La Lettre n°151 de Septembre 2017
Actualités : Le Vernimmen 2018
Le Vernimmen 2018 est disponible en librairie depuis le 30 août et dès le 16 août pour ceux d’entre vous qui sont abonnés à sa version électronique sur www.vernimmenenligne.net
Comme nous en avons pris l’habitude depuis quelques années, le Vernimmen 2018 s’ouvre par un texte de mise en perspective de l’actualité économique et financière des 12 derniers mois et de réflexions sur les 12 prochains mois, intitulé « La lumière des étoiles mortes ou la persistance rétinienne en gestion financière ». Nous vous laissons le découvrir.
Cette année, nous avons créé un nouveau chapitre consacré à l’organisation financière des groupes : Faut-il être coté ? Faire coter ses filiales ? Être soi-même minoritaire ? Avoir des minoritaires ou contrôler 100 % de ses filiales ? Être diversifié ? Où faut-il localiser la dette nette du groupe ? Quelles entités faut-il endetter ? Comment organiser le groupe en interne : avec des holdings géographiques ou métiers ? Voici les questions auxquelles ce nouveau chapitre répond.
La création de ce nouveau chapitre nous a amenés à en supprimer un autre (sur la micro-économie financière, qui reste cependant disponible dans les versions électroniques et iPad du Vernimmen). Des développements nouveaux ont été écrits, en particulier concernant les prêts inter-entreprises, le crowdlending.
Naturellement, nous avons fait notre travail habituel de mise à jour pour vous offrir un outil de travail au quotidien aussi précis, fiable et exhaustif et pertinent que possible, intégrant les nouvelles dispositions boursières, juridiques, comptables et fiscales ; l’ensemble des statistiques et graphiques actualisés présentant les données les plus récentes à juin 2017 (plus de 100 tableaux et graphiques) ; les derniers travaux de recherche ayant des applications pratiques.
C’est ainsi qu’entrent dans le Vernimmen 2018 les termes BV et NV, contrat à terme contingent, Euronext Access et Euronext Growth, Fintech, frais de siège, instant payment, licorne, poney et centaure, micro-entrepreneur, minibon, OCABSA, ORNAE, prix de transfert, put up or shut up, séries A, B et C, société de moyens, subordination structurelle, etc…
Comme tout classique, le Vernimmen vous offre des socles de savoir forgés par la pratique et enrichis par des réflexions conceptuelles, lesquelles ne vous laissent jamais désarmés face à un problème ou une situation financière :
- le plan type d'une analyse financière et d’une analyse boursière ;
- les outils de mesure de la création de valeur ;
- les techniques de placements des actions, des obligations, des crédits syndiqués ;
- etc…
Pour vous aider à mieux utiliser « votre Vernimmen », chaque chapitre se clôt par un résumé, des exercices (165 en tout) et des questions corrigées (776).
Nous avons utilisé le rabat de couverture pour présenter dans un lexique français-anglais-américain les principaux termes de la finance, ainsi qu'une antisèche (« le Vernimmen » résumé en une page !).
Tant en annexe que dans le corps du texte, de très nombreux graphiques et tableaux vous donnent des éléments de référence et de comparaison. Afin de vous aider à aller au-delà, si besoin, chaque chapitre est doté d'une bibliographie avec des conseils d'orientation vers des papiers de recherche fondamentale, des articles de presse ou des livres. Enfin, l'index comprend plus de 1 800 entrées.
Voici ce que certains de ses utilisateurs ont écrit sur le Vernimmen 2018 :
« Pourquoi il est indispensable de disposer puis de renouveler chaque année sa bibliothèque avec le Vernimmen ? Tout d’abord c’est un dictionnaire financier avec étude de cas mises à jour (techniques et évènements récents illustreront votre apprentissage), dispensant un savoir financier universel, aussi bien accessible au débutant sortant de l’école qu’a l’expert voulant se perfectionner, au comptable, au consolideur, au trésorier… désirant élargir ses compétences pour lui-même, un client, ou un proche et pour couronner le tout, il mêle difficultés techniques à l’humour caustique de ses auteurs. Bref toute la finance pour un prix dérisoire et donc obligatoirement accessible à tous ! »
Gérard Bourdin, directeur comptable et fiscal du groupe Cerba HealthCare
« Le Vernimmen, c’est un concentré de plus de mille pages sur les différents aspects de la finance. Très complet et pédagogique, décliné dans ses versions papier (manuel) et électronique (site), en anglais et en français, il est l’allié incontournable pour tous les professionnels du milieu financier. Que l’on soit praticien, professeur ou étudiant, on trouve toujours dans le Vernimmen, une réponse à sa question ! »
Isabelle Dherment-Férère, maître de conférences à l’IAE de l’Université de Toulon
« Le Vernimmen est à la finance ce que le Code civil est au droit, tout en étant plus agréable à lire ! Sa force : rendre la finance d'entreprise accessible à tous. Très complet et très à jour, il allie subtilement la théorie et la pratique pour devenir votre plus précieux allié pour réussir examens et entretiens de recrutement. »
Hanna Elkain, étudiante à Sciences Po Paris
« Le Vernimmen reste ma bible, la seule mise à jour tous les ans. »
Jean-Jacques Guiony, directeur financier de LVMH
« Le Vernimmen m’a accompagnée tout au long de mes études et de ma carrière en Corporate Finance. Il forme le corpus indispensable des concepts et méthodes de la finance. Constamment mis à jour, il devrait encore accompagner de nombreuses générations de banquiers de haut de bilan. »
Sophie Javary, responsable du métier Corporate Finance BNP Paribas
« Depuis que j'ai commencé à enseigner des modules de finance d'entreprise, j'ai toujours encouragé mes étudiants à utiliser le Vernimmen ainsi que son site internet, et ses diverses applications. Cela a donné des résultats visibles et encourageants au niveau des sujets et thèmes traités, mais aussi sur leur conception du domaine de la finance »
Rafik Missoum, enseignant chercheur à l’Université de Boumerdes
« Plus qu'un livre, le Vernimmen est un être vivant grâce à son site internet et sa page Facebook qui permettent des interactions avec les auteurs et les autres utilisateurs »
Omar Tolai, étudiant en master 2 à l’Université Mohamed V de Rabat - FSJES Soussi
Tant la version électronique en ligne que la version iPad du Vernimmen vous offrent en plus :
- les podcasts de nos MOOC sur l’analyse financière ou l’évaluation des entreprises et de nos cours à HEC Paris (sur le LBO, les fusions-acquisitions, l’augmentation de capital, la structuration de la dette, etc...) ;
- la totalité (pour la version en ligne) ou la quasi-totalité (pour la version iPad) des archives de La Lettre Vernimmen.net depuis son premier numéro de juin 2001 (soit 1 300 pages environ) ;
- un glossaire de plus de 2 600 termes de la finance. Pour la version en ligne, nous réalisons à mi-année une actualisation des réglementations comptables, fiscales, juridiques et boursières ;
- les chapitres consacrés à l’histoire de l’analyse financière et à la micro-économie financière.
Naturellement les abonnés à la version électronique en ligne du Vernimmen (www.vernimmenenligne.net) disposent de la nouvelle édition 2018 depuis la mi-août. Si vous souhaitez les rejoindre, cliquez ici.
Si vous disposez d’un iPad et souhaitez y intégrer le Vernimmen 2018 enrichi, cliquez ici.
Pour vous procurer l’édition papier du Vernimmen 2018, cliquez ici. Ses propriétaires bénéficient de conditions tarifaires réduites pour s’abonner aussi à la version en ligne.
Nous vous souhaitons autant de plaisir à utiliser votre nouveau Vernimmen 2018 que nous en avons eu durant ces 700 heures nécessaires pour le créer !
Actualités : Pourquoi les principaux groupes de banque et d'assurance français ont-ils ou vont-ils introduire en Bourse des filiales ?
Début 2018 et si tout va bien, chacun des quatre grands groupes financiers français aura introduit en Bourse une de ses filiales : Amundi pour le Crédit Agricole fin 2015, First Hawaiian Bank pour BNP Paribas à l’été 2016, ALD pour la Société Générale en juin dernier, et Axa Financial via AXA America Holdings pour Axa au premier semestre 2018.
C’est plus qu’une coïncidence et ce mouvement résulte de la concordance de plusieurs facteurs, dont la bonne conjoncture boursière. C’est le thème que nous traitons ce mois-ci en écho du chapitre que nous avons créé dans le Vernimmen 2018 sur l’organisation financière des groupes (voir l’article précédent).
Si les raisons sont rarement uniques à ce mouvement de structure, on en trouve une en commun, au moins pour les groupes bancaires : améliorer les ratios prudentiels, dits de Bâle. En effet, les filiales introduites en Bourse ont toutes de bonnes performances financières (sinon elles ne sont pas introductibles en Bourse) : leur rentabilité des capitaux propres est supérieure au coût de leurs capitaux propres. En conséquence logique, la valeur des capitaux propres de ces filiales est supérieure au montant comptable de ces capitaux propres[1]. Céder des titres tout en gardant le contrôle permet de dégager des plus-values qui, si elles ne passent pas en compte de résultat tant que la consolidation de l'entité en intégration globale est maintenue en IFRS, se retrouvent directement en capitaux propres qu’elles vont donc gonfler. Par ailleurs, les intérêts minoritaires créés par l’ouverture du capital (mais qui remplacent des capitaux propres part du groupe) sont reconnus prudentiellement[2], après quelques correctifs que nous vous épargnons. Comme le montant des engagements pondérés à l’actif du bilan de la banque n’a pas de raison d’être modifié par la cession d’une participation minoritaire, le ratio prudentiel, rapport des capitaux propres et des engagements, s’en trouve grossi.
Ainsi la récente cession de 23 % de ALD a permis à la Société Générale d’améliorer son ratio prudentiel CET 1[3] de 13 points de base ; pour BNP Paribas c’est 15 points grâce à l’introduction en Bourse de First Hawaiian Bank, puis à une cession ultérieure dans le marché, réduisant sa participation à 62 %. Enfin, l’augmentation de capital de Amundi, pour refinancer une partie de l’acquisition de Pioneer, suivie à seulement 40 % par le Crédit Agricole alors actionnaire à 73,9 %, lui a permis d’améliorer son ratio de solvabilité de 9 points en se diluant à 70 %.
Ce n’est probablement pas la raison principale, car par rapport à des ratios CET 1 qui se situent actuellement à 11-12 %, l’amélioration est marginale ; mais c’est un effet secondaire bienvenu pour améliorer des ratios prudentiels qui sont en hausse continue du fait de la réglementation.
Parfois, la mise en bourse est une alternative à une cession impossible, faute d’acheteur (c’est comme cela que Coface, s’est retrouvée mise en Bourse par Natixis). On peut penser que First Hawaiian Bank (banque de détail à Hawaii, avec 44 % de part de marché) et ALD (leader européen de la location de voitures sur longue durée) sont sur des marchés de niche où il y a de ce fait peu d’acheteurs, d’autant que leurs positions de leaders rendent difficile leur acquisition par un concurrent.
Par rapport à une cession pure et simple, une introduction en Bourse, suivie de ventes partielles, permet au vendeur d’étaler ses plus-values et les liquidités qu’il reçoit ainsi dans la durée. Si elles lui arrivaient en bloc, elles seraient peut-être difficiles à ré-remployer immédiatement et l’exposeraient à des demandes de retour de ces liquidités oisives aux actionnaires. L’introduction en bourse des activités d’assurance vie et de gestion d’actifs d’AXA aux États-Unis a été positionnée comme une façon de réduire l’exposition du groupe à cet actif majeur (estimé autour de 12,5 Md$) et comme une pompe à financement. Une fois la filiale cotée, il sera plus aisé de céder une nouvelle tranche de ses titres pour financer des acquisitions d’actifs dans l’assurance non-vie, comme AXA s’en fixe le projet, pour des montants unitaires de 2 à 3 Md€.
En introduisant en Bourse une filiale, certains voudront attirer l’attention des investisseurs sur un actif, autrement noyé dans la masse du groupe, avec des caractéristiques attractives en termes de croissance ou de risques. Il est ainsi peu probable que les investisseurs aient réussi à discerner ALD avec son taux de croissance à 10 % au sein du groupe Société Générale. C’est chose faite maintenant que cette filiale est cotée, le processus d’introduction en bourse ayant permis de révéler la valeur de la participation résiduelle détenue par SG. La taille doit être significative relativement au groupe : au moins 10 % (ALD capitalise 5,5 Md€ contre 40 Md€ pour SG). Y aura-t-il pour autant une meilleure appréciation du groupe Société Générale ? Peut-être. Ce qui est certain, c’est que l’espoir fait vivre !
L’introduction en bourse d’une société fait partie des mécanismes classiques de liquidité prévus dans le cadre des pactes d’actionnaires de joint-venture (au même titre que les clauses de drag / tag along). Si Amundi a été introduit en Bourse, c’est d’abord pour permettre la sortie d’un actionnaire minoritaire (la Société Générale, avec 20 %) que le Crédit Agricole ne souhaitait pas racheter (impact négatif sur ses ratios prudentiels), tout en la remplaçant par le marché pour financer des acquisitions ultérieures par augmentation de capital (comme Pioneer) ou par dilution en cas de paiement en titres de la filiale cotée.
Les régulateurs demandent maintenant aux institutions financières de justifier de la fongibilité du capital de leurs filiales (la cession est une option) et de leurs plans de redressement en cas de difficultés graves pour lesquels les cessions d’entités sont la première option généralement utilisée pour justifier leur capacité à lever du capital. Une des questions clés des régulateurs dans la revue de ces plans tient à la capacité d’exécuter ces ventes rapidement. Une filiale déjà cotée est donc intéressante de ce point de vue, même si ce n’est pas une raison suffisante pour l’introduire en bourse.
Tant qu’une seule filiale, mineure, est cotée en bourse, la décote de holding n’est pas à craindre. Il en serait différemment si plusieurs filiales majeures se retrouvaient cotées. * * *
Si nous nous sommes focalisés sur des exemples français, le phénomène n’est pas franco-français : RBS a cédé sur le marché boursier entre 2014 et 2015 sa filiale américaine de banque de détail Citizens Financial Group, ING a cédé en bourse ses filiales d’assurance nord-américaine et européenne, Santander a introduit en bourse des filiales mexicaines, brésiliennes et américaines, Unicredit a mis en bourse sa banque en ligne FinecoBank ; Crédit Suisse a longtemps réfléchi à introduire son activité de banque de détail suisse en Bourse et Deutsche Bank a annoncé l’ouverture prochaine au public du capital de sa filiale de gestion d’actifs.
Notons enfin qu’en ce domaine, rien n’est irréversible : BNP Paribas avait racheté la totalité du capital flottant de la First Hawaiian Bank en 2001 et AXA avait fait de même avec AXA Financial. Sans vouloir citer un proverbe qui parle d’imbéciles ne changeant pas d’avis, les hommes changent et donc les stratégies des entreprises aussi, tout comme le monde autour de nous.
[1] Si ce mécanisme vous échappe encore, allez vite consulter le chapitre 28 du Vernimmen 2018.
[2] Dès lors qu’en Europe la filiale est régulée en tant que banque.
[3] CET 1 : Common Equity Tier One
Tableau : Les taux d'impôt sur les sociétés dans le monde
Le taux moyen d’impôt sur les sociétés dans le monde s’établit en 2016 à 23,95 % soit globalement stable depuis 2013 aux environs de 24 %.
Le taux d’imposition a baissé dans la plupart des pays où il était élevé comme l’Italie, le Japon, mais également au Royaume-Uni pour une raison différente : rester attractif alors que le pays va quitter l’Union Européenne. La France a annoncé qu’elle allait suivre cette tendance en visant un taux de 25 % en 2022.
Ces taux sont utiles pour calculer l’impôt à payer sur les résultats avant impôt, pour estimer les flux de trésorerie disponibles, le coût du capital ou pour construire des business plan. Mais ils ne peuvent pas être comparés directement d’un pays à l’autre pour apprécier la pression fiscale. En effet, dans certains pays, des impôts locaux ou indirects ne s’appliquent pas au résultat avant impôt mais sur le chiffre d’affaires, la valeur ajoutée ou la valeur locative de l’immobilier. Ces impôts viennent alors s’ajouter à ceux calculés sur le résultat avant impôts présentés dans ce tableau.
Source : KPMG
Source : KPMG
Recherche : Les effets économiques de la note de crédit
Avec la collaboration de Simon Gueguen, Maître de Conférences à l'Université de Cergy-Pontoise
La dégradation de la note de crédit des dettes souveraines fut l’une des conséquences de la crise financière de 2008. En particulier, pour la première fois dans leur histoire, les États-Unis (en 2011) et la France (en 2012) ont perdu leur AAA attribué par Standard & Poor’s. Nous présentons ce mois-ci un article[1] qui étudie les conséquences de ces dégradations pour les entreprises. Les auteurs de cet article utilisent une particularité du système de notation appliqué par les agences, qui veut que la note des dettes d’entreprises reste (sauf rares exceptions) inférieure à celle des dettes souveraines des pays dans lesquelles elles exercent leurs activités. La note souveraine agit comme un plafond sur la note d’entreprise.
La conséquence de cette particularité est que, toutes choses égales par ailleurs, une dégradation de la note des dettes souveraines affecte davantage les entreprises les mieux notées (celles qui sont soumises au plafond) que les moins bien notées. Ceci permet, en suivant une méthodologie empirique précise, de mesurer les effets économiques d’une dégradation de la note de crédit, en les distinguant des effets liés aux fondamentaux de l’entreprise. Le principe général consiste à mesurer l’évolution des données d’investissement et de financement des entreprises soumises au plafond, et de les comparer à l’évolution des mêmes données pour des entreprises comparables (taille, pays, ratios de valorisation, niveau d’investissement, levier financier, taux de détention par l’État…). Les premières sont désignées « entreprises traitées », les secondes « entreprises de contrôle ».
L’effet mesuré le plus significatif concerne le niveau d’investissement[2]. Celui-ci passe de 26,6 % à 17,7 % pour les entreprises traitées, soit une baisse de 8,9 points ; pour les entreprises de contrôle, la baisse n’est que de 2,6 points. Concernant le financement, le montant des émissions nettes de dette passe de 7,5 % à 2,4 % des actifs pour les entreprises traitées, soit une baisse de 5,1 points. Pour les entreprises de contrôle, la baisse n’est que de 2,3 points. Dans le même temps, les entreprises traitées émettent davantage de capitaux propres, et voient le coût de leur dette augmenter.
Il est à noter que les auteurs prennent en compte les liens entre l’entreprise et l’État dans leur analyse (à la fois du point de vue de la propriété des entreprises et de la dépendance de leurs résultats à la commande publique). En l’absence d’une telle prise en compte, il serait possible d’expliquer les résultats par le fait que les entreprises les mieux notées (soumises au plafond) sont davantage liées à l’État et donc davantage affectées par une dégradation des comptes publics et de la note souveraine.
Il ne faut pas retenir de cet article principalement les effets du plafond lié au système de notation. En effet, l’échantillon utilisé par les auteurs concerne la période de 1990 à 2013 (sur 80 pays). Or, en 2013, une modification du système de notation de Standard & Poor’s rend plus facile l’obtention d’une note d’entreprise supérieure à la note souveraine, et réduit cet effet de plafonnement. La contribution principale vient de l’utilisation de cet effet pour distinguer les conséquences économiques d’une dégradation de la note de celles d’une dégradation des fondamentaux (alors que les deux sont généralement liés).
Plusieurs raisons peuvent expliquer ces effets réels de la notation de crédit. D’abord, la note a des conséquences pour les investisseurs. Une dégradation peut entraîner une hausse du coût en capitaux propres de la détention des titres pour les banques ou les compagnies d’assurance ; dans certains cas, les institutionnels peuvent même ne pas être autorisés à acquérir ces titres (ou être obligés de les vendre). Ensuite, la dégradation peut déclencher (selon les clauses des contrats de dette) des obligations de remboursement ou des augmentations des coupons. L’article apporte ainsi un soutien empirique à l’existence d’effets économiques de la note de crédit.
Q&R : Différentes petites questions et réponses
Comment calculer la valeur de l’actif économique d’une entreprise au BFR négatif (éditeur de logiciel en l'occurrence) ?
Le fait que le BFR soit négatif ou pas ne change rien à l’affaire.
Vous calculez la valeur de l’actif économique de la même façon par
- actualisation des flux de trésorerie disponible ou par un multiple de
- sociétés comparables, donc avec elles aussi un BFR négatif.
Si ce BFR négatif est récurrent, sa contrepartie sera le plus souvent des marges d’exploitation plus faibles pour tenir compte du fait que l’entreprise bénéficie d’un avantage en trésorerie du fait de son BFR négatif qui génère des produits financiers.
Quel est l'impact sur les trois tableaux comptables d'une hausse de la dotation aux amortissements de 100 ?
Sur le compte de résultat, le résultat d'exploitation et le résultat avant impôt baissent de 100. Si l'entreprise est imposable à 30 % par exemple, son impôt sur les sociétés diminue de 30 et son résultat après impôt est réduit de 70.
Au bilan, les immobilisations nettes sont réduites de 100, les capitaux propres incluant le résultat net de 70 et la dette envers l'État (impôt sur les sociétés à payer) de 30.
Au tableau de flux, le résultat net est réduit de 70, la capacité d’autofinancement augmente de 30 (puisque la dotation aux amortissements a augmenté de 100). La variation du BFR augmente de 30 du fait de la réduction des sommes dues à l'État de 30 au titre de l'impôt sur les sociétés. L'impact sur le flux de trésorerie d'exploitation est donc nul, ce qui est logique puisque qu'une augmentation des dotations aux amortissements n'a pas d'impact direct sur la trésorerie de l'entreprise (mais indirect une fois que la baisse de l'impôt sur les sociétés se sera traduite par de moindres acomptes à payer).
Quel est l'impact d'une vente à crédit de 100 sur les 3 principaux états financiers ?
Sur le compte de résultat, on enregistre une hausse du chiffre d'affaires du montant de la vente HT, une baisse de la production stockée du montant du coût de production de l'objet ainsi vendu et une hausse du résultat avant impôt du montant de la différence entre le chiffre d'affaires et du coût de production. L'impôt sur les sociétés augmente de l'impôt sur les sociétés généré par cette vente et le résultat net du montant du résultat net dégagé par cette vente.
Au bilan, le poste client augmente du montant de la vente TTC, les stocks de produits finis diminuent du coût de production de l'objet vendu et au passif, les capitaux propres augmentent du montant du résultat net généré par cette vente et le poste État augmente de la TVA collectée sur cette vente ainsi que de l'impôt sur les sociétés généré par cette vente.
Au tableau de flux, le résultat net ou la capacité d'autofinancement augmentent du résultat net généré par cette vente. Mais la variation du BFR augmente du même montant (ventes TTC - coût de production en moins des stocks - TVA collectée - impôt sur les sociétés à payer), si bien que l'impact sur le flux de trésorerie d'exploitation est nul ; ce qui est logique puisque le client n'ayant pas encore payé, l'impact sur la trésorerie de cette vente à crédit est nul.
Quel est l'impact d'un BFR élevé ou bas par rapport à la moyenne annuelle à un moment T sur la valorisation des actions ?
Aucun pour quelqu'un qui fait correctement son travail de valorisation. En effet, si le BFR est saisonnier, on déduira de l'endettement bancaire et financier net, la différence entre le BFR à l'instant T et le BFR moyen de l'année.
Pour ceux qui auraient oublié, c'est bien sûr dans le Vernimmen (chapitre 33) !
Autre : Nos lecteurs écrivent : Décryptage de la situation fiscale d'Apple Inc. par Christine Chassaigne Servey
Décryptage de la situation fiscale
d’Apple Inc. afin d’intégrer cette dimension dans la valorisation du groupe,
Christine Chassaigne Servey, EM Strasbourg, laboratoire Large
Ce qu’il faut retenir :
Apple Inc. pourrait faire partie des grands bénéficiaires d’une réforme fiscale d’envergure qui serait mise en œuvre aux États Unis. Mais pour en estimer l’impact sur la valeur du groupe, il convient déjà de décrypter la situation actuelle.
La firme est souvent présentée comme une championne de l’optimisation fiscale. Pourtant sur la période 2010-2016, elle affiche un taux effectif d’imposition à la fois stable et élevé à 25,6 %. L’étude des rapports annuels permet de clarifier cette situation. Elle confirme la forte imposition des résultats américains (environ un tiers des résultats totaux, imposés à 35,8 %) et la plus faible imposition des résultats réalisés hors des États Unis (deux tiers imposés à 20,3 % en moyenne).
Notre analyse montre en fait, que près de 80 % de l’impôt comptabilisé de 2010 à 2016 sur les activités hors US… est constitué d’impôt américain, qui n’a pour l’instant pas été acquitté. On sait en effet, que les dividendes provenant de filiales étrangères et distribués à une société mère américaine donnent lieu, lors du transfert à un impôt complémentaire aux États Unis. Il se chiffre au dividende brut auquel on applique la différence entre le taux US de 35 % et le taux d’IS acquitté à étranger. Apple Inc. a ainsi provisionné de 2010 à 2016 quelque 36,8 Md$ d’IS américain pour pouvoir rapatrier, un peu plus de 50 % des résultats des filiales étrangères. Ce ratio de « distribution interne » proche de 50 % est resté remarquablement stable depuis 2012. Toutefois au bilan 2016, le solde très important des provisions non consommées pour IS américain sur distributions internes (31,4 Md$), montre que le groupe s’est abstenu de rapatrier la majeure partie des sommes correspondantes.
In fine, le taux effectif d’imposition des filiales étrangères, passe de 20,3 % à seulement 4 % si on ne retient que l’impôt étranger. Plus globalement, le taux de 25,6 % sur la période 2010-2016 pour l’ensemble des activités, est réduit à 16,6 %, si on exclut les provisions pour impôt US constituées mais encore non utilisées.
Ceci étant établi, nos recommandations pour intégrer la dimension fiscale lors d’un exercice d’évaluation sont les suivantes:
En l’absence de changement majeur de la réglementation, l’utilisation du taux effectif actuel d’IS de 25 % appliqué au résultat d’exploitation pour estimer les FLUX FUTURS de trésorerie disponibles après IS et donc la valeur d’entreprise nous paraît prudente : elle intègre à la fois l’impôt exigible sur opérations courantes et le paiement de l’impôt qui résulterait du rapatriement systématique dans le futur vers la mère, d’un peu plus de la moitié des résultats des filiales étrangères. Ce taux d’IS devra bien sûr être ajusté, en cas de changement important d’un des paramètres significatifs (répartition des résultats par zone géographique: USA/étranger, modification de l’impôt effectif d’une des zones, etc.).
Une fois la Valeur d’Enterprise d’Apple Inc. estimée, on lui ajoute les actifs de trésorerie, nets des dettes financières, afin de valoriser les capitaux propres. Il ne nous paraît pas nécessaire de déduire de la trésorerie nette du groupe, le montant d’impôt US que rendrait exigible la distribution de l’intégralité des résultats étrangers antérieurs. En revanche nous recommandons de tenir compte de l’impôt US qui sera à acquitter lors de la distribution du solde des résultats étrangers antérieurs, qui ont été qualifiés de « distribuables » en interne. Il s’agit dès lors de soustraire le solde de la provision pour IS américain, constituée en vue des transferts de cash vers les États Unis. Dans les comptes 2016, la trésorerie détenue par les filiales étrangères se chiffrait encore à 216 Mds$. À défaut d’investissements opérationnels importants ou d’acquisition d’envergure hors des États Unis suffisamment rentables, la restitution aux actionnaires des « sommes promises » en interne à distribution semble en effet probable.
L’administration américaine envisage de baisser de 35 % à 15 % le taux fédéral applicable aux rapatriements aux États Unis de RÉSULTATS PASSÉS en provenance de l’étranger. Si Apple Inc. en profite pour remonter massivement les résultats antérieurs « promis à distribution » nous estimons l’impact favorable sur les capitaux propres à quelques 20 Md$. Si la baisse de taux s’applique également aux résultats futurs, l’impact est beaucoup plus significatif (cf. notre analyse). La prudence reste toutefois de mise tant les contours de la réforme fiscale envisagée par l’administration Trump demeurent pour le moment imprécis.
On le sait, la performance du groupe Apple Inc. est continuellement examinée par de multiples intervenants. Et pour cause : l’excellence opérationnelle du groupe l’amène en juillet 2017 à afficher la plus forte capitalisation boursière au monde à près de 750 Md$. Mais lorsque l’on aborde les questions fiscales, les critiques se font véhémentes.
Pourtant avec une charge d’IS au compte de résultat s’établissant en moyenne sur les 7 derniers exercices à 25,6 % du résultat, Apple Inc. s’inscrit plutôt parmi les multinationales les plus fiscalisées. Il est important de clarifier cette situation en apparence paradoxale. En effet la valeur des actions d’une société cotée est notamment estimée à partir de la valeur d’entreprise de laquelle on soustrait la valeur de marché de l’endettement net. La valeur d’entreprise est souvent approchée, comme étant la somme des flux futurs actualisés de trésorerie disponibles après IS (DCFs after tax). Dans cet exercice, il convient bien sûr d’utiliser le taux d’IS le plus juste pour évaluer la Valeur d’Entreprise. Nous allons dès lors examiner les informations fiscales publiées dans les états financiers annuels de 2010 à 2016 pour expliquer le taux paradoxalement élevé d’IS à 25,6 %. Ceci nous amènera à formuler des recommandations permettant d’appréhender au mieux la dimension fiscale, dans le cadre d’une valorisation du groupe.
Le taux effectif d’IS d’Apple Inc. s’établit à 25,6 % du résultat avant impôt
On constate dans les comptes de résultat publiés de 2010 à 1016, une charge d’impôt comptabilisé, correspondant à un taux effectif extrêmement stable à 25,6 % en moyenne. Il s’inscrit plutôt dans la fourchette haute des taux publiés par les multinationales.
Le taux global d’IS reste inférieur au taux américain de 35 %
- La preuve d’impôt, publiée dans les comptes annuels (Note 5 : Income Tax) justifie l’écart entre la charge d’impôt théorique (35% appliqués au résultat avant IS) et la charge d’impôt réellement comptabilisée au compte de résultat. En 2016, l’écart est de 5,8 Md$.
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Le groupe Apple Inc. liste quatre sources de différences dans la preuve d’impôt qui sont :
- les résultats des filiales internationales ayant subi un taux inférieur à 35 % et dont les résultats ne seront jamais distribués (Indefinitely invested earnings of foreign subsidiaries) : + 103 % de l’écart en moyenne de 2010 à 2016.
- les taxes fédérales (State taxes, net of federal effect):- 12 % de l’écart en moyenne,
- les déductions d’IS accordées à certaines activités de production localisées aux États Unis (Domestic production activities deduction): + 6 % de l’écart en moyenne
- les crédits d’impôt sur R&D et « autres » (R&D credit net + other): + 3 % de l’écart en moyenne.
- On peut facilement affecter le premier écart aux seuls résultats internationaux, et les deux suivants aux seuls résultats américains. Le dernier élément est moins significatif. Sachant que la R&D du groupe est principalement localisée aux États Unis, nous l’avons attribué aux résultats américains.
- La preuve d’impôt publiée par Apple Inc. est globale. Néanmoins en la combinant avec d’autres informations extraites des comptes, nous avons établi deux preuves distinctes : la première pour les États Unis, la seconde pour les activités étrangères.
Le taux effectif sur résultats américains est proche de 36 %
- Le résultat avant IS américain, pour chaque exercice a été calculé en soustrayant du résultat avant IS global (« income before provision for income tax » figurant au compte de résultat annuel) le montant afférent aux filiales étrangères (« foreign pre tax earnings » annuels publiés en annexe 5 Income tax). Les USA représentaient en 2016, 33 % du résultat avant impôt.
- Pour calculer la charge d’IS sur résultat US, nous avons soustrait de l’IS théorique à 35 %, les écarts de preuve d’impôt affectés au résultat US, c’est-à-dire les trois derniers. Le taux américain s’établit alors en moyenne à 35,8 % (impôt fédéral et local) de 2010 à 2016.
Le taux effectif d’imposition sur résultats internationaux s’établit à 20,3 % en moyenne de 2010 à 2016, mais tombe à 4 % après exclusion des charges d’IS américain comptabilisées dans la perspective de distributions internes.
- La preuve d’impôt a été établie pour les résultats internationaux, en soustrayant à l’IS théorique (35 % sur le résultat international avant IS publié en « annexe 5 Income Tax ») l’écart de preuve d’impôt qui leur revient.
- Le taux effectif sur résultats internationaux s’établit alors sur la période 2010 à 2016 à 20,29 % en moyenne. Une grande proportion est constituée d’impôt US puisque celui-ci représente 80 % de la charge cumulée des exercices 2010 à 2016 des filiales étrangères. Si on exclut l’impôt américain pour ne retenir que l’impôt local, le taux effectif sur résultats internationaux s’effondre sur la période 2010 à 2016 à 4 %. Ce taux confirme la redoutable efficacité de l’organisation des activités mise en place à l’étranger, pour limiter la charge fiscale.
- Le groupe précise systématiquement dans l’annexe 5 aux comptes le montant cumulé des résultats étrangers antérieurs qu’il a décidé de ne jamais rapatrier. Ces sommes se chiffrent à 109,8 Md$ fin septembre 2016 et l’impôt américain non comptabilisé y afférent s’élève à 35,9 Md$.
-
Il apparaît alors que la société procède comme suit à la clôture de chaque exercice:
- Elle répartit les résultats des filiales étrangères après « IS local », en deux catégories : le montant qui ne sera jamais rapatrié d’une part, et le solde « potentiellement distribuable »d’autre part.
- Le groupe provisionne ensuite au compte de résultat, l’impôt US qui sera à acquitter lors du transfert du montant « distribuable » vers les États Unis.
- Il s’établit à 35 % x (montants de résultats étrangers distribuables après IS local + IS local) – IS local. En effet l’Internal Revenue Service (IRS) taxe les résultats étrangers distribués « bruts » lors du transfert, mais admet la déduction aux États-Unis, de l’IS acquitté localement en tant que crédit d’impôt. Bien entendu, les sommes qualifiées de « distribuables » sont puisées en priorité dans les résultats étrangers les plus fortement imposés localement afin de limiter le complément d’IS exigible aux États Unis.
- De 2010 à 2016, ce sont ainsi quelque 36,8 Md$ de charges d’impôt US sur résultats étrangers qui ont été provisionnées au compte de résultat.
Le groupe a ainsi adopté depuis 2012 une politique de provisionnement d’impôt US sur remontées de résultats étranger qui correspond à un « ratio de distribution interne proche de 50 %» et qui est resté très stable depuis 2012
Nous avons souhaité déterminer le pourcentage de résultats étrangers après IS que le groupe avait considéré comme « distribuables ». Dans chaque jeu de comptes annuels, Apple Inc. déclare le montant des résultats cumulés étrangers qu’elle a décidé de ne jamais remonter ainsi que l’impôt US cumulé non provisionné y afférent.
En utilisant ces données, nous avons alors établi pour chaque exercice le montant non distribuable brut, l’impôt local et l’impôt US non provisionné. En combinant ces éléments avec les résultats étrangers annuels avant IS et la charge d’IS local sur ces mêmes résultats, nous avons établi pour chaque exercice le résultat avant IS « distribuable », l’impôt étranger correspondant et donc le résultat après IS étranger « distribuable ».
Nos calculs montrent que de 2011 à 2016, le groupe a constitué des provisions pour impôt US correspondant à la distribution d’un peu plus de la moitié des résultats étrangers après IS local et que ce ratio est resté stable sur la période.
Il est important de rappeler les raisons qui amènent la firme à envisager ces distributions : à défaut de trouver des projets opérationnels ou une acquisition d’activité d’envergure, générant une rentabilité suffisante, un groupe doit, en bonne orthodoxie financière se donner les moyens de restituer les résultats aux actionnaires. Les résultats des filiales étrangères doivent pour ce faire, remonter vers la mère qui peut ensuite distribuer des dividendes ou procéder à un rachat d’actions. Les résultats nets d’IS étranger chez Apple sont considérables (217 Md$ de 2010 à 2016). Par prudence, le groupe a ainsi pratiqué une politique de provisionnement d’impôt américain permettant de 2010 à 2016 la remontée d’environ 108 Md$.
Ce taux de distribution à 50 % peut paraître élevé. Mais ce qui importe, c’est de laisser aux filiales étrangères des sommes suffisantes pour couvrir leurs investissements opérationnels. Ceci ne semble pas poser problème : les tableaux de flux de trésorerie annuels pour le groupe, nous montrent que 50 % de l’ « operating cash-flow » est systématiquement supérieur à 50 % du résultat net dépollué des provisions d’IS américain. De plus, ce dernier montant est toujours très largement supérieur à l’ensemble (et non à 50 %) des sommes consacrées aux investissements opérationnels. Nous pensons donc qu’en renonçant à la distribution de la moitié des résultats nets d’IS étranger, la mère laisse aux filiales étrangères une trésorerie au moins égale à ce montant. Elles peuvent ainsi largement financer les investissements locaux (CAPEXs).
Ayant établi qu’Apple envisage des distributions internes majeures, nous nous sommes ensuite intéressés à la consommation des provisions constituées dans cette perspective. Il est alors apparu que la société s’était en grande partie abstenue de réaliser les transferts internes de cash envisagés.
De 2010 à 2016 l’entreprise a distribué 180,7 Md$ à ses actionnaires sous forme de rachats d’actions et de dividendes. Sur cette même période, elle a passé en résultat 36,8 Md$ de charges d’IS américain relatif aux rapatriements envisagés de résultats étrangers. Mais dans les comptes annuels 2016, le solde de la provision pour IS US correspondante se chiffre encore à 31,4 Mds$. Le groupe a donc procédé aux distributions externes sans vraiment remonter les résultats étrangers, ce qui a eu pour conséquence de très peu consommer les provisions d’IS sur distributions internes ; dans un contexte de taux d’intérêts très faibles, il a préféré s’endetter aux États Unis (émissions obligataires) plutôt que de remonter des résultats étrangers qui auraient été ponctionnés lors du transfert de plus de 30 % d’impôt.
Dans le cadre d’un exercice d’évaluation de l’entreprise nous nous sommes demandé comment intégrer la dimension fiscale décryptée ci-dessus:
- S’agissant de la Valeur Entreprise, elle est très souvent appréciée selon la méthode des DCFs c’est-à-dire à partir des flux FUTURS de trésorerie disponibles. Ces derniers sont estimés notamment en intégrant, c’est-à-dire soustrayant, l’IS sur résultat d’exploitation. Ils sont ensuite actualisés et enfin sommés pour estimer la Valeur d’Entreprise. Dans cette perspective, l’utilisation du taux effectif d’IS actuel de 25 % nous paraît prudente en ce qu’elle intègre à la fois l’impôt local exigible sur opérations courantes et le paiement de l’impôt américain qui résultera du rapatriement systématique de la moitié des résultats générés hors des US. L’estimation de la valeur d’entreprise en résultant sera alors conservatrice.
- Ce taux correspond à la situation actuelle où un tiers des résultats sont réalisés aux USA et y sont imposés à 35,8 % et deux tiers à l’étranger où ils subissent en moyenne un taux d’IS à 4 %. Sur la base d’un ratio de distribution des résultats étrangers à 51 %, le taux d’IS global s’établit alors à [(33 % x 35,8 %) + 67 % x (4 % x (1-51 %) + 51 % x 35 %)], soit environ 25 %. L’évaluateur devra bien sûr ajuster le taux d’IS utilisé, en cas de changement majeur d’un des paramètres significatifs (répartition des résultats par zone géographique, augmentation ou diminution de l’impôt effectif d’une des zones).
- Pour évaluer les capitaux propres d’un groupe coté, on retranche la dette financière nette ou on ajoute les actifs de trésorerie nets à la Valeur d’Entreprise. Il ne nous paraît pas nécessaire de défalquer aux 216 Md$ de trésorerie localisés dans les filiales étrangères l’intégralité du montant d’impôt US que leur distribution rendrait exigible.
- En revanche, il parait prudent de soustraire aux actifs de trésorerie nets du bilan, LE SOLDE DE LA PROVISION pour IS constituée pour distribution de résultats étrangers ANTÉRIEURS. En 2016, il se chiffrait à 31,4 Md$. Comme indiqué précédemment, en l’absence de projets d’investissement à l’étranger ou de perspective d’acquisition d’une activité d’une rentabilité suffisante, il est probable que les actionnaires du groupe exigeront in fine, la restitution d’une partie des résultats étrangers passés, ce qui déclenchera le paiement de l’IS américain.
L’administration Trump a annoncé le 26 avril 2017 des baisses d’impôt massives aux États Unis. On parle ainsi d’un taux d’IS fédéral ramené à 15 % en vue notamment d’inciter les multinationales à rapatrier massivement la trésorerie thésaurisée à l’étranger. Les impacts d’un tel changement sur la valeur des titres Apple pourraient être significatifs
- Cette réduction de taux aurait un effet immédiat sur le solde de la provision d’IS US pour distribution des résultats étrangers. Nous rappelons que nous recommandons de la soustraire pour le calcul de la trésorerie nette à ajouter à la Valeur d’Entreprise dans le cadre d’une valorisation. On sait que le solde de cette provision s’élève en 2016 à 31,4 Mds. On peut supposer que les résultats étrangers promis à distribution ont été plus fortement imposés que la moyenne (4 %). Si on suppose qu’ils ont subi un IS étranger à 6 % alors les 31,4 Md$ correspondent à un taux de 35 – 6 % = 29 %. L’abaissement du taux global de 35 % à 15 % ramènerait alors l’impôt US sur transferts internes de 29 % à 9 % (i.e. 15 % - 6 %). Le solde de la provision serait alors abaissé à = 9,7 Md$, soit une économie de 21,7 Md$ (31,4 – 9,7). L’excès de cash net à rajouter à la Valeur d’Entreprise serait alors augmenté à due concurrence.
- Si l’administration décidait une baisse générale du taux fédéral de 35 % à 15 %, applicable non seulement au rapatriement des résultats étrangers passés mais également aux résultats futurs, l’impact sur la valorisation serait double : augmentation de la trésorerie nette mais surtout de la Valeur d’Entreprise
- En effet le taux d’IS applicable au résultat d’exploitation pour déterminer les « Free Cash flows after tax », serait, toutes choses égales par ailleurs, abaissé à [(33 % x 15,8 %) + 66 % x (4 % x (1-51 %) + 51 % x 15 %)], c’est-à-dire à environ 12 %.
- Les flux disponibles seraient ainsi augmentés d’environ 17 % i.e.
- L’impact sur le taux d’actualisation (WACC) serait en revanche en revanche très limité[1].
- In fine la Valeur d’Entreprise pourrait alors augmenter d’environ 17 %. À titre indicatif sur la base du cours au 6 juillet 17 nous estimons la VE actuelle à 586 Mds$ i.e. (744 (capitalisation boursière) -158 (excès de cash net)).
- Il apparaît dès lors que les impacts de la réforme fiscale pourraient être très significatifs dans le cadre d’un exercice d’évaluation. Ceci étant, nous appelons les financiers à se montrer très prudents dans le chiffrage des conséquences des baisses d’IS. En effet de nombreux commentateurs doutent de la réalité d’une réforme qui consisterait en une simple baisse de taux, principalement parce qu’elle se révélerait ruineuse (2000 Mds$) pour les finances publiques américaines. De plus, le groupe Apple Inc. est aux États Unis un gros importateur et un faible exportateur. Or le projet Trump pourrait se révéler franchement défavorable pour les sociétés importatrices (projet de Border Adjustment Tax, prévoyant que les importations de biens et services aux US seraient non déductibles de la base d’IS tandis que les exportations seraient non imposables). Il conviendra donc de suivre de très près la réalité de cette réforme et les contreparties imposées aux entreprises en échange de la réduction de taux.
Conclusion
- Même si le décryptage de la situation fiscale d’Apple Inc. n’est pas aisé, force est de constater que des informations précieuses peuvent être extraites/établies à partir des comptes. Elles confirment la forte imposition des résultats américains et la très faible imposition des résultats étrangers tant que la trésorerie n’est pas rapatriée.
- L’analyse montre de plus, que le groupe a systématiquement prévu de rapatrier près de la moitié des résultats des filiales étrangères et a en conséquence constitué les provisions pour IS US correspondantes. Pour autant il s’est pour l’instant, abstenu de procéder aux transferts, dans l’attente d’une réduction significative du taux d’IS américain sur distributions.
- Il apparaît également que de par son envergure, le groupe reste un très gros contributeur d’IS: les états de flux permettent d’établir qu’Apple Inc. a ainsi décaissé de 2010 à 2016, 57 Md$ d’impôts se hissant parmi les plus gros « contribuables corporate » au monde.
- L’impact de la réforme fiscale américaine pourrait donc être très significatif pour la firme. L’évaluateur devra toutefois être très prudent dans ses chiffrages: en matière fiscale … le diable se loge dans les détails et la réforme Trump pourrait se révéler défavorable aux sociétés importatrices.
- En tout état de cause, il faut savoir raison garder: même si l’impact de la réforme fiscale sur la valeur des capitaux propres est susceptible d’être important, ces chiffres doivent être mis en perspective avec la capitalisation boursière globale du groupe (quelque 750 Md$).
- On rappelle enfin que mi-juin 2017 après avoir atteint plus de 800 Md$ la valeur des titres a plongé de quelques …50 milliards en deux séances, suite à l’annonce par Bloomberg du bridage de certains modems de l’iPhone 8. Preuve s’il en faut, que « l’opérationnel » demeure l’élément déterminant de la valeur d’un groupe.
[1] Chapitre 35 du Vernimmen édition 2018 : structure financière fiscalité et théorie des organisations
Au 6 juillet 2017, la capitalisation boursière s’élevait à 744 Mds$ tandis que l’excès de cash net issu des derniers comptes trimestriels (mars 2017) s’élevait à 158 Md$. A titre indicatif, sur la base d’un coût des capitaux propres à 9 % et d’une rentabilité avant IS des actifs de trésorerie nets à 0.9%, avec un taux d’IS à 25 %, on estime le WACC actuel à (744 / (744 -158) x 9 %) - (158 /(744-158) x (0.9 % x (1-25 %))) = 11,24 % (cf. chapitre 33 § 33.21 Vernimmen édition 2017 : WACC d’une entreprise à endettement net négatif)
Commentaire : COMMENTAIRES de l'actualité financière postés sur la page Facebook du Vernimmen
Régulièrement, nous publions sur la page Facebook du Vernimmen[1] des commentaires que nous inspire l’actualité financière. Vous en trouverez quelques-uns publiés le mois dernier dans cette rubrique :
La dilution du point mort dans une acquisition
Total acquiert Maersk Oil, payé en actions Total, et d'après Les Echos, son président déclare "Leur point mort est à 30 $ le baril après investissement. Nous, nous sommes à 40 $ en moyenne mondialement, donc l'opération est relutive pour les actionnaires."
C'est la première fois que nous voyons le concept de relution appliqué au point mort. Habituellement, il est utilisé à propos du bénéfice par action (BPA), ou des capitaux propres par action, voire de la rentabilité des capitaux propres. Cela nous parait une bonne idée, surtout dans une industrie cyclique comme celle du pétrole où la gestion du point mort n'est pas un sujet théorique.
Cela dit, le lecteur du Vernimmen sait que relution n'est pas synonyme automatiquement de création de valeur, y compris en matière de point mort. Ni dilution de destruction de valeur. Et s'il avait oublié, le chapitre 28[2] est là pour le lui rappeler.
Sociétés cotées chinoises et contrôlées par l'État : on ne pourra pas dire que nous n’avons pas été prévenus.
Depuis quelques mois, la plupart d'entre elles ont inclus dans leurs statuts une clause substituant le parti communiste chinois à l'État comme inspirateur des directions à prendre. Ainsi pour le China Railways group "quand le conseil d'administration décidera de sujets d'importance, il devra d'abord écouter le point de vue du comité du parti du groupe." La justification donnée à ce changement a été " d’intégrer le renforcement du leadership du parti à l'amélioration de la gouvernance de l'entreprise".
Mais rassurez-vous, ces dispositions ont été approuvées, comme il se doit, à la majorité des deux tiers. L'État chinois a pu voter avec ses actions sans être privé de ses droits de vote puisque ces amendements étaient sans conséquence financière (condition nécessaire à Hong Kong pour que le bénéficiaire ne puisse pas voter). Pour ceux qui auraient oublié que la Chine est une dictature.
Il y a tellement d'autres entreprises dans le monde où investir.
Citigroup : le beurre, l'argent du beurre et au final rien du tout.
Le groupe bancaire américain, dont le cours de bourse est actuellement à moins de 10 % de ce qu'il était en 2007 (sic), communique sur une rentabilité annualisée de ses capitaux propres au premier semestre de 6,8 %, qui est bien loin du coût de ses capitaux propres et des performances de ses concurrents (environ 10 %). Pour essayer de se rattraper, il met en avant une rentabilité de ses capitaux propres de 9,3 %, une fois déduits ses actifs d'impôts différés (qui représentent des économies futures d'impôts dues à ses pertes abyssales passées. Pour plus de détails, voir le chapitre 8 du Vernimmen 2018).
Mais on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Pendant les années de déficits, Citigroup a réduit ses pertes en constatant en compte de résultat des crédits d'impôts futurs, et a communiqué bien sûr sur ces pertes ainsi réduites. Maintenant, il est intellectuellement malhonnête de présenter aux investisseurs une rentabilité des capitaux propres qui ne tienne pas compte des actifs d'impôts différés, qui ne sont que la contrepartie de ces pertes ainsi réduites. De surcroît quand, en plus, ils ne sont pas déduits pour le calcul présenté des capitaux propres par action dans l'objectif de faire penser à une sous-évaluation de l'action. Bref, on ne peut pas les déduire quand cela arrange, et ne pas les déduire quand cela arrange.
Les investisseurs ne sont pas les idiots du village et ne sont pas dupes. Ils continuent de moins bien valoriser Citigroup que ses concurrents et l'action cote avec une décote par rapport aux capitaux propres consolidés. Dura lex sed lex.
Un petit risque de change pour un petit gain d'intérêt ?
Bonduelle a refinancé son acquisition américaine (Ready Pac Food payée 409 M$) par un USPP comportant deux tranches : l'une de 150 M€ et l'autre de 50 M$ ; et par un prêt bancaire de 200 M$. Le coût de la dette reste inchangé à environ 3 %, probablement au prix d'un risque de change sur 150 M€ puisque Ready Pac Food n'est actif qu'aux USA, à moins que Bonduelle ait mis en place une couverture de change sur laquelle il n'a pas communiqué.
Améliorer sa communication financière sur les acquisitions
Un groupe a annoncé il y a quelques semaines une acquisition, probablement de petite taille (le montant n'a pas été communiqué), qui fait sens (consolidation dans un marché éclaté) et "dont l’impact sera relutif sur le rendement des capitaux propres et le résultat par action".
Cette affirmation est sûrement vraie, mais est-elle pertinente pour juger de l'intérêt financier de l'acquisition ? Nous ne le pensons pas.
En effet, ce n 'est pas placer la barre bien haut que de demander une relution de la rentabilité des capitaux propres et du résultat par action quand on sait que l'acquisition est, selon toute vraisemblance, financée par de la trésorerie qui rapporte, au mieux, du 0 %. Dès lors que la société acquise n'est pas en perte, il y a automatiquement relution de la rentabilité des capitaux propres et du BPA dans le contexte monétaire qui est le nôtre.
Par ailleurs, et en dehors de cet exemple, une entreprise qui aurait un coût des capitaux propres de 8 %, qui dégagerait une rentabilité de ses capitaux propres de 3 %, mais qui ferait une acquisition présentant une rentabilité des capitaux propres de 6 % prétendrait à juste titre que cette acquisition reluerait la rentabilité de ses capitaux propres. Cependant cette acquisition serait destructrice de valeur car la rentabilité de cet investissement (6 %) serait inférieure au coût des capitaux propres (8 %). La relution des capitaux propres n'est donc pas synonyme de création de valeur, pas plus que la dilution de la rentabilité des capitaux propres est synonyme de destruction de valeur.
Se finançant par une trésorerie rapportant 0 %, l'acquisition qui rapporterait par exemple du 1 % serait aussi relutive du BPA, mais serait cependant destructrice de valeur, puisque le coût des capitaux propres est dans notre exemple de 8 %.
Il serait plus pertinent de communiquer, si cela était vrai, sur une rentabilité des capitaux propres supérieure au coût des capitaux propres que de parler de relution de la rentabilité ou du BPA.
Pour plus de détails sur comment éviter de se faire manipuler par des critères financiers lors d'une opération, voir le chapitre 29 du Vernimmen 2018[3] qui y est consacré.
[1] Que vous pouvez consulter ici
[2] Dont le résumé est au bout de cette ligne.
[3] Dont le résumé est au bout de cette ligne.