Uni au Japon. L’écart entre les deux premiers pays est maintenant pour les groupes de 12 points. Autrement dit le même bénéfice avant impôt se traduit par un résultat après impôt de 19% supérieur outre Manche à ce qu’il est ici, et donc par un autofinancement supérieur. Et les britanniques prévoient dans deux ans un taux d’impôt sur les sociétés de 22%... Le tapis rouge n’est pas uniquement déroulé devant les futurs cadres imposés à 75% de ce coté de la Manche !
 
Les taux d’impôt qui suivent vous permettent de calculer la charge d’impôt qui s’applique au résultat courant avant impôt dans des projections financières (plan de trésorerie, flux de trésorerie disponible, coût moyen pondéré du capital). Mais ils ne présentent qu’une seule partie des prélèvements obligatoires auxquels sont soumis les entreprises, celle qui est calculée sur le résultat courant avant impôt. Se rajoutent les cotisations sociales et les impôts et taxes qui ont une assiette autre que le résultat courant avant impôt (les impôt locaux et régionaux en France comme la CFE et la CVAE parmi d’autres).
 
Autrement dit, et à titre d’exemple, on ne peut en aucun cas comparer le taux d’impôt sur les sociétés allemandes de 29,48 % avec le taux français de 34,43 %. En effet le taux allemand inclut les impôts locaux et régionaux (qui sont calculés en % du RCAI, voir l’article d’actualité sur la compétitivité), alors que le taux français ne les inclut pas. Pourquoi ? Parce qu’ils ne sont pas assis sur le RCAI, mais la valeur ajoutée ou le bâti, ce qui empêche de calculer un taux équivalent. Mais en tout état de cause, l’écart d’impôts et de taxes supportés par les entreprises des deux cotés du Rhin est bien supérieur aux 5 points apparents d’écart entre les taux d’impôt sur les sociétés, et on ne parle pas des cotisations sociales.
 
Henri Lagarde chiffre les impôts, taxes et cotisations sociales, pour une entreprise françaises ayant un RCAI normal de 10,1 %, à 140,6 % de son RCAI contre 40,9 % en Allemagne, soit un écart de 100% ! (voir le premier article d’actualité).
 
On comprend mieux pourquoi le chômage baisse en Allemagne, alors qu’il monte en France et que des pans entiers de l’industrie française exposés à la concurrence internationale sont menacés de disparaître à brève échéance. Les PMI et ETI subissent, comme les grands groupes pour leur part française, des prélèvements absolument mortels !

(1) Pour plus de détails, voir la Lettre Vernimmen.net n° 105 de février 2012.



Recherche : La prime de désastre

avec la collaboration de Simon Gueguen - Enseignant-chercheur à Paris Dauphine

 

Le célèbre macroéconomiste américain Robert Barro, professeur à Harvard, qualifie de « désastres économiques » les situations dans lesquelles le PIB d’un pays chute de plus de 10% (1). Selon ce critère, les pays de l’OCDE ont connu 58 désastres économiques au vingtième siècle, presque tous lors de la première moitié du siècle (2). R.Barro a montré que ces événements, bien que rares dans notre histoire récente, pouvaient contribuer à expliquer la valorisation des actifs financiers. Reprenant cette idée, Gavyn Davies (3) a publié sur son blog du Financial Times un article qui explique les taux de rendement obligataires historiquement bas. Il s’appuie sur une recherche (4) publiée par le fonds qu’il dirige, Fulcrum Asset Management.

 

Selon le critère des 10%, depuis 2007, l’Irlande, l’Islande et la Grèce ont connu un désastre économique. D’autres pays pourraient suivre, notamment en cas d’éclatement de la zone euro. De tels désastres affectent le revenu (et donc la consommation) des ménages, et en même temps les flux dégagés par les actions. Si ce risque augmente, la valeur des actions doit baisser. L’idée centrale de l’article est la suivante : même si le risque de défaut sur les obligations d’Etat augmente légèrement, les investisseurs peuvent se reporter sur ces titres pour se protéger des risques qui pèsent sur les actions. En conséquence, le taux de rendement des obligations d’Etat peut diminuer alors même que le risque de défaut a augmenté. C’est le cas de l’Allemagne : alors que la probabilité de défaut implicite de la dette allemande est passée de 0,5% début 2010 à près de 2% (5) aujourd’hui, les obligations d’Etat sont corrélées négativement avec les actions et leur taux de rendement a baissé.

 

Cependant, lorsque le risque de défaut devient trop important, les obligations d’Etat ne remplissent plus cette fonction de valeur refuge. La corrélation avec les actions peut devenir positive. Le taux de rendement augmente alors fortement ; c’est le cas de l’Espagne et de l’Italie. Empiriquement, les auteurs observent qu’un risque de défaut implicite de 3% constitue le seuil de basculement. En-deçà, les obligations d’Etats fournissent une assurance sur la conjoncture, et les rendements exigés peuvent diminuer alors que les risques augmentent. Au-delà, la corrélation avec les actions devient positive et l’assurance ne joue plus ; les taux augmentent fortement.

 

Cet article propose donc une explication à deux phénomènes d’actualité :

 

• la persistance de taux de rendements très faibles pour des emprunts d’Etat dont le risque de défaut a pourtant augmenté ;
• une forte augmentation des taux de rendements lorsque les risques de défaut sont trop importants et que la corrélation entre actions et obligations d’Etat devient positive.

(1) Voir par exemple R. BARRO et J. URSUA (2008), Macroeconomic Crises since 1870, Brookings papers on Economic Activity, pages 255-335.

(2) Les deux exceptions sont l’Islande au début des années 80 et la Finlande au début des années 90

(3) Gavyn Davies a été associé chez Goldman Sachs puis président de la BBC. Il est aujourd’hui président du fonds d’investissement Fulcrum Asset Management.

(4) M. BROOKES et Z. DAOUD (2012), Disastrous bond yields, Fulcrum research Paper

(5) Ces probabilités de défaut implicites sont mesurées par les auteurs à partir des spreads sur les CDS (credit default swaps).



Q&R : Que retenir de l'échec du projet de rapprochement EADS BAE ?

S'il y a bien une leçon à retenir de cette fusion tuée dans l'oeuf, c'est qu'il est difficile de mener à bien un rapprochement entre deux groupes quand les actionnaires ne sont pas convaincus de sa pertinence stratégique et financière et que les dirigeants donnent l'impression de vouloir le mener à bien pour s'émanciper d'eux.

 

Certes l'échec du rapprochement a été présenté comme résultant d'une incapacité des Etats britannique, français et allemand à se mettre d'accord. Mais si cet accord avait été obtenu, y aurait-il eu une majorité d'actionnaires pour le voter en assemblée ? On peut en douter.

 

Du coté d'EADS, Lagardère et Daimler sont des vendeurs affichés à un terme proche de leurs participations historiques qui ne correspondent plus au cœur de leurs stratégies. Dès lors tout projet qui se traduit à son annonce par une baisse du cours de bourse ne risque pas d'obtenir leurs faveurs car c'est autant de plus-values qui s'envolent. Plus encore si le projet est complexe, probablement long à réaliser et lent à produire ses effets.

 

Pourquoi le cours de bourse d'EADS a-t-il baissé jusqu'à 17% à l'annonce de ce rapprochement ?

 

Pour deux raisons. D'abord parce que les actionnaires à long terme d'EADS n'ont pas compris l'intérêt stratégique de se diluer dans l'aviation civile (activité principale de EADS) qui se porte bien avec de belles perspectives dans les années qui viennent pour se reluer dans l'activité de défense (activité principale de BAE) dont les contraintes budgétaires des Etats font qu'elle a peu de chances d'être florissante dans les années qui viennent. Ensuite la prime de 30 % environ qui aurait été payée sous forme d'une parité 60/40 alors que celle des cours de bourse avant l’annonce était de 34/66 est apparue trop forte par rapport aux synergies réalisables. D'une certaine façon les actionnaires anglais, pour qui tout est potentiellement à vendre à condition d'y mettre le prix, ont poussé leur avantage trop loin dans la négociation financière face à des dirigeants d'EADS pour qui cela pouvait ne pas être la priorité. A être trop gourmands, ils ont finalement perdu.

 

L'actionnaire d'EADS qui veut diversifier son risque et avoir une exposition au secteur de la défense, n'a pas besoin d'une fusion avec BAE sur la base d'une parité peu favorable pour cela. Il lui suffit d'acheter en bourse des titres de Thales, BAE, ou Northrop Grumman. Il ne prend pas le risque d'une intégration complexe entre des groupes qui n'ont pas une grande expérience d'opérations de croissance externe réussies, en particulier BAE. Certes, il ne bénéficiera pas des éventuelles synergies dégagées, mais faut-il encore les dégager et elles ne sont pas nombreuses dans un rapprochement présenté comme celui de deux groupes complémentaires...

 

Du coté des actionnaires britanniques, on aurait pu s'attendre à un meilleur accueil compte tenu de la parité négociée, mais comme l'opération était intégralement réalisée par échange de titres, la prime s'avère un leurre pour l'actionnaire de BAE qui la reçoit en actions EADS dont  la valeur baisse.  Avec  un  cours  de  EADS  en  baisse  de 17%, elle tombe à 7%. Du coté du dividende, l’actionnaire de BAE pouvait craindre une baisse de celui-ci puisque le taux de distribution de BAE (42%) est largement supérieur à celui d'EADS (28%). Un crime pour tout institutionnel britannique qui a un passif à gérer (pensions à payer).

 

Quand à tout cela s'ajoute le sentiment très net que les dirigeants d'EADS poussent ce rapprochement pour réduire l'influence sur leur société des Etats actionnaires français et allemands, à la fois par une dilution de 40% de leurs participations, mais aussi par l'entrée comme parties prenantes des Etats britanniques et américains clients et hébergeurs des activités de BAE, on comprend qu'il était très difficile de faire approuver cette opération par les propriétaires des deux groupes, c'est-à-dire leurs actionnaires.

 

Après la substantielle révision des termes du rapprochement Glencore - Xstrata au détriment des dirigeants de ce dernier groupe, cette opération ratée est une nouvelle illustration du pouvoir des actionnaires et qu'à l'oublier on s'expose à des déconvenues.



Autre : DONNEES FINANCIERES

Sur le site vernimmen.net vous pouvez trouver 31 données financières de base pour 16 000 sociétés cotées en bourse en Europe et en Amérique du Nord qui se présentent comme dans l’exemple de BAE :

Le fichier existe en format excel permettant d’accéder à 512 000 données permettant de faire des comparaisons sectorielles, géographiques et tous calculs. Pour y accéder cliquez sur données financières.



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