La Lettre n°111 de Décembre 2012
Actualités : Le taux de l'argent sans risque : le changement, c'est maintenant !
En l'état de nos connaissances, on ne peut pas déterminer le coût des capitaux propres et le coût du capital sans disposer d'une estimation du taux de l'argent sans risque. En effet, le MEDAF postule que le taux de rentabilité à exiger d'un actif est le taux de l'argent sans risque majoré d'une prime de risque proportionnelle au risque de marché de l'actif en question : Rf + β x [E(Rm) - Rf](1). Les modèles alternatifs au MEDAF comme l'APT requièrent aussi un taux de l'argent sans risque.
Qu’est-ce qu’un actif sans risque ?
Les praticiens utilisent souvent pour taux sans risque le taux des obligations d'Etat sur la durée la plus fréquemment émise ou négociée : 10 ans en France pour l'OAT ou en Allemagne pour le Bund et 30 ans aux Etats-Unis. La justification donnée est que cette durée de long terme est du même ordre de grandeur que celle de la moyenne des flux d'une action ou de l'actif économique qui sont nécessairement eux aussi sur le long terme.
Même l'investisseur qui a l'intention de garder son obligation d'Etat jusqu'à son terme final, et pour qui le risque de fluctuations de la valeur du capital est non pertinent, est concerné par ces fluctuations de taux d'intérêt. En effet, il demeure soumis au risque de réinvestissement des coupons car, si à l'émission le taux de rentabilité était annoncé à 4 % par exemple, ce taux ne pourra être obtenu que si les coupons sont en moyenne réinvestis à ce taux de 4 % (et que l'obligation est gardée jusqu'à son terme).
Par ailleurs des variations non anticipées de l'inflation peuvent venir réduire ce qui paraissait être un placement sans risque. Certes depuis une trentaine d'années les niveaux de l'inflation sont plutôt plus bas qu'anticipé, mais cela ne durera pas éternellement comme nos lecteurs les plus expérimentés le savent, eux qui ont vécu deux décennies de hausse des taux d'inflation dans les années 1960 et 1970.
Enfin il existe un risque de solvabilité de l'émetteur, que la montée de l'endettement de la plupart des pays occidentaux ne rend pas totalement théorique comme l'actualité n'a fait que le démontrer depuis deux ans.
Autant le risque de réinvestissement des coupons et celui d'inflation peuvent être combattus par le recours à des obligations à coupon zéro et des obligations indexées sur l'inflation, autant celui de solvabilité est plus difficile à neutraliser. Certes il existe des CDS mais tant qu'ils ne sont pas compensés par une chambre de compensation(2), l'acheteur de cette protection court le risque que celui qui la lui a vendue fasse défaut. Par ailleurs, à la différence du marché des obligations d'Etat, celui des CDS est opaque et d'une liquidité douteuse.
Que faire alors ?
Il nous parait donc, maintenant que la solvabilité des Etats n'est plus aussi assurée qu'auparavant, nécessaire de revisiter le choix du taux de l'argent sans risque. Il doit en effet être bien clair pour nos lecteurs que la formule du MEDAF n'a de justesse interne que parce que le taux de l'argent sans risque est effectivement sans risque. A défaut, il ne faut pas utiliser ce modèle. Mais comme il n'y en a pas d'autres aujourd'hui . . .
Nous ne voyons pas d'autre solution que de prendre un taux de l'argent à court terme, car sur le court terme les fluctuations de taux d'intérêt et d'inflation sont faibles, voire négligeables, et car le risque de réinvestissement des coupons n'existe pas. Si l'on prend un bon du Trésor à 1 mois ou 3 mois d'un Etat noté AAA, le risque de solvabilité est de facto nul.
Cette vue, qui va à l'encontre d'une pratique majoritaire en Europe, n'est pas si iconoclaste que cela. Les trois principaux fournisseurs mondiaux de primes de risque du marché actions, Ibbotson, Marsh Dimson et Associés en Finance proposent aux utilisateurs des primes de risque du marché actions calculées par rapport à des taux à long terme, et par rapport à des taux à court terme. L'essentiel bien sûr est de ne pas ajouter à un taux à court terme une prime de risque calculée avec un taux à long terme ou vice versa.
Dans l’immense majorité des cas, le changement consistant à passer, pour le taux de l’argent sans risque, d’un taux à long terme qui est en fait risqué en contradiction avec ce qu’il doit être, à un taux à court terme véritablement sans risque, a un impact faible sur le taux d’actualisation en raison de la faible pente actuelle de la courbe des taux. Seules les actions avec un β très faible sont significativement affectées. Mais des sociétés avec un β inférieur à 0,5 sont très rares, par exemple moins de 0,5% dans l’échantillon de Associés en Finance.
Taux de rentabilité exigé sur une action en fonction de son β pour un taux de l’argent sans risque à court terme de 0,05% et un taux à 10 ans de 1,35% (données allemandes) et un taux de rentabilité du marché de 10,5% (à mi-décembre 2012) :
On pourrait être marri que les flux futurs ne soient plus actualisés avec un taux (taux sans risque + prime de risque) de long terme, donc de même échéance que la leur en moyenne. Cela nous parait être une illusion d'optique. En effet, les flux sont actualisés à Rf + β x [E(Rm) - Rf], c'est-à-dire en moyenne (β de 1), à E(Rm), qui est un taux à long terme puisqu'il égalise la valeur du marché aujourd'hui avec la valeur actuelle des flux futurs générés. En ajoutant une prime à un taux à court terme, on n’a plus un taux à court terme. D’ailleurs pour achever de convaincre les Saint-Thomas modernes, on peut très bien présenter la formule du MEDAF : Rf + β x [E(Rm) - Rf] en : E(Rm) + (β – 1) x [E(Rm) - Rf] où l’on retrouve une prime (β – 1) x [E(Rm) - Rf] qui s’ajoute à un taux d’intérêt à long terme : E(Rm), et ce même si le taux d’intérêt Rf utilisé est un taux à court terme.
On pourrait aussi se demander comment, avec un taux sans risque égal au taux des bons du Trésor allemand à 3 mois pour la zone euro, il est tenu compte du risque de certains pays de cette zone euro (Espagne, Italie, Grèce, etc.). Aujourd’hui on rajoute un spread au taux long terme allemand utilisé, qui vient du marché des CDS ou des emprunts du pays, mais son ampleur actuelle fait souvent problème. Des évaluateurs ont alors été conduits à prendre un spread moyen calculé sur une période plus ou moins longue, ou à retenir l’idée que le spread doit tôt ou tard revenir sur vers une moyenne historique et à utiliser une technique de fading(3)de ce spread dans le futur. Tout ceci est sensé, mais ouvre beaucoup de possibilités entre lesquelles il est difficile de choisir objectivement : durée de la période de fading, vitesse de retour à la moyenne, durée de calcul de la moyenne, etc., alors qu’elles ont un impact important sur la valeur calculée.
Avec un taux de l’argent à court terme comme taux sans risque, tout ceci est inutile des lors que le coefficient beta est calculé contre un indice européen et non contre un indice national. En effet le β d’une société italienne, par exemple, calculé contre l’indice de la bourse de Milan est significativement plus faible que celui calculé contre un indice européen. Dans un dossier récent nous avions obtenu pour le β d’une société italienne calculé contre l’indice milanais 0,43, mais un chiffre de 0,63 quand on le calculait contre l’indice européen. C’est un peu comme quand vous observez dans un avion qui vole à 850 km à l’heure un passager marchant dans le couloir. Vu de l’avion il fait du 2 km/heure, mais vu du sol il fait du 852 km/heure.
Autrement dit le risque pays est intégré dans le β et n’a pas besoin d’être pris en compte ailleurs si celui-ci correctement calculé contre un indice européen, et non contre un indicelocal. Comme de toutes façons le beta doit être calculé, on évite ainsi des choix contestables dans la prise en compte du risque pays au sein de la zone euro.
Mais pourquoi changer maintenant ?
Fondamentalement parce que, avoir vu il y a un an des CDS dépassant les 100 points de base pour le bund à 5 ans et les 200 points de base pour les OAT françaises de même maturité, il n'est plus raisonnablement possible de faire comme si ces emprunts d'Etat étaient toujours des produits sans risque. Et ce même si ces CDS sont retombés à 30 et 80 bp respectivement. On fermait déjà l'œil sur les variations de taux d'intérêt, on oubliait l'inflation car elle était stabilisée depuis déjà un bon moment à un niveau faible. Mais le risque de solvabilité chiffré à au moins 10% du taux d'actualisation (un CDS de 80 points de base pour la France face à un coût du capital de 8 à 9 % en moyenne) ne peut plus être ignoré. Trop, c'est trop !
Nous y réfléchissons pour notre part depuis un bon moment (voir l’introduction du Vernimmen 2013). Les résultats du sondage que nous avons organisé sur ce thème au premier semestre sur la page d'accueil du site vernimmen.net nous ont confortés dans ce choix. 55 % des 4 787 répondants ont choisi un taux à court terme et non un taux à long terme comme taux de l'argent sans risque.
Qu’est-ce qu’un actif sans risque pour vous ?
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Votes |
% |
Une obligation d'Etat à long terme |
471 |
10% |
Une obligation d'Etat à long terme notée AAA |
1330 |
28% |
Une obligation émise par une entreprise notée AAA |
342 |
7% |
Un bon du Trésor émis par un État noté AAA |
1881 |
39% |
Un taux d'intérêt a un jour type Eonia |
763 |
16% |
Nombre total de réponses : 4787 |
Nous nous attendions à un chiffre beaucoup plus bas en faveur des taux à court terme. Nous nous sommes alors dit que la communauté financière était prête au changement : 4 787 réponses ce n'est plus un sondage, c'est presque un vote !
Tout ceci nous fait penser, pour paraphraser l'homme qui a eu l'habilité politicienne de se présenter comme l'ennemi de la finance afin d'accroitre ses chances d'être élu Président de la République, que "le changement, c'est maintenant" pour le taux de l'argent sans risque aussi !
Dorénavant nous utiliserons dans la zone euro comme taux de l’argent sans risque celui des bons du trésor allemand à un mois et dans la zone dollar celui des bons du trésor américain à un mois.
1) Pour plus de détails, voir les chapitres 24 et 36 du Vernimmen 2013
2) Pour plus de détails, voir le chapitre 54 du Vernimmen 2013
3) Voir la page 739 du Vernimmen 2013
Recherche : couverture et création de valeur
avec la collaboration de Simon Gueguen - Enseignant-chercheur à Paris Dauphine
L’utilisation d’instruments dérivés pour couvrir les risques de taux et de change a considérablement augmenté ces dix dernières années. Selon la Banque des Règlements Internationaux (BRI), les dérivés de change et les dérivés de taux détenus par des clients non financiers ont plus que quadruplé entre 2000 et 2009. Quelques travaux de recherche ont évalué les conséquences d’une stratégie de couverture sur la valeur de l’entreprise, concluant le plus souvent à un impact positif1. Mais quels sont les canaux de transmission entre couverture et création de valeur ? L’étude dont nous présentons les résultats2 montre empiriquement que la mise en place d’une couverture améliore les conditions d’emprunt pour l’entreprise, réduisant le coût de la dette et les restrictions à l’investissement. Ces deux effets sont créateurs de valeur.
Les auteurs ont collecté une base de données spécifiquement destinée à l’étude. Ils se sont intéressés aux prêts bancaires contractés par des entreprises américaines entre 1996 et 2002. Cette période a été choisie pour des raisons de disponibilité des données ; les règles comptables qui s’appliquent après 2002 aux Etats-Unis conduisent à une moindre révélation d’information sur le montant de la couverture3. L’étude aboutit à deux résultats principaux :
- La couverture permet de réduire le spread payé sur les emprunts. A caractéristiques équivalentes4, l’entreprise qui utilise des dérivés de change et/ou d’intérêt pour se couvrir paie 53 points de base de moins que celle qui ne se couvre pas. La différence est significative, à comparer à un spread moyen de l’échantillon de 189 points de base. Cet effet positif de la couverture est plus fort pour les entreprises dont le ratio market-to-book est élevé, c’est-à-dire celles qui ont des opportunités de croissance. Les auteurs proposent une interprétation : la couverture réduit la crainte de la banque de voir l’emprunteur s’engager dans des projets risqués après la signature, crainte d’autant plus forte que les opportunités sont nombreuses.
- La couverture permet de réduire les clauses de restriction d’investissement dans les contrats de prêt. A caractéristiques équivalentes, la probabilité de telles clauses est réduite de moitié lorsque l’entreprise se couvre.
Ces deux effets permettent d’accroître la valeur de l’entreprise. La réduction du taux d’emprunt ne reflète pas uniquement un transfert de risque entre actionnaires et créanciers (auquel cas, selon un raisonnement à la Modigliani-Miller, il n’y aurait pas création de valeur) ; elle permet une véritable diminution du coût du capital de l’entreprise. L’absence de clause de restriction évite quant à elle de renoncer à des projets créateurs de valeur. Moindre coût du capital, plus d’investissements : la couverture n’est pas un jeu à somme nulle !
1 Voir par exemple : D.A.CARTER, D.A.ROGERS et B.J.SIMKINS (2006), Does hedging affect firm value ? Evidence from the U.S. airline industry, Financial Management, vol.35, pages 53-87.
2 M.CAMPELLO, C.LI, Y.MA et H.ZOU (2011), The real and financial implications of corporate hedging, Journal of Finance, vol. 66, n°5, pages 1615-1647.
3 SFAS 133 notamment : le montant notionnel de la couverture n’est plus divulgué.
4 Les auteurs utilisent un grand nombre de variables de contrôle, relatives aux caractéristiques de l’entreprise, de l’emprunt et aux relations entre l’entreprise et le prêteur.
Q&R : Pourquoi les fonds de pension britanniques ont-ils modifié la composition de leurs actifs ?
Pour la première fois depuis probablement les années 1950, la part des obligations dans les actifs des fonds de pension britanniques a dépassé celles des actions : 43,2% contre 38,5% selon les statistiques tenues par le régulateur britannique. On peut y voir plusieurs raisons.
Avec l'arrivée à l'âge de la retraite du gros des baby boomers et des tranches d'âge derrière moins fournies, la duration moyenne des engagements de retraite des fonds de pension se raccourcit. Il est donc assez logique pour un gestionnaire de fonds de pension de réduire le risque de son portefeuille pour faire face à des débours de trésorerie croissants et proches. Donc de faire monter la part des obligations au détriment de celles des actions dans son portefeuille.
Depuis 1998, la performance des actions en moyenne a été décevante pour ne pas dire plus : 3,4% dividendes réinvestis pour l’indice monde. En revanche, la performance des obligations a été excellente grâce à la baisse des taux. Quand des obligations devaient être vendues avant leur échéance, c'était avec une plus-value. Quand elles étaient gardées jusqu'à terme, le taux de rentabilité obtenu était peu ou prou celui annoncé à l'émission, donc positif et supérieur à celui du moment. Au bout d'un certain temps, la performance passée, et surtout sa persistance, même si elle n'est pas gage de performance future, finit par devenir une référence et il faut vraiment avoir la foi chevillée au corps dans le placement actions pour y résister.
Un gestionnaire qui cherche un peu de risque et donc un peu plus de rentabilité n’a plus besoin d’aller sur le marché action pour en trouver. L’élargissement du marché obligataire grâce au développement des obligations d'entreprise, sans parler du compartiment high yield, les lui fournit.
Vue l'ampleur des fonds gérés par les fonds de pension britanniques (800 Md£), la composition de leurs portefeuilles agrégés a du mal à s'éloigner de celles des actifs financiers disponibles comme support d'investissement. La baisse du cours des actions depuis 2000, les rachats d'actions et les sorties de bourse supérieurs au montant des augmentations de capital et aux introductions en bourse raréfiées, la forte reprise des émissions d'obligations par les Etats depuis 2008, le recours plus fréquents des entreprises au marché obligataire ont développé la part relative des dettes cotées au détriment de celle des capitaux propres.
On peut toutefois s'interroger sur la pertinence de ce choix quand on sait que les taux nominaux actuels des obligations d'Etat des grands pays emprunteurs (Etats-Unis, Royaume Uni, Allemagne, France, Japon) sont devenus inférieurs au taux d'inflation (voir la rubrique statistique du mois) et que celui-ci, après 30 ans de baisse quasi continue, pourrait bien, à un moment ou à un autre, repartir à la hausse. Et quand on sait que le placement action n'a pas constitué historiquement une bonne protection contre l'inflation, on peut se faire des cheveux blancs pour les britanniques qui prendront leurs retraites dans 10 ou 20 ans.
Autre : Nouveau sur le site Vernimmen.net
Les étudiants en dernière année d’étude en finance produisent souvent des travaux de recherche de très grande qualité qui n’ont pas ensuite sur les rayonnages des bibliothèques l’exposition qu‘ils mériteraient. C’est pourquoi depuis quelques années nous accueillons les meilleurs d’entre eux sur le site vernimmen.net. Nous venons d’en ajouter une dizaine, ce qui porte leur nombre à plus de 70 sur la page au bout de ce lien.
NOS LECTEURS ECRIVENT : OPA de TTC sur la CFAO : le prix de la consolidation ?
Par Baptiste Desplats et Ramzi Kallab (Kyte Partners) et Erwan Barre (avocat aux barreaux de Paris et de New-York).
CFAO, leader de la distribution et des services en Afrique, était détenu à 100% par PPR jusqu'à son introduction en bourse en décembre 2009. A l’issue de l’IPO, PPR ne détenait plus que 42% de la CFAO.
Dans le cadre du recentrage de ses activités sur le Luxe et le Lifestyle, PPR a annoncé son souhait de se désengager des activités jugées non stratégiques dont la CFAO. Malgré des performances opérationnelles flatteuses, la progression du titre CFAO a été entravée par un effet d’ « overhang », les investisseurs anticipant un placement de titres sur le marché. PPR a lancé en 2012 un processus compétitif de vente de sa participation dans la CFAO qui a été remporté par TTC (Toyota Tsusho Corporation).
Le seuil de lancement d’une OPA obligatoire étant de 30% en France, PPR a d’abord vendu à TTC un bloc de 29,8% du capital le 26 juillet 2012 au prix de 37,50 € par action. Le 28 août 2012 après réalisation d’une due diligence, TTC a confirmé le lancement d’une offre publique d’achat portant sur la totalité du capital de CFAO à un prix identique.
Nous estimons que TTC aurait pu aboutir à un résultat équivalent à un coût significativement moindre.
L’actionnariat de CFAO étant éclaté (hors PPR, 5 actionnaires institutionnels seulement détenaient entre 3% et 7% du capital), TTC aurait pu acquérir 26,9% du capital. Un tel schéma présentait le double avantage pour TTC de :
• n’avoir à débourser que 620 millions d’euros au lieu de potentiellement 2,3 milliards d’euros pour 100% du capital et
• d’éviter le risque de mise en jeu des clauses de changement de contrôles existant sur certains contrats de distribution exclusifs de la CFAO.
Un tel schéma aurait néanmoins fait peser sur PPR un risque sur le prix de vente de ses 15,1% restants, en particulier dans un marché action très volatile et pour un titre peu liquide. Afin d’atténuer ce risque, CFAO aurait alors pu utiliser son programme de rachat d’actions (quasi inutilisé et permettant de racheter jusqu’à 10% du capital, dans les limites imposées par l’AG ), ramenant ainsi, post annulation de ces actions, la participation de PPR à 5,9%, niveau tout à fait acceptable pour être revendu sur le marché.
Sur la base du nouveau capital (après annulation des actions rachetées), TTC détiendrait ainsi 29,9% du capital, niveau largement suffisant pour contrôler cette société sans avoir à lancer une offre sur la totalité du capital.
En novembre 2000, Saint-Gobain, qui détenait une participation de 31,9% d’Essilor, avait utilisé une structure similaire : Saint-Gobain avait ainsi vendu 21,9% du capital d’Essilor sur le marché et Essilor lui avait racheté les 10% restant, actions qui avaient par la suite été annulées.
La réglementation a évolué depuis l’opération Saint-Gobain / Essilor, mais rien n’interdirait aujourd’hui l’opération suggérée. Ainsi, le rachat par une société française cotée sur Euronext Paris de ses propres actions aux fins d’annulation bénéficie-t-elle d’une présomption irréfragable de validité aux termes de la réglementation européenne. Le rachat par bloc, ici à PPR, serait quant à lui possible aux conditions suivantes : (i) le prix de rachat des actions ne pourrait être supérieur à celui coté sur le marché réglementé ni à celui décidé par les actionnaires (42€ par action et 230M€ au total) ; (ii) le rachat ne pourrait intervenir antérieurement à la complète information du marché sur l’opération en cours ; et (iii) les actions ainsi rachetées devraient être annulées dans les 24 mois de leur rachat.
Ainsi, même si l’ensemble du programme de rachat est mobilisé auprès d’un seul actionnaire, comme nous l’envisageons ici, le régulateur n’y voit pas une violation du principe d’égalité de traitement des actionnaires, le volume du bloc n’ayant d’autre limite que celle du programme de rachat d’actions autorisé par les actionnaires et le droit des sociétés, qui empêche la détention par une société de plus de 10% de ses propres actions. Si le volume des rachats sur le marché (c’est-à-dire hors blocs) est limité par la réglementation, ça n’est qu’afin de limiter leur impact sur la formation du cours.
On peut donc s’interroger sur les raisons qui ont poussé TTC à lancer une offre sur la totalité du capital de la CFAO : était-ce pour consolider la CFAO ou bien voyaient-ils dans la CFAO un potentiel d’appréciation qui va bien au-delà du prix payé qui était pourtant en ligne avec les prévisions des analystes ?
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