La Lettre n°113 de Mars 2013
Actualités : L'analyse financière des groupes japonais
Il nous a paru intéressant d’aller regarder quels sont les effets sur les entreprises japonaises de plus d’une décennie de croissance très faible (1% en volume en moyenne depuis 2000), couplée à d’une déflation (- 0,3 % par an en moyenne pour l’indice des prix depuis 2000), à des taux d’intérêt très faibles : moins de 1 % à moins de 10 ans actuellement et à une stagnation de la population.
Nous le faisons sur la base des groupes cotés qui ne sont pas nécessairement les plus dynamiques, mais qui sont normalement ceux enregistrant les meilleures performances.
3 470 entreprises japonaises étaient cotées en décembre 2012 sur les bourses de Tokyo et d’Osaka. En enlevant les entreprises capitalisant moins de 100 M$, celles des secteurs bancaires, d’assurance et d’immobilier, celles dont tout partie des comptes ne sont disponibles sur 5 ans (ainsi Japan Airlines pour cause de faillite), on aboutit à 1569 entreprises pour lesquelles des comptes audités sont disponibles. Ceux-ci nous ont été gracieusement fournis par Infinancials qui fournit aussi les 32 données financières pour 16 000 groupes cotés dans le monde disponibles sur le site vernimmen.net. Elles représentent 80 % de la capitalisation boursière de Tokyo et de Osaka, soit environ 2 320 Md€. En comparaison la capitalisation boursière de la place de Paris était fin 2012 de l’ordre de 1350 Md€.
Nous avons appliqué à ces comptes la méthodologie d’analyse financière habituelle (1).
Création de richesses
Le chiffre d’affaires cumulé des entreprises japonaises de l’échantillon est de l’ordre de 4 500 Md€ en 2011.
Malgré ses particularités, le Japon n’échappe pas à la loi de 20/80. Les 20% plus grandes entreprises japonaises cotées font 84% du chiffre d’affaires et 80% du résultat d’exploitation avec des chiffres moyens de 9Md€ et 350 M€ respectivement. Et les 1% les plus gros groupes font 23 % du chiffre d’affaires et 13 % du résultat d’exploitation global.
A l’inverse, les 20 % les plus petites sociétés font 1,7 % du chiffre d’affaires mais 3,3 % du résultat d’exploitation avec des chiffres moyens de : 180 M€ et 15M€ respectivement.
Le poids de l’industrie reste très important au Japon : 65 % du chiffre d’affaires de notre échantillon, avec en particulier l’automobile à 15% qui fournit 3 des 5 plus gros groupes japonais par le chiffre d’affaires : Toyota, Nissan et Honda.
Le niveau de croissance de l’activité a été négatif depuis 2007 : -2,9 % / an. Cette décroissance est essentiellement en volume car sur le même période l’inflation japonaise n’a été que de -0,5 %. Ce qui veut dire que ces entreprises cotées ont décru en volume 3 fois plus vite que l’économie japonaise qui s’est « contentée » d’un taux de décroissance en volume de 0,7 % environ par an depuis 2007.
Seules 37 % des entreprises de notre échantillon ont eu un chiffre d’affaires 2011 supérieur à celui de 2007. Pour 23% d’entre elles, il est inférieur de 20%.
Dans leur globalité, les entreprises japonaises ont plutôt bien résisté à la baisse de leur activité, -11 % en 4 ans, avec une baisse de seulement deux points pour le résultat d’exploitation et de un point et demi de marge pour l’EBE :
Comme on l’a entrevu plus haut, les 20% des plus petites entreprises cotées en termes de chiffres d’affaires affichent des marges d’exploitation deux fois supérieures à 8,3% en 2011.
A titre de comparaison, les groupes cotés européens présentaient en 2011 une marge d’EBE de 17,8 % et de 11,7 % pour le résultat d’exploitation.
Investissements
Ils concernent d’abord les actifs immobilisés qui constituent les trois quarts de l’actif économique des groupes japonais. Sans grande surprise, vu la croissance négative, les investissements en actifs immobilisés sont sur la période étudiée inférieurs de 7 % aux dotations aux amortissements. Dès lors les actifs immobilisés baissent de 4 %. Quand le chiffre d’affaires moyen recule de 11%, les entrepreneurs n’ont guère d’incitation à accroitre la taille de leur outil industriel et commercial.
Sur cette même période le besoin en fonds de roulement baisse légèrement, de 3 %, mais comme le chiffre d’affaires régresse plus vite encore, une fois exprimé en jours de chiffre d’affaires, il passe de 69 jours à 77 jours en 2011 :
On ne manquera pas de constater que les délais clients et fournisseurs exprimés en jours sont à peu près les mêmes : est-ce le hasard ou le témoin d’une économie moins ouverte que d’autres sur le monde extérieur ? Quand on regarde le besoin en fonds de roulement en fonction de la taille de l’entreprise on est frappé de constater que ce sont les groupes du dernier quintile qui ont le BFR exprimé en jours de ventes le plus faible (13 % de moins que la moyenne), immédiatement suivie des groupes du premier quintile (9 % de moins que la moyenne). Ceux des entreprises des 3 quintiles intermédiaires sont très largement au-dessus de la moyenne, la palme en ce domaine revenant aux groupes du 3° quintile avec un BFR en jours de ventes supérieur de 67 % à celui de la moyenne de notre échantillon.
La comparaison avec un échantillon européen établi de la même façon est éloquente : 41 % des groupes européens ont un BFR négatif contre seulement 14 % au Japon. Une partie de l’explication tient à la part plus forte de l’industrie dans l’économie japonaise, et a contrario la part plus faible des services où il est plus facile d’enregistrer des BFR négatifs. Une autre partie de l’explication est probablement à rechercher dans une moindre efficacité opérationnelle qu’elle soit voulue (ne pas présurer des clients ou fournisseurs plus faibles) ou subie, la faiblesse des taux d’intérêt depuis une décennie n’incitant pas les managers à gérer au mieux ce poste. Quel retournement en 35 ans dans ce pays qui a inventé le just-in-time et le zéro stock !
Financement
Sans surprise pour une économie sans beaucoup de croissance, le flux de trésorerie disponible après frais financiers est positif, même s’il est déclinant, mais 2011 est une année particulière au Japon (Fukushima) et permet en 4 ans de restituer aux actionnaires pour 355 Md€ tout en réduisant l’endettement bancaire et financier net de 5% (40 Md€) :
Les variations du BFR étant négligeables, le ratio Dette/EBE a une pertinence. Avec un niveau de l’ordre de grandeur de 2, la situation globale n’est pas encore inquiétante même si on peut être surpris que dans une économie sans croissance, il n’y ait pas un désendettement net. Mais la faiblesse des marges limite d’autant l’autofinancement et explique cette situation. En Europe, le même ratio était en 2011 de 1,5.
Mais dans ce domaine, l’analyse doit surtout se porter entreprise par entreprise.
On y alors découvre que 14% des entreprises cotées japonaises ont un ratio dettes/EBE supérieur à 4 et que ces entreprises représentent 56 % de l’endettement brut (qui est de 1600 Md€). Sur ces dettes, la part du court-terme est de 47%. A l’autre extrémité, 51% des groupes cotés ont des dettes nettes négatives et on atteint 64 % des groupes avec ratio dettes/EBE inférieur ou égal à 1. Autrement dit, la moyenne correcte de 2,1 cache des disparités très nettes et des situations très critiques. Il n’y a que 19 % des groupes cotées qui ont un ratio « normal » compris entre 1 et 3 fois. Lapidairement, on pourrait dire qu’au Japon soit on croule sous le cash par peur du futur et ou manque d’idées, soit on va très mal.
Rentabilités
Avec des rentabilités économiques moyennes comprises entre 2,6 % et 6,5% les groupes japonais sont loin de gagner leur coût du capital estimé à 7 % :
En fait en 2011, seuls 40% des groupes gagnaient leur coût du capital ou plus et un tiers avaient un taux de rentabilité économique de moins de 4,5%. Ce sont aux extrêmes qu’une fois encore les meilleures performances sont enregistrées : 15,5 % de rentabilité économique après impôt pour le quintile des entreprises le plus petites en terme de chiffre d’affaires et 5,6% pour le premier quintile sans pour autant que ce dernier chiffre soit une performance digne d’éloges . . .
A titre d’illustration, la plus grande entreprise japonaise par le chiffre d’affaires, Toyota, n’a pas eu de rentabilité de ses capitaux propres supérieure à 4% depuis 2008 et Sony est en perte depuis cette date. . .
Conclusion
Bien que l’indice Nikkei 225 soit revenu à son niveau de 1986 (sic) grâce à une hausse de 20% environ depuis les dernières élections de décembre 2012, il fait apparaître un Price to Book ratio moyen de 1,2. Compte tenu d’une rentabilité moyenne des capitaux propres de 4,7 % bien inférieur au coût des capitaux propres de l’ordre de 10 %, un tel PBR n’est justifié que si la rentabilité des capitaux des groupes japonais cotés s’améliore rapidement. Les managers japonais ont du sushis sur la planche pour ne pas décevoir une nouvelle fois leurs investisseurs.
Plus en détail, le premier quintile des sociétés japonaises cotées qui gagne son coût des capitaux propres est valorisé avec un PBR moyen de 3,5. Le quintile central qui dégage une rentabilité moyenne de ses capitaux propres de l’ordre de 6 % est valorisé avec un PBR de 0,9. Et quant aux mauvais élèves de la classe, leur PBR moyen est de 0,5 pour une rentabilité des capitaux propres moyenne de 2,3 % . . .
Tout ceci dessine au final un monde bien étrange dans lequel le tarissement de la créativité (où les successeurs des walkmans, compact disques et des process just-in-time des années 1970 ?), le vieillissement de la population puis sa décroissance, la déflation depuis plus de 10 ans lèguent des entreprises cotées, supposées être le fleuron de l’économie, mais dont le chiffre d’affaires baisse, aux marges faibles, à l’autofinancement insuffisant pour permettre un désendettement significatif pour les plus endettées d’entre elles. Les autres ne risquent pas la faillite compte tenu de la masse de liquidités qu’elles thésaurisent pour se protéger d’un futur qui semble craint et faute d’opportunités d’investissement. Au total, très peu de groupes satisfont les demandes de rentabilité des actionnaires, ce qui n’est jamais un gage de pérennité mais comme la gouvernance des entreprises japonaises est faible, la situation peut perdurer des années encore. Espérons que notre monde ne deviendra pas comme celui-ci.
(1) Pour plus de détails, voir le chapitre 9 du Vernimmen 2013
Tableau : Les taux d'impôt en France en 2013
Les taux d’impôt en France pour 2013 pour des sociétés et personnes physiques françaises seront de :
(1) 15 % sur les premiers 38 120 € de résultat imposable. Les charges financières nettes ne sont déductibles qu’à hauteur de 85% (75% à partir de 2014) de leurs montants lorsque celui-ci dépasse 3M€ (seuil et non franchise). De plus les bénéfices distribués supportent une contribution supplémentaire de 3% (disposition ne s’appliquant pas aux PME communautaires, i.e. savoir les sociétés exploitantes qui occupent moins de 250 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 50 M€ ou dont le total du bilan annuel n'excède pas 43M€).
(2) La contribution sociale de 3,3 % est assise sur l’IS de référence sous déduction d’un abattement de 763 000 € par période de 12 mois (lorsqu’un exercice est différent de 12 mois, l’abattement est ajusté en conséquence) ;
(3) 19 %, 15 % ou 3,99 % (ou 4,16 % si le CA 2012 est > 250 M€) sur la fraction d’IS inférieure ou égale à 763 000 € ;
(a) Sociétés dont le chiffre d’affaires hors taxes est inférieur à 7.630 M€ et dont le capital, entièrement libéré, doit être détenu pour au moins 75 % par des personnes physiques (ou des sociétés qui satisfont aux conditions).
(b) Régime des plus-values et moins-values à long terme :
Sont exonérés sauf application d’une quote-part de frais et charges de 12%, les cessions de titres de participation détenus depuis au moins deux ans qui revêtent ce caractère au plan comptable ainsi que ceux considérés comme tels par la loi fiscale : (i) titres ouvrant droit au régime des sociétés mères prévu aux articles 145 et 216 du CGI si inscription à une subdivision spéciale d’un compte de bilan correspondant à leur classification comptable (ii) actions acquises en exécution d’une OPA ou OPE par l’entreprise initiatrice.
La moins-value constatée lors de la cession de titres de participation détenus depuis moins de deux ans à une société liée est mise en suspens. Le régime et la date d’imposition de ce résultat dépendent du maintien ou non des titres dans le groupe économique.
Sont imposables au taux réduit de 15% (15,49% si contribution sociale de 3,3% applicable) les produits nets de concession de brevets, d’inventions brevetables ou de procédés de fabrication ainsi que les plus-values y afférentes (extension aux cessions de brevets, d’inventions brevetables ou procédés de fabrication applicables au titre des exercices ouverts à compter du 26 septembre 2007 et au titre des exercices clos à compter de cette même date). Sont aussi concernées les plus-values de cession de parts de FCPR et d’actions de SCR lorsque ces titres sont détenus depuis plus de 5 ans (avec, sous certaines conditions, application de l’exonération avec quote-part de frais et charges de 5%).
En revanche, sont taxables au taux de droit commun, les cessions de titres de sociétés à prépondérance immobilière non cotées réalisées par une société relevant de l’IS.
Un taux réduit de 19% s’applique lors de la cession de locaux destinés à être transformés en logements, sous certaines conditions.
Les cessions de titres de sociétés établies dans un Etat ou territoire non coopératif ne relèvent plus du régime long terme.
(c) Participation d’au moins 5 % du capital conservés pendant au moins deux ans. Concerne aussi les titres dépourvus de droit de vote (actions de préférence) si la société mère détient globalement au titre de cette participation au moins 5% du capital et des droits de vote de la société émettrice. Sont exclues de ce régime les participations dans des sociétés non soumises à l’impôt sur les sociétés (notamment SIIC pour les dividendes prélevés sur des bénéfices exonérés, SICAV…). De même, le régime mère-fille n’est pas applicable aux distributions réalisées par les sociétés établies dans un Etat ou territoire non coopératif au sens de l’article 238-0 A du CGI. Cette mesure s’applique aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2011.
La quote-part de frais et charges que la société mère doit réintégrer dans ses résultats imposables à raison des produits perçus de ses filiales ne peut plus être plafonnée au montant des frais et charges réellement engagés.
(d) Les moins-values subies au cours d’une année sont imputables sur les plus-values de même nature réalisées au cours de la même année et des 10 années suivantes.
(e) Cette option est ouverte sous conditions aux cédants qui, avec leur groupe familial, ont détenu au moins 10% des droits de vote ou des droits financiers pendant au moins 2 ans au cours des 10 années précédentes et détenaient encore au moins 2% de ces mêmes droits à la date de la cession. Le cédant doit également avoir exercé des fonctions de direction dans la société. Certaines exclusions s’appliquent (activités immobilières notamment).
(f) Les taux d’imposition ci-dessus ne tiennent pas compte de la contribution sur les hauts revenus de 3% ou 4%. De plus les abattements ne s’appliquent que sur la base imposable à l’impôt sur le revenu, les prélèvements sociaux (au taux de 15,5%) frappant les plus-values « brutes ».
(g) Des exonérations existent pour les cédants qui prennent leur retraite ainsi qu’en cas de réinvestissement de la plus-value, sous certaines conditions.
Recherche : Choix de financement : une question de caractère ?
avec la collaboration de Simon Gueguen - Enseignant-chercheur à Paris Dauphine
Les traits de caractères psychologiques des chefs d’entreprise expliqueraient une partie de leurs choix de financement ; c’est ce que montre le travail empirique très approfondi que nous présentons ce mois-ci (1).
Il est établi depuis longtemps que la structure du capital de certaines sociétés est insuffisamment expliquée par les facteurs théoriques traditionnels : asymétries d’information, taille de l’entreprise, risques, opportunités de croissance, fiscalité... Certaines entreprises restent systématiquement trop endettées, d’autres trop peu. La recherche en finance s’est souvent focalisée sur des facteurs spécifiques à chaque entreprise, mal identifiés, qui expliqueraient la persistance de ce phénomène. L’article présenté propose une autre explication : et si cela venait des dirigeants eux-mêmes ? Certains traits de caractère (excès de confiance, aversion au risque, agressivité) semblent contribuer à expliquer les choix des dirigeants en matière de financement.
Les auteurs ont identifié l’excès de confiance parmi les dirigeants de deux manières : à partir de leur comportement en matière de stock-options (2), et à partir de la manière dont la presse les qualifie (confiant, optimiste, etc.). Ce trait de caractère conduit à éviter le financement par capitaux propres. La raison en est que les dirigeants ont tendance à surestimer les flux de trésorerie futurs générés par l’entreprise ; par conséquent, ils considèrent que les actions sont sous-évaluées (la rentabilité exigée du capital est excessive). En cas de recours au financement externe, ils préfèrent la dette aux capitaux propres. Par exemple, selon le critère des stock-options, l’émission d’actions est 37 à 49% moins fréquente lorsque les dirigeants sont sur-confiants. L’effet est vérifié par de nombreux tests complémentaires, les résultats sont convaincants. L’effet sur la structure du capital est une augmentation du levier financier d’environ 15%.
Concernant l’aversion au risque, les auteurs étudient le comportement des dirigeants nés entre 1920 et 1929 et qui ont donc connu dans leur enfance la grande dépression. Ces dirigeants ont tendance à éviter l’endettement. Les auteurs utilisent un critère fiscal pour montrer que ces dirigeants sont sous-endettés : ils ne profitent pas suffisamment de la déductibilité fiscale des intérêts de la dette. En revanche, il n’y pas d’effet identifié sur la structure financière ; globalement, les résultats sont moins convaincants que sur l’excès de confiance.
Pour ce qui est de l’agressivité, les auteurs se sont penchés sur le passé militaire des dirigeants. Ceux qui ont servi dans l’armée ont tendance à penser que l’agressivité et la prise de risque sont facteurs de succès. Toutes choses égales par ailleurs, lorsque le dirigeant présente ce trait de caractère, le levier financier est plus élevé de 13% (l’effet est un peu inférieur à celui de l’excès de confiance). Mais il augmente de 25% si les dirigeants sont des vétérans de la seconde guerre mondiale ! Précisons que les auteurs ont étudié le sens de la causalité ; il se pourrait en effet que les entreprises à fort levier financier attirent et recrutent ce genre de dirigeants. Ils ont vérifié que le levier financier d’une même entreprise avait tendance à augmenter avec un dirigeant agressif.
Dans l’ensemble, cette étude très détaillée montre que le caractère des dirigeants joue son rôle en finance d’entreprise, y compris pour des décisions apparemment techniques comme le choix de financement. Les conséquences peuvent être nombreuses, par exemple en matière d’incitation : il faudrait en tenir compte dans les contrats et la rémunération des chefs d’entreprise.
(1) U.MALMANDIER, G. TATE et J.YAN (2011), Overconfidence and early-life experiences : the effect of managerial traits on corporate financial policies, Journal of Finance, vol.66, n°5, pages 1687-1733.
(2) En cas d’excès de confiance, l’exercice des stock-options se fera le plus tard possible alors même que le dirigeant est surexposé au risque spécifique à l’entreprise.
Q&R : Qu'est-ce qu'un passager clandestin ?
La théorie du passager clandestin met en avant les intérêts potentiellement divergents au sein des individus d’une même classe d’investisseurs (contrairement à la théorie de l’agence qui étudie les intérêts divergents entre les différents types d’investisseurs).
Le concept de départ est bien sûr celui d’un passager qui prend un train (par exemple) sans billet : il bénéficie du transport gratuitement mais uniquement car les autres passagers ont payé leur billet et donc financé le trajet.
En finance, on appelle clandestin le comportement d’un investisseur dont l’intérêt est que les autres investisseurs de la même catégorie réalisent une opération à laquelle il ne participe pas mais dont il profite pleinement.
Il faut donc, d’une part, que pour une même catégorie de titres, il existe plusieurs investisseurs, le plus souvent un grand nombre (titres cotés, crédits syndiqués) et, d’autre part, qu’une opération précise soit faite en impliquant en quelque sorte un sacrifice (au moins en termes d’opportunités) de la part des investisseurs de cette catégorie de titres.
Il conviendra, lors d’une décision financière, d’examiner s’il y a des passagers clandestins et quel est leur intérêt.
Deux exemples en finance :
- la réponse à une offre publique d’achat : si l’OPA est fondée sur un effet de synergies entre l’acquéreur et la cible, il y aura création de valeur en cas de rapprochement. L’intérêt général est que l’OPA soit un succès et donc que les actionnaires de la cible acceptent de vendre. Mais l’intérêt individuel de ces mêmes actionnaires est de ne pas apporter leurs titres à l’offre et de profiter pleinement des synergies ultérieures ;
- un banquier ayant un petit crédit au sein d’un groupe de banques sur une entreprise en difficulté : l’intérêt bien compris des créanciers est d’accorder des crédits supplémentaires pour sauver les crédits actuels. L’intérêt individuel de notre banquier est que les autres banques acceptent seules de faire cet effort en raison de leur forte exposition. Il aura ainsi des anciens crédits mieux valorisés sans subir de décote sur les crédits nouveaux qu’il n’aura pas accordés.