La Lettre n°147 de Février 2017
Actualités : Un nouvel outil pour les DAF
La maison-mère de notre éditeur, les Editions Francis Lefebvre, lance INNEO DAF, pour le pilotage et la performance de l’entreprise auquel nous apportons notre collaboration, pour le domaine finance il va sans dire !
INNEO DAF est un service d’information pluridisciplinaire et exclusif organisé autour des missions du directeur administratif et financier pour répondre à ses besoins opérationnels dans les domaines du droit, de la comptabilité, de la fiscalité et de la finance. L’apport des fonds issus des Editions Francis Lefebvre, de PWC et du Vernimmen offre une documentation d’une richesse unique sur le marché, mise à jour en temps réel.
Enrichi des actualités de la Lettre Alertes & Conseils Gestion Finance et des Interviews de professionnels, ce portail offre également de nombreux outils pratiques (des guides, des simulateurs, des modèles de lettres, etc.).
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Actualités : La stratégie à l'heure du digital, par Pierre Dussauge
L’émergence du « digital » et les succès d’entreprises comme Google, Amazon, Facebook, Air BnB et autres Uber, Blablacar ou LinkedIn, dont le business model paraît très différent de celui des entreprises de la « vieille économie », ont fait dire à certains que la stratégie telle qu’on la pensait il y a encore peu était bonne à jeter aux orties. Il faudrait inventer des approches totalement nouvelles pour comprendre la nouvelle réalité et prendre des décisions stratégiques pertinentes dans ce nouveau contexte ! S’il est vrai que l’analyse de beaucoup des réussites entrepreneuriales de ces dernières années pose un défi aux modèles classiques de stratégie, ce serait aller un peu vite en besogne que de considérer que plus rien n’est comme avant et que nos approches classiques ont perdu toute pertinence.
Il faut tout d’abord remarquer que la très grande majorité des « success stories » du digital sont le fait d’entreprises assez particulières : ce sont des entreprises-plateformes. En d’autres termes, ces entreprises ne participent pas à la production d’un bien ou service en s’insérant dans une filière de production, qui va de la matière première à l’utilisateur final, mais jouent le rôle d’intermédiaire entre des groupes d’utilisateurs différents qui ont besoin les uns des autres. Sans la plateforme, ces groupes d’utilisateurs auraient beaucoup de mal à rentrer en contact les uns avec les autres ou interagiraient les uns avec les autres de façon moins efficace. Uber met en contact des chauffeurs avec des passagers potentiels qui, sans l’application éponyme, ne sauraient pas se rencontrer, feraient face à une incertitude très grande sur les tarifs et pourraient craindre, d’un côté comme de l’autre, pour leur sécurité. Uber permet la mise en contact, « réglemente » les prix pratiqués et crée, par le système de notation réciproque, de la confiance indispensable au bon déroulement de la transaction. Air BnB ou Blablacar, dans d’autres domaines, ne font pas autre chose. Or, proposer une plateforme pour mettre en contact des utilisateurs divers est très différent de participer à la construction de la valeur ajoutée dans une filière de production d’un bien ou service. En conséquence, des approches comme le célèbre modèle des « 5 forces » de Michael Porter, conçu pour analyser les rapports de force dans une filière, est totalement inadapté pour examiner de façon pertinente les business de plateforme.
Ces business de plateforme ont des caractéristiques bien particulières qui modifient les conditions de la concurrence entre plateformes rivales. Ils sont souvent affectés par ce que l’on appelle des « externalités de réseau », c’est-à-dire que l’attractivité de la plateforme pour les utilisateurs augmente avec le nombre d’utilisateurs. Uber offre un service d’autant plus attractif aux passagers que de nombreux chauffeurs sont affiliés à la plateforme, et Uber est d’autant plus intéressant pour un chauffeur que de nombreux usagers utilisent le service, ce qui crée un cercle vertueux dans lequel le succès appelle le succès. On pourrait donc penser que plus rien n’est comme avant et que dans chaque domaine la concurrence est appelée à disparaître face à l’émergence d’un acteur dominant. En tous cas, il est tentant de se gausser des modèles de stratégie classiques qui prônent de créer plus de valeur pour les clients à des coûts plus bas que les concurrents, avec l’idée qu’une efficacité légèrement supérieur sur l’un au moins de ces deux paramètres va permettre d’affronter avec succès la concurrence.
Pas si vite ! Il est indéniable qu’il convient d’adapter les approches et la réflexion aux caractéristiques propres des business de plateforme. Mais pour cela, les concepts fondamentaux en stratégie demeurent pertinents. C’est bien parce que davantage d’usagers d’un côté et de chauffeurs de l’autre accroissent la valeur du service proposé par Uber que le cercle vertueux s’enclenche. Et ceci est renforcé par des effets de taille qui font que les coûts unitaires d’Uber baissent avec l’accroissement du nombre d’utilisateurs. Et si les dirigeants d’Uber avaient pensé en ces termes – ceux de la pensée stratégique classique somme toute – peut-être se seraient-ils rendu compte que les « externalités de réseau » pour leur type d’activité sont très strictement délimitées géographiquement. Si j’habite Berlin, Londres ou Madrid, le nombre d’utilisateurs et de chauffeurs Uber à Paris n’affecte que très peu la valeur perçue de leur service pour moi. De même que le volume d’activité dans une ville n’affecte que très marginalement les coûts unitaires du service dans d’autres villes. Cette simple analyse stratégique, tristement banale, aurait peut-être évité à Uber d’aller se fourvoyer en Chine. Ce type d’analyse explique également pourquoi Blablacar se précipite pour s’installer dans autant de pays différents que possible. Ils semblent avoir compris que les « externalités de réseau » jouent en leur faveur, mais pays par pays. Il faut donc s’installer et créer une présence significative avant que d’autres ne le fassent.
En définitive, certains des outils classiques de la stratégie sont peut-être devenus moins pertinents pour analyser la stratégie des entreprises digitales. Mais les concepts et approches sous-jacents restent totalement d’actualité. Dans les « 5 forces » de Porter, ce sont moins les forces elles-mêmes qui sont importantes que l’idée selon laquelle il faut très attentivement examiner les conditions de la concurrence dans une activité donnée pour décider de ce qui sera une bonne stratégie ou pas.
Par ailleurs, il convient de remarquer que les entreprises-plateformes ne sont pas quelque chose de très nouveau… Les sociétés d’enchères comme Christie’s ou Sotheby’s sont des plateformes qui mettent en relation des vendeurs et des acheteurs d’objets d’art. De même, les agents immobiliers mettent en relation des gens qui veulent vendre leur logement et d’autres qui veulent l’acheter. Or, les technologies digitales ont permis de multiplier le nombre d’activités dans lesquelles une entreprise-plateforme est à même d’améliorer considérablement la valeur du service pour différents groupes d’utilisateurs qui cherchent à mieux entrer en contact les uns avec les autres. Ebay par exemple donne accès à beaucoup plus d’objets en vente qu’une salle des ventes traditionnelle alors que les vendeurs peuvent toucher un très grand nombre d’acheteurs partout dans le monde et pas seulement ceux qui ont choisi de se présenter physiquement à la vente. Mais l’explosion du nombre d’entreprises-plateforme à laquelle nous avons assisté au cours des dernières années ne pourra pas se poursuivre indéfiniment. Tôt ou tard, les activités susceptibles de donner lieu à une intermédiation digitale vont se tarir et il deviendra de plus en plus difficile de créer de nouveau services digitaux de ce type.
Au total, l’irruption du digital invite davantage à étendre le champ de la réflexion stratégique, à comprendre dans quels contextes s’appliquent les différentes approches et à mieux prendre conscience des limites des outils proposés. Plus fondamentalement, ce que suggèrent ces remises en cause, c’est que les outils et modèles sont davantage spécifiques à des contextes économiques, sectoriels, techniques, historiques ou même géographiques que les perspectives et concepts sous-jacents qui ont, eux, un caractère plus universel et plus intemporel.
Pierre Dussauge est professeur de stratégie à HEC Paris et créateur de la formation totalement digitale à la stratégie, strategy@HEC Paris, qui permet, en 6 mois, à son rythme de revisiter ou d’acquérir les fondements de stratégie, matière plus que connexe de la finance. Plus de détails sur ce programme en cliquant ici.
Tableau : Les taux d'impôts sur les sociétés1
Principaux taux d’impôt sur les bénéfices, les plus-values, les dividendes et intérêts reçus, réalisés en France par les sociétés et les personnes physiques[2] :
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PME |
Autres sociétés |
Personnes physiques, résidents fiscaux français |
Bénéfices au taux normal de l’IS |
33 1/3 % (1) |
33 1/3 % x (1+ 3,3 %) = 34,43 % (1) et (2) |
Imposition au barème progressif de l’IR, avec un abattement de 50% pour une détention de plus de 2 ans et de 65% pour une détention de plus de 8 ans. Les cessions de titres de PME souscrits ou acquis dans les 10 ans de leur création, les cessions au sein du groupe familial et les cessions de titres de PME par les dirigeants partant en retraite bénéficient d’un abattement de 50% pour les titres détenus entre 1 et 4 ans, puis de 65% jusqu’à 8 ans de détention et de 85% au delà (c). Les dirigeants de PME bénéficient en sus d’un abattement fixe en base de 500 000€ en cas de départ en retraite. Dans tous les cas les contributions sociales à 15,5% sont dues sur le montant brut de la plus-value. |
Plus-values. Elles sont, pour les entreprises :
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Soit ordinaires et imposées . . . |
au taux normal de l’IS |
au taux normal de l’IS |
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Soit à long terme (a) et . . . |
exonérés sauf une quote-part pour frais et charges de 12 % de la plus value brute (QPFC) imposée au taux normal de l’IS, soit 4 % |
exonérée sauf QPFC de 12% de la plus-value brute réalisée imposée au taux normal de l’IS, soit, pour les sociétés clôturant après le 30 décembre 2016, un taux de 4 % ou 4,13 % (si IS > 763 k€)(3) |
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Dividendes perçus de filiales en régime mère-fille (b) |
Exonérés sauf quote-part pour frais et charges de 5 % imposée au taux normal de l’IS. Cette quote-part est réduite à 1% en cas de distributions au sein d’un groupe fiscal intégré ou d’un groupe comparable (dividendes reçus des filiales établies dans l'UE et détenues dans des conditions comparables à des filiales françaises intégrées). |
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Autres dividendes perçus |
Imposition au taux normal de l’IS |
Après un abattement de 40% pour les dividendes distribués par des sociétés françaises soumises à l’impôt sur les sociétés ou des sociétés étrangères soumises à un impôt équivalent (quand venant d’un pays lié à la France par une convention fiscale), imposition au taux progressif de l’IR. Plus des contributions sociales calculées au taux de 15,5 % sur le dividende avant abattement. Un acompte obligatoire d’IR de 21% du dividende déclaré est prélevé à la source, sauf en cas de faibles revenus. |
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Intérêts sur titres de créances |
Imposition au taux normal de l’IS |
Sauf régime dérogatoire, imposition au taux progressif de l’IR, sauf pour les contribuables percevant moins de 2 000 € d’intérêt qui peuvent opter pour le prélèvement forfaitaire à 24%. Plus 15,5% de contributions sociales pour tous. Un acompte obligatoire d’IR de 24% des intérêts déclarés est prélevé à la source, sauf en cas de faibles revenus. |
(1) 28 % sur les premiers 75 000€ de résultat imposable pour les « PME communautaires », i.e. les sociétés exploitantes qui occupent moins de 250 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 50 M€ ou dont le total du bilan annuel n'excède pas 43M€). Par ailleurs, les sociétés dont le chiffre d’affaires hors taxes est inférieur à 7,630 M€ et dont le capital, entièrement libéré, doit être détenu pour au moins 75 % par des personnes physiques (ou des sociétés qui satisfont aux conditions) bénéficient d’un taux de 15 % sur les premiers 38 120 € de résultat imposable. Les charges financières nettes ne sont déductibles qu’à hauteur de 75% de leurs montants lorsque celui-ci dépasse 3M€ (seuil et non franchise). De plus les bénéfices distribués supportent une contribution supplémentaire de 3% (disposition ne s’appliquant ni aux succursales de sociétés établies dans l’Union européenne ni aux «PME communautaires».
(2) La contribution sociale de 3,3 % est assise sur l’IS de référence sous déduction d’un abattement de 763 000 € par période de 12 mois (lorsqu’un exercice est différent de 12 mois, l’abattement est ajusté en conséquence) ; d’où, si l’IS de référence est inférieur à 763.000 €, un taux d’IS de 33,33% seulement.. Ce taux passe sinon à 34,43%.
(3) Pour simplifier le tableau, seul est pris en compte l’IS au taux normal. Des taux réduits s’appliquent dans certains cas (19 % ou 15 %).
(a) Bénéficient du régime des plus-values et moins-values à long terme les cessions de titres de participation détenus depuis au moins deux ans qui revêtent ce caractère au plan comptable ainsi que ceux considérés comme tels par la loi fiscale : (i) titres ouvrant droit au régime des sociétés mères, voir b), prévu aux articles 145 et 216 du CGI si inscription à une subdivision spéciale d’un compte de bilan correspondant à leur classification comptable (ii) actions acquises en exécution d’une OPA ou OPE par l’entreprise initiatrice.
La moins-value constatée lors de la cession de titres de participation détenus depuis moins de deux ans à une société liée est mise en suspens. Le régime et la date d’imposition de ce résultat dépendent du maintien ou non des titres dans le groupe économique.
Sont imposables au taux réduit de 15% (hors majorations applicables) les plus-values de cession de parts de FCPR et d’actions de SCR lorsque ces titres sont détenus depuis plus de 5 ans Ce taux réduit de 15% s’applique également aux produits nets de concession de brevets, d’inventions brevetables ou de procédés de fabrication ainsi que les plus-values y afférentes.
Sont taxables au taux réduit de l’IS de 19%, les cessions de titres de sociétés à prépondérance immobilière cotées réalisées par une société relevant de l’IS. Celles provenant de titres non cotés sont taxables au taux normal de l’IS.
Les cessions de titres de sociétés établies dans un Etat ou territoire non coopératif ne relèvent pas du régime long terme.
(b) Participation d’au moins 5 % du capital conservés pendant au moins deux ans. Concerne aussi les titres dépourvus de droit de vote (actions de préférence) si la société mère détient globalement au titre de cette participation au moins 5% du capital et des droits de vote de la société émettrice. Sont exclues de ce régime les participations dans des sociétés non soumises à l’impôt sur les sociétés (notamment SIIC pour les dividendes prélevés sur des bénéfices exonérés, SICAV…). De même, le régime mère-fille n’est pas applicable aux distributions réalisées par les sociétés établies dans un Etat ou territoire non coopératif au sens de l’article 238-0 A du CGI.
(c) Les moins-values subies au cours d’une année par les personnes physiques sont imputables sur les plus-values de même nature réalisées au cours de la même année et des 10 années suivantes.
Recherche : Enquête sur les investisseurs en private equity
Avec la collaboration de Simon Gueguen, enseignant-chercheur à Paris-Dauphine
L’étude que nous présentons ce mois[1] utilise une méthode assez peu fréquente dans la recherche académique. Il s’agit d’une enquête sous forme de questions posées à des investisseurs en private equity. La recherche en finance s’intéresse souvent aux comportements des acteurs et aux motivations de ces comportements ; mais elle cherche généralement à conceptualiser ces comportements à partir de modèles, puis à tester empiriquement les prédictions de ces modèles. Les interviews et questionnaires sont plus rares, pour plusieurs raisons. D’une part, ils posent des problèmes de mise en œuvre (risque de taux de réponses trop faibles). D’autre part, la science économique est méfiante quant aux réponses apportées directement par les individus sur leurs attitudes et motivations : sont-ils sincères ? Sont-ils même pleinement conscients de leurs comportements ?
L’article a été réalisé par des chercheurs de premier plan. Ils ont obtenu un taux de réponse significatif, de l’ordre de 50 % : sur un échantillon de 136 fonds de private equity, 79 ont répondu au moins partiellement aux questions (représentant au total 750 Md$ d’actifs sous gestion), et 64 totalement. Ce taux de réponses élevé, associé à une garantie sur l’anonymat et l’agrégation des réponses, donne à l’étude de la crédibilité. Les questions posées sont nombreuses (92) et la lecture de l’article ne présente pas de difficulté particulière (il s’agit d’un compte rendu des réponses obtenues). Nous présenterons donc ici uniquement les résultats les plus intéressants.
La première série de questions porte sur les méthodes d’évaluation utilisées par les investisseurs. Il s’agit du résultat principal : la quasi-totalité des fonds utilisent le taux de rentabilité interne (TRI), alors que moins de 20 % utilisent des méthodes d’actualisation de flux. Lorsqu’ils classent les méthodes par ordre de préférence, là encore le TRI arrive largement en tête. Les prévisions se font sur une durée de 5 ans pour presque tous les fonds (96 %), et la valeur terminale utilisée est le plus souvent obtenue par une méthode des multiples (multiple d’EBE notamment).
Le seuil utilisé pour la décision d’investissement est un TRI de 25 % (réponse médiane, mais la dispersion des réponses est très faible). Ce seuil peut être comparé à la rentabilité exigée sur des actions cotées de risque équivalent ; en utilisant un taux sans risque de 4 % pour l’année 2012 (année principale de collecte des réponses), une prime de risque de 6 % et un beta de 2,3[2], on obtient 17,8 %. Le fait d’utiliser un taux cible plus élevé n’est pas surprenant : il faut justifier les commissions perçues, et afficher une surperformance. Sur longue période, les fonds de private equity surperforment les actions cotées de l’ordre de 4 % par an[3].
En revanche, l’utilisation du TRI plutôt qu’une méthode d’actualisation est contraire aux préférences de la plupart des chercheurs et des enseignants en finance. Les auteurs avancent comme explication possible le fait que les fonds de private equity communiquent davantage sur une performance absolue que relative, ce qui rend le TRI pertinent. De plus, le fait que l’horizon de calcul des flux soit quasiment constant (5 ans) réduit les problèmes méthodologiques du TRI[4].
D’autres questions portent sur la politique financière. Les résultats sont moins surprenants. Le choix de la structure financière relève à la fois du trade-off (comparaison entre les avantages fiscaux et disciplinaires de la dette et les inconvénients liées au risque de stress financier) et du market timing (endettement en fonction de la conjoncture sur le marché de la dette).
Enfin une série de questions porte sur les sources de la création de valeur. Du point de vue opérationnel, la principale source citée est l’augmentation du chiffre d’affaires, importante dans 70 % des opérations. A titre de comparaison, la réduction des coûts n’est identifiée importante que dans 36 % des opérations. Comme le soulignent les auteurs, la plus grande importance accordée à la croissance par rapport à la réduction des coûts témoigne d’une évolution du private equity par rapport à la pratique des années 80.
[1] P. Gompers, S.N. Kaplan et V. Mukharlyamov (2016), What do private equity firms say they do?, Journal of Financial Economics, vol.121, pages 449-476.
[2] Mesuré par U. Axelson, M. Sorensen et P.Strömberg (2013), The alpha and beta of buyout deals, working paper.
[3] Résultat obtenu sur le marché américain contre l’indice S&P 500 par R. Harris, T. Jenkinson et S.N. Kaplan (2014), Private equity performance: what do we know ?, Journal of Finance, vol.69-5, pages 1851-1882.
[4] Pour d’autres raisons de ce choix, voir La Lettre Vernimmen.net n° 117 de septembre 2013.
Q&R : L'actualisation des flux de trésorerie disponi-ble d'une firme qui prévoit de réaliser un lourd investissement non encore financé aboutit-elle à une valeur pré ou post money ?
Nous avons souvent constaté que, même des personnes ayant un bon niveau en finance, pensaient que l’actualisation des flux de trésorerie futur donnait dans ce cas une valeur post money, dont il convenait de retrancher le montant de l’augmentation de capital nécessaire pour financer l’investissement afin de trouver la valeur pré money sur la base de laquelle se ferait l’augmentation de capital permettant de financer cet investissement.
Comme nous lecteur l’a bien compris à la tournure de notre phrase précédente, ceci est erroné. Mais le doute est permis car on peut se dire que cette valeur ne pourra se matérialiser que si l’investissement est réalisé, et que pour le réaliser il faut procéder à l’augmentation de capital.
Prenons un exemple simple pour démontrer que ceci est un sophisme.
Soit une nouvelle entreprise qui envisage de faire un investissement de 100 dans les prochains jours qui lui rapportera à l’infini un flux de trésorerie disponible de 15 par an. Imaginons que le coût du capital de cet investissement soit de 7%. La valeur actuelle des flux de trésorerie disponible est : - 100 + 15/1,07 + 15/1,07^2 + 15/1,07^3+ . . . = - 100 + 15/7% = 114.
C’est sur cette base que l’augmentation de capital doit avoir lieu puisqu’il s’agit d’une valeur pré money. Ce qui veut dire que les nouveaux actionnaires apporteront 100 et détiendront 100/(114 + 100) = 47 %, et les actionnaires actuels seront dilué de 100 % à 114/(114 + 100) = 53 %.
Au bout d’un an, les nouveaux actionnaires auront droit à 47 % du premier flux de trésorerie disponible de 15, soit 7. La valeur de l’entreprise (qui n’a ni dette ni trésorerie puisqu’elle a versé en dividende son premier flux de trésorerie disponible) résultera de l’actualisation à l’infini d’un flux de 15 à un coût du capital de 7 %, soit 15/7% = 214. Les nouveaux actionnaires auront un patrimoine composé de 7 de liquidités (le dividende qu’ils viennent de toucher) et de 47 % de 214, soit un total de 107. Ils auront donc gagné en un an, le taux de rentabilité qu’ils exigeaient (7 % sur 100), puisque dans notre exemple simplifié, le réel est exactement conforme aux prévisions.
Si maintenant on avait considéré la valeur des flux de trésorerie disponible de 114 comme une valeur post money, il aurait convenu de la réduire du produit de l’augmentation de capital (100) pour obtenir la valeur pré money sur la base de laquelle réaliser l’augmentation de capital, soit donc 14. Sur cette base, les nouveaux actionnaires apporteront 100 et détiendront 100/(14 + 100) = 88 % et les actionnaires actuels seront dilué de 100 % à 14/(14 + 100) = 12 %.
Au bout d’un an, les nouveaux actionnaires auraient droit à 88 % du premier flux de trésorerie disponible de 15, soit 13. La valeur de l’entreprise serait la même que précédemment, soit 214. Les nouveaux actionnaires auraient un patrimoine composé de 13 de liquidités et de 88 % de 214, soit un total de 201. Ils auront donc gagné en un an, non le taux de rentabilité qu’ils exigeaient (7 % sur 100), mais du 101 %. Ce qui montre bien l’erreur.
La source de l’erreur de raisonnement est de ne pas voir qu’une actualisation de flux de trésorerie disponible tient bien compte du flux négatif que représente l’investissement, et qu’en retranchant ensuite le financement nécessaire de cet investissement, on compte deux fois la même chose, ce qui est une fois de trop.
Notons que, dans cet exemple, on aurait pu se douter que la valeur de 14 était erronée car un investissement rapportant 15 % au lieu de 7 % sur une très longue période (l’infini), et sur un montant de 100, justifie un goodwill élevé.
Autre : NOS LECTEURS ECRIVENT
Ali Saada, professeur et expert-comptable vient de publier un ouvrage consacré au goodwill. Nous reproduisons ici l’avant-propos de cet ouvrage que l’un de nous deux a écrit.
« Aussi lointain que je me le rappelle, c’est à dire au moins une trentaine d’années en arrière, j’ai toujours eu le sentiment vif que la comptabilité butait contre le goodwill, ne sachant pas résoudre, intégrer et traiter proprement cette différence entre la valeur des capitaux propres d’une entreprise et le montant comptable de ses capitaux propres.
Qu’on en juge. Le goodwill, parfois réduit des plus-values latentes sur actifs de l’entreprise acquise, parfois non, fut déduit des capitaux propres au Royaume-Uni, solution expéditive s’il en est pour s’en débarrasser, fut immobilisé et amorti sur 40 ans au maximum, puis sur 10 ans maximum dans beaucoup d’autres pays, dont le mien, et se trouve depuis le début des années 2000 en normes IFRS et américaines, pour ne citer que les principales, immobilisé, testé et éventuellement déprécié. Mais on parle maintenant de revenir dans ces normes à un amortissement annuel.
Le goodwill est d’une certaine façon l’introduction de la finance dans la comptabilité : comparaison entre une valeur par essence financière (le prix payé pour acquérir une entreprise) et la quote-part des capitaux propres par essence comptable. Et comme le souligne très bien Ali Saada, d’entrée de jeu il y a un problème, car le terme goodwill (ou badwill) ne veut pas dire la même chose pour un comptable ou pour un financier !
Cette difficulté n’est pas surprenante quand on y réfléchit. Finance et comptabilité sont deux matières très complémentaires, mais fondamentalement différentes dans leur esprit et leur objet. La comptabilité sert à mesurer et à présenter les performances de l’entreprise (résultats, patrimoine) dans un cadre annuel qui a trait au passé immédiat, et qui ignore le plus souvent le risque. La finance se concentre sur l’allocation des ressources et la valeur. Elle intègre le risque, ce qui lui donne une dimension prospective et spéculative. Elle a démontré pouvoir être dangereuse, contrairement à la comptabilité qui doit être fiable et solide.
J’ai souvent observé un complexe d’infériorité chez les comptables à l’égard des financiers et parfois un mépris latent de certains financiers à l’égard de la comptabilité. Quelle erreur funeste ! On ne peut pas être bon financier si on ne maîtrise pas d’abord bien la comptabilité. C’est une certitude acquise tout jeune, que des années de pratique et d’enseignement de la finance ne m’ont jamais fait renier, au contraire !
Au risque de choquer certains lecteurs, le goodwill ou plutôt son traitement comptable, n’a pas beaucoup d’importance pour un financier. Pour lui, il s’agit en effet d’une pure écriture comptable sans conséquence sur les flux et donc la valeur. Peu importe qu’un prix d’acquisition de 100 soit ventilé entre un actif net réévalué de 80 et 20 de goodwill, ou l’inverse. Ce qui compte c’est que 100 a été payé et qu’un certain taux de rentabilité est attendu sur cet investissement de 100. Qu’il soit ensuite déprécié, amorti, selon les règles formelles en vigueur à ce moment-là, n’a pas non plus beaucoup d’importance. Dans l’immense majorité des cas, il y a longtemps que l’investisseur a noté, grâce aux résultats que sort la comptabilité de l’entreprise, que les résultats sur cet investissement ne sont pas à la hauteur où ils devraient être. Et ceci a déjà été intégré dans la valeur avant même que les dépréciations ne soient passées.
Ainsi que le souligne à juste titre Ali Saada, « Il est difficile, dans ces conditions, de vouloir évaluer correctement le goodwill ou d’en donner une définition exacte. La comptabilité économique restera donc l’apanage des directeurs financiers intelligents et des professeurs de finance qui les conseillent ». Raison de plus pour eux de faire de LE GOODWILL, Finance d’entreprise et modèle IFRS leur livre de chevet sur ce sujet. Ils y trouveront une vue d’ensemble complète et précise, comptable et financière, et des propositions concrètes de gestion comptable du goodwill, nourries par la double activité de professionnel du chiffre et de pédagogue reconnu de son auteur.
Bonne lecture et bonne méditation. »
Il est possible de se procurer l’ouvrage de Ali Saada sur Amazon.fr en cliquant ici.
Commentaire : de l'actualité financière postés sur la page Facebook du Vernimmen
Régulièrement nous publions sur la page Facebook du Vernimmen[1] des commentaires que nous inspire l’actualité financière. Vous en trouverez quelques-uns publiés le mois dernier dans cette rubrique :
Plus d'actions pour le Fonds souverain norvégien. Il vient en effet d'obtenir l'autorisation de porter sa composante actions de 60 % de son portefeuille à 70 % réduisant à 25 % la part des obligations, 5 % restant alloué à des actifs immobiliers. Comme il gère au dernier décompte 850 Md€ (mis en temps réel sur son site, c'est assez impressionnant), vous pouvez imaginer que cela ne va pas se faire en un jour. On peut d'ailleurs être surpris que ce mouvement ne vienne que maintenant pour un fonds dont l'horizon d'investissement est le long terme, compte tenu justement de la sur-performance des actions dans le long terme. Avant juin 2009, il était encore à seulement 40%. Voilà qui va aider la BCE à trouver les obligations dont elle a besoin pour son programme de rachat de titres d'Etat.
Mis à part les secteurs qui ne correspondent pas à son éthique (charbon, tabac, armement), Le Fonds (comme il s'appelle lui même sur son site) est investi dans la plupart des entreprise cotées dans le monde à hauteur de 1,3% en moyenne de leur capital. Il a toutefois un biais en faveur de l'Europe (2,33 %), une surpondération en Asie (1,39%) et une sous-pondération dans la zone AMEA, désignation rafraichissante des Amériques affublées du Moyen Orient et de l'Afrique (qu'habituellement les américains accolent à l'Europe pour former l'EMEA).
Gestion active et gestion passive
Entre 2021 et 2024, la gestion passive dépasserait aux Etats-Unis la gestion active, alors qu'elle ne représente aujourd'hui que 28,5% des actifs sous gestion.
C'est la prédiction de Moody's qui se base sur les chiffres de 2016 où, au Etats-Unis, les investisseurs ont apporté 504 Md$ de fonds à la gestion passive tout en retirant 340 Md$ de la gestion active. La tendance se poursuit en ce début d'année qui voit les ETF, principal produit de gestion passive, obtenir 40 Md$ de nouveaux encours contre seulement 26 Md$ en moyenne mensuelle en 2016.
Comme l'an passé seulement 20 % des gestionnaires actifs américains ont battu leur indice de référence selon Morningstar, et 41 % en 2015, il leur est difficile, en moyenne, de résister commercialement, d'autant que leurs coûts moyens, à 0,52 % des actifs gérés, sont naturellement bien supérieurs à ceux des ETF (0,13 %).
Mais la gestion active n'est pas condamnée à l'extinction comme nous l'expliquions dans notre post du 31 décembre 2016. Seuls les moins performants continueront de disparaitre.
Un niveau de maîtrise des concepts de base en finance personnelle toujours aussi bas en Europe, ce qui est un vrai problème de long terme pour tous.
C'est malheureusement le triste constat d'une étude de l'assureur Allianz qui vient de paraître (When will the penny drop? Money, financial literacy and risk in the digital age, 20/1/2017) et qui est disponible sur le site https://www.allianz.com/en/press/news/studies/170127_are-you-financially-literate/
5 questions de base ont été posées en novembre 2016 à 10 000 européens dans les 10 principaux pays de l'Europe de l'Ouest (voir détails de la méthode infra). Ces questions ont été conçues par des chercheurs en 2004 et sont posées à intervalle régulier dans le monde entier. Elles couvrent l'inflation, les intérêts composés, la diversification, le risque et la rentabilité.
Seuls 7 % des Français répondent correctement aux 5 questions, le plus mauvais score de tous (honte à nous), mais le pays leader dans ce domaine en Europe, l'Autriche, ne fait pas spectaculairement mieux avec 18%.
Les principaux résultats sont les suivants :
- Les notions de risque et de diversification sont les moins bien comprises de toutes.
- Les femmes ont un niveau de connaissance inférieur aux hommes en finance, en particulier dans le domaine du risque.
- Un niveau d'éducation supérieur (université, grandes écoles) ne fait pas automatiquement de la personne un expert financier (si on peut dire, vu le niveau de base des connaissances testées), mais cela aide.
- Les moins de 35 ans ont le niveau le plus bas.
- Les décisions financières prises dans un contexte correspondant à la réalité sont, au mieux dans 60 % des cas, justes.
- Le risque de longévité (vivre plus longtemps que prévu) est mieux maîtrisé par les seniors que les juniors, mais ceux-là ne sont que 60 % à donner la bonne réponse.
- Seuls 28 % des européens font le bon choix en matière de diversification.
- Ceux qui maîtrisent les bases de finance personnelle prennent deux fois plus souvent que les autres les bonnes décisions en finance.
Que les résultats aux Etats-Unis ne soient pas meilleurs n'est pas un sujet de consolation.
[1] Que vous pouvez consulter ici