La Lettre n°160 de Juillet 2018

Actualités : L'analyse financière des groupes chinois cotés

Comme nous l’avons fait en janvier 2007[1], décembre 2010[2] et novembre 2013[3] nous nous sommes penchés sur les comptes des groupes chinois cotés sur les bourses de Shanghai et de Shenzhen. En enlevant les entreprises des secteurs bancaire, immobilier et d’assurance, on aboutit à 3 108 entreprises qui représentent 73 % de la capitalisation boursière de Shanghai et de Shenzhen, soit environ 5 300 Md€, ce qui correspond à la capitalisation boursière des places d’Euronext (Paris, Amsterdam, Bruxelles, Dublin et Lisbonne) et de celles de Madrid, Oslo et Luxembourg.

Nous leur avons appliqué la méthodologie d’analyse financière habituelle[4]. Leurs comptes nous ont été fournis par Infront, la société d’informations financières qui nous procure aussi les données financières de 16 000 sociétés cotées dans le monde figurant sur la page d’accueil du site vernimmen.net.

Création de richesses

Ces 3 108 sociétés ont réalisé en 2017 un chiffre d’affaires cumulé de 3 506 Md€, représentant environ un sixième du PIB chinois. À titre de comparaison, cela équivaut au cumul du chiffre d’affaires des 20 premières capitalisations boursières d’Allemagne, de France, du Royaume-Uni et de Suisse.

L’économie chinoise reste dominée par les matières premières (y compris le pétrole et le gaz), l’industrie, la construction et les matériaux de construction (54 % de l’activité). Corrélativement le poids des services reste très faible (17 %).

Les ventes des sociétés cotées chinoises ont crû en moyenne de 7 % par an sur la période 2012-2017 contre 18 % sur la période 2008-2012, soit un peu moins que la croissance en prix et en volume du PIB (9 % par an en moyenne). Les données annuelles font apparaître une période de forte croissance (supérieure à 15 %) en 2012-2014, puis trois années de ralentissement brutal avec une croissance de l’ordre de 2 %. Les secteurs les plus dynamiques sont ceux des biens de consommation, de la santé, des médias. Les moins dynamiques sont la construction et les matériaux de construction, les ressources naturelles ; témoins de la réorientation progressive de la Chine de l’investissement vers la consommation.

Peut-être grâce à cette évolution de la composition des ventes, la marge d’EBE se redresse lentement mais régulièrement sur la période 2012-2017 : de 11,3 % en 2012 à 12,8 % en 2017. On s’approche du niveau de 2009 (13,5 %) et on est loin de celui de 2002 (14,6 %). La marge d’exploitation est stable à un peu moins de 8 % et retrouve le niveau de 2002. Le supplément de marge d’EBE a donc été absorbé par des dotations aux amortissements plus fortes.

Investissements

En effet, les investissements représentent 2,9 fois le montant des dotations aux amortissements en 2012, chiffre qui baisse vers 2,4 fois en 2017, mais qui reste très fort pour des groupes dont le taux de croissance des ventes est de l’ordre de l’inflation. Sauf redémarrage de leur croissance, on peut craindre le surinvestissement.

Le besoin en fonds de roulement est en forte augmentation (de 177 Md€ en 2012 à 443 Md€ en 2017), plus rapide que celle du chiffre d’affaires, puisqu’il passe de 27 jours de ventes en 2012 à 45 jours en 2017. Ceci s’explique principalement par l’allongement des délais de paiement des clients (38 à 53 jours) et la hausse des stocks (de 66 à 81 jours). Le niveau de BFR est influencé par la part de l’export dans l’activité : les entreprises chinoises paient avec des délais très longs (entre 80 et 90 jours en 2016 et 2017[5]) leurs fournisseurs et sous-traitants (principalement locaux), alors que leurs clients (export ou particuliers chinois) paient beaucoup plus rapidement. La dégradation du BFR alors que l’activité ralentit fortement n’est pas de bon augure : crédits plus longs pour attirer les clients, rythmes de production qui ne s’adaptent pas à une moindre croissance.

Financement

Les données font apparaître que les entreprises chinoises cotées sont assez modérément endettées, sans que globalement la situation soit inquiétante puisque le ratio Endettement net/EBE est stable à environ 2 fois, avec une part des dettes à long terme qui atteignent 100 % de l’endettement net. Jusqu’en 2014, lorsque l’activité croissait fortement, l’endettement a explosé (+ 47 % entre 2012 et 2014), puis il s’est stabilisé depuis 2014 à environ 830 Md€. On peut noter que le niveau d’endettement est très disparate selon les secteurs d’activité. Il est très élevé dans les services publics (5,6 fois l’EBE), mais est en revanche fortement négatif dans les groupes d’agro-alimentaire et de média.

Les quatre secteurs avec le ratio dettes nettes/EBE 2017 le plus élevé, services publics, loisirs (3,3), chimie (2,9) et construction – matériaux de construction (2,7), représentent 56 % de l’endettement net total des groupes chinois cotés.

En valeur, l’endettement ne finance que 14 % de la valeur des actifs économiques, soit un niveau proche de la situation européenne (21 %) et qui, pris globalement, n’a rien d’inquiétant.

Le taux apparent de cet endettement net est stable à environ 5 %.

Notons que les sociétés chinoises conservent une part importante de liquidités au bilan (environ 16 % du total des actifs, 883 Md€ en 2017, en réduction par rapport à 2012 où cette part atteignait 20 % environ), reflétant certainement la faible fluidité des marchés financiers. À titre de comparaison, les liquidités des groupes occidentaux ne représentent que 2,5 à 5 % de leurs actifs[6].

Les groupes chinois cotés enregistrent une hausse spectaculaire de leur taux de distribution passé en 2012 du tiers de leur résultat, ce qui est inférieur à la moyenne européenne ou américaine, à plus des deux tiers en 2016, ce qui lui est largement supérieur. En cumul de 2013 à 2017, ces dividendes (pour 438 Md€) ont été financés à 40 % par le flux de trésorerie disponible, et pour le solde par une montée de l’endettement en montant absolu (269 Md€).

Rentabilité

Au global, la rentabilité économique est médiocre et s’effrite en passant d’un peu plus de 8 % en 2012 à un peu moins de 7 % en 2017 (contre 10 % sur la période 2009-2012). En 2017, la rentabilité économique est inférieure au coût du capital qui peut être estimé à 9 % environ (en considérant un taux d’intérêt sans risque de 4,3 %, une prime de risque de 6 % et un bêta désendetté de 0,8). Cette baisse, très nette jusqu’en 2015 (5,8 %), est en partie renversée sur les deux dernières années de notre étude. Elle s’explique principalement par une efficacité déclinante du capital des groupes cotés chinois : en 2012, un yuan d’actif économique produit 1,4 yuan de ventes en moyenne ; en 2017, plus que 1,1 yuan. Dans ces conditions on comprend mieux la politique de distribution des dividendes vue plus haut, car réinvestir dans des entreprises qui ne gagnent pas leur coût du capital en moyenne, c’est détruire de la valeur. De 2013 à 2017, la rentabilité économique marginale moyenne a été de 0,9 % par an. Réinvestir 100 dans une entreprise chinoise moyenne n’a rapporté comptablement qu’un supplément de résultat d’exploitation après impôt (de 22 %) que de 0,9, alors que le coût de la dette après impôt était de 4 %.

65 % des entreprises cotées chinoises gagnent moins que le coût du capital en 2017. Elles représentent 58 % des ventes cumulées de 2017 et 54 % de la capitalisation boursière. Il y a donc un petit effet taille (être plus petit accroît la probabilité de ne pas gagner son coût du capital), mais il n’est pas déterminant. On peut être très grand et ne pas gagner son coût du capital. Ainsi les ventes 2017 moyennes des groupes ayant un taux de rentabilité économique inférieur à 5 % sont supérieures à celles des groupes ayant une rentabilité économique supérieure à 10 %.

La rentabilité des capitaux propres décline de 9,7 % en 2012 à 8,0 % en 2017. Elle est dopée par un effet de levier qui reste modeste vu le faible écart entre la rentabilité économique en 2017 (6,7 %) et le coût de la dette après impôt (4 %). Le surcroît de risque apporté par l’endettement n’apparaît pas très rémunéré.

Valorisation

Malgré cela, les niveaux de valorisation sur le marché chinois restent très élevés (multiple 2017 d’EBE de 13x, multiple de résultat d’exploitation de 22x, PER de 27x) ! Les investisseurs semblent donc rester convaincus du potentiel de redressement des rentabilités de l’économie chinoise pour aboutir tôt ou tard à de la création de valeur puisque le PBR[7] est de 2,2 pour des entreprises qui en moyenne détruisent de la valeur…

                             *             *             *

Nos conclusions sont donc quasiment les mêmes que celle que nous énoncions en janvier 2007[8] et en novembre 2013[9] : les marges, les rentabilités et les structures financières ont peu changé. Le PBR est toujours déconnecté d’une réalité où seules 35 % des entreprises chinoises cotées gagnent au moins leur coût du capital. C’est mieux qu’en 2005 où seules 13 % y parvenaient et qu’en 2012 où elles étaient 23% à l’atteindre, mais c’est moins bien qu’en Europe où elles sont 74 % à le faire. Pas étonnant dans ces conditions que l’indice boursier de Shanghai n’ait rapporté que du 3,7 % par an sur les 20 dernières années, délivrant une rentabilité pour les actionnaires inférieure à celle des actions françaises (4,5 %) sur la même période, avec un niveau de risque significativement supérieur. Home sweet home.

C’est entre 1990 et 2001 que les rentabilités pour les actionnaires des groupes chinois cotés ont été exceptionnelles : + 28 % par an. Depuis notre première étude de janvier 2007, où nous mettions en garde contre la surévaluation du marché chinois des actions, la rentabilité moyenne des actions a été de 0,3 %.

Sauf à ce que les dirigeants chinois améliorent significativement la rentabilité de leurs entreprises, nous ne sommes pas convaincus que la situation pour les investisseurs s’améliore dans les années à venir.

 

 



Tableau : La montée continuelle des actifs incorporels

Il est bien connu que les actifs incorporels représentent une part de plus en plus importante des actifs immobilisés des sociétés. Dans leur livre, Capitalism Without Capital – the Rise of the Intangible Economy, Jonathan Haskel et Stian Westlake produisent quelques graphiques, initialement rapportés par le Financial Times.

Apple, la plus grosse société cotée actuelle par sa capitalisation boursière (valeur marchande des capitaux propres de 928 Md$), est un exemple fameux de cette tendance. Elle a une valeur d’actif économique de 829 Md$ et un actif économique comptable dans son dernier bilan publié de… 28 Md$, dont 35 Md$ sont des immobilisations corporelles ; soit un écart de 801 Md$ à combler par des actifs incorporels non comptabilisés.



Recherche : Le rôle crucial des relations personnelles dans les contrats de prêts

Avec la collaboration de Simon Gueguen, enseignant-chercheur à l’Université
de Cergy-Pontoise

Comme toute relation contractuelle de long terme, un contrat de prêt se caractérise généralement par des asymétries d’information. À conditions équivalentes, les prêteurs et les emprunteurs préfèrent contracter avec des contreparties qu’ils connaissent. Cette idée est bien connue et a été souvent testée. L’article que nous présentons ce mois[1] va cependant plus loin, en proposant notamment de distinguer relations personnelles et relations institutionnelles, et en faisant apparaître des effets économiques très significatifs de ces relations sur le financement et l’investissement.

Nous avions présenté dans cette chronique il y a quelques années, sous le titre « Le crédit entre amis », un article sur ce même thème[2]. L’article montrait que l’existence d’un lien interpersonnel ancien entre un cadre de la banque et un cadre de l’entreprise permettait d’obtenir un crédit dans des conditions plus avantageuses. Mais l’approche était différente : les relations personnelles anciennes prises en compte étaient celles de camarades de promotion ou d’anciens collègues. L’article d’aujourd’hui mesure l’intensité de la relation personnelle par l’existence de précédents contrats de prêts entre le dirigeant d’entreprise (CEO ou CFO) et la banque. L’auteur propose un indice prenant en compte à la fois la durée, la fréquence et le caractère récent de ces précédents contrats. Ainsi, ce n’est pas l’amitié supposée entre les contractants qui est mise en avant, mais leur passé de co-contractants justifiant une réelle diminution des asymétries d’information. Des « relations personnelles de crédit », pour reprendre le titre de l’article.

Pour mesurer l’effet de ces relations sur les contrats de crédit, l’auteur s’est focalisé sur le turnover des dirigeants d’entreprise lié aux départs en retraite et aux décès. L’idée est de capter des événements vraisemblablement exogènes à la relation de crédit, pour établir une causalité entre relations personnelles et conditions de crédit. Les effets mesurés sont très significatifs. Sur l’échantillon analysé (issu d’entreprises du S&P 500 entre 1994 et 2012), l’entreprise emprunte quatre fois plus souvent auprès de banques avec lesquelles le nouveau dirigeant a des relations de crédit intenses. Les montants empruntés sont plus élevés (de 12,5 %) et le coût du crédit est plus faible d’une vingtaine de points de base. Par ailleurs, ces conditions plus favorables ne sont pas compensées par des clauses plus restrictives. La stratégie empirique de l’auteur permet aussi de montrer que la relation personnelle (entre le dirigeant d’entreprise et la banque) a plus d’impact sur le contrat de prêt que la relation purement institutionnelle entre l’entreprise et la banque.

Les effets économiques de ces relations personnelles sont significatifs, en particulier dans les périodes de récession. Durant la crise de 2008-2009, les emprunteurs dont les dirigeants entretiennent des relations de crédit intenses avec les prêteurs ont investi 90 % des montants supplémentaires empruntés (142 millions de dollars sur l’échantillon étudié). Ainsi, l’existence de relations de crédit intenses (c’est-à-dire durables, fréquentes et récentes) entre les dirigeants d’entreprise et les banques semble réduire les contraintes de financement liées aux asymétries d’information, et permettre d’investir davantage dans des projets profitables.


 

 

[1] S.A. KAROLYI (2017), Personal Lending Relationships, Journal of Finance, vol. 73-1, pages 5 à 49.

 



Q&R : Deux remue-méninges financiers

Problème 1 : Une entreprise génère un flux de trésorerie annuel de 200 qui ne croît plus. Son coût du capital est de 10 %. Sa valeur par actualisation des flux de trésorerie est donc de 200/10 % = 2 000. Mais il se trouve que cette entreprise est constituée de deux divisions dont l’une génère un flux de trésorerie de 100 qui croît de 5 % par an, et l’autre de 100 qui décroît de 5 % l’an. Comme toutes les deux ont le même coût du capital de 10 %, la première division vaut 100/(10 % - 5%) = 2000 et la seconde 100/(10 % - (- 5%)) = 667. Donc ainsi analysée, cette entreprise vaut 2 000 + 667 = 2 667.

Tout bien pesé, vaut-elle 2 000 ou 2 667?

Réponse après le problème 2 que voilà :

Problème 2 : Vous êtes actionnaire d'une start-up prometteuse et avez souscrit à une émission d'obligations convertibles en actions du prochain tour de financement avec une décote de 15 % sur le prix d'émission des actions de ce prochain tour de financement.

Malheureusement, une erreur matérielle a été commise dans le procès-verbal de l'assemblée autorisant l'émission future des actions issues de la conversion des obligations convertibles, en prévoyant un nombre d'actions émises à ce titre égal au nombre d'obligations convertibles, et pas à ce nombre divisé par 1 moins la décote de 15 %. Ce genre de chose arrive et personne n'a rien vu sur le coup. Heureusement pour vous, le contrat d'émission des obligations convertibles est très clair et prévoit bien une conversion des obligations sur la base du prix des actions nouvelles décoté de 15 %.

Votre avocat, bien ennuyé, vous propose de corriger le tir en effectuant une conversion sur la base du montant des obligations convertibles, grossi de 15 % et divisé par le prix des actions nouvelles. 

Qu’en pensez-vous ?

 

Réponse au problème 1 : Comme vous l’avez compris, ce problème repose sur un sophisme, c’est-à-dire un raisonnement faux qui a l’apparence du vrai.

En l’occurrence ici, il est faux de dire que c’est équivalent d’avoir une entreprise qui croît de 0 % ou deux divisions de taille identique qui croissent de 5 % et de - 5 %, même s’il est vrai que 5 % - 5 % = 0 %. En effet, très vite les deux divisions ne vont plus générer le même flux de trésorerie disponible du fait de leur taux de croissance divergent. Par exemple au bout de 5 ans, le flux de la première est de 128 et celui de la seconde de 77. Donc il ne sera plus possible de dire que le taux de croissance du groupe est la moyenne entre 5 % et - 5 %, soit 0 %. Ce sera la moyenne pondérée de 5 % et de - 5 %, mais avec des pondérations différentes du 50 %-50 % initial. D’ailleurs, à terme, le taux de croissance du groupe va converger vers 5 %, puisqu’à force de décroître de 5 % par an, la seconde division va disparaître : ainsi en année 50, son flux sera de 8 contre 1 147 pour la première division. Quelques années, après il ne restera alors plus que la première division qui deviendra à elle seule le groupe dans son entier, et qui croîtra donc à 5 %.

Donc notre groupe vaut par actualisation des flux de trésorerie 2 667 et non 2 000. Mais pour cela le directeur financier aura besoin de faire œuvre de pédagogie en communiquant sur les performances des deux divisions, voire en en procédant à la cotation boursière de la première, ou carrément la scission du groupe en deux parties pour éviter une sous-évaluation significative (25 % dans notre exemple).

 

Réponse au problème 2 : Offrez à votre avocat un Vernimmen[1] ! Ce n'est pas la même chose que de multiplier par 1,15 ou de diviser par 1 - 15 %. Dans le premier cas, vous obtenez 15 % d'actions en plus, dans le second 17,65 %. On vous rogne 2,65 % / 17,65 % = 15 % de votre rendement. C'est le problème classique des calculs dits en dehors (je multiplie par 15 %) et des calculs dits en-dedans (je divise par 1 - 15 %), aussi connus par ce type de problèmes : si une valeur a baissé de 20 %, il ne suffit pas qu'elle remonte de 20 % pour retrouver son point de départ, mais de 25 %.

 

[1] Et plutôt un exemplaire de l’édition 2019 disponible fin août, car la 2018 sera épuisée dans quelques jours, sauf bien sûr sa version iPad ou en ligne.

 

 



Commentaire : Commentaires

Régulièrement, nous publions sur les pages Facebook et LinkedIn du Vernimmen[1] des commentaires que nous inspire l’actualité financière. Vous en trouverez quelques-uns publiés le mois dernier dans cette rubrique :


General Electric quitte le Dow Jones :
Sic transit gloria mundi

Membre fondateur en 1896 et continuellement depuis 1907. Il est remplacé par la chaîne de pharmacies et de drugstores Walgreens Boots Alliance (qui montre ainsi que l’on peut faire mieux que résister dans la distribution à la déferlante Amazon). En 2002 et 2005, GE était encore la première capitalisation boursière mondiale aux environs de 300 Md$ (112 Md$ en ce moment, contre un plus haut fugitif de 500 Md$) et surtout un modèle de gestion managériale universellement admirée. Mais un conglomérat ne peut rester au top que si toutes ces divisions restent au top et si le top management est capable de faire les bons choix des patrons de divisions. Nécessairement temporaire. Et GE a pris le chemin de la déconglomérisation, comme Siemens, Fiat, Kering, Philips. Nous en profitons pour vous rappeler que l’indice Dow Jones a une grande reconnaissance médiatique mais qu’il n’est quasiment pas utilisé dans l’industrie financière, servant de support de fonds indiciels à seulement 29 Md$ contre près de 10 000 Md$ pour le S&P 500. La raison de ce désintérêt des financiers : sa pondération, non pas par les capitalisations boursières ou les flottants, mais par les cours de bourse, beaucoup plus simples pour le calculer à la main, mais qui donne une vision biaisée des évolutions du marché. Pour plus de détails, voir la Lettre Vernimmen.net n° 52 de novembre 2006.

PS : Si Apple est membre du DJ (il a chassé un autre pilier historique, AT&T), Amazon n’y est pas.

 

Une nouvelle introduction en Bourse annulée au dernier moment

Delachaux, l'équipementier ferroviaire, qui devait s'introduire en Bourse au début de la semaine prochaine, afin de permettre au fonds CVC de céder l'essentiel de sa participation de 49,9 %, a annoncé hier renoncer à cette venue en Bourse car le fonds d'investissement canadien CDPQ vient d'acquérir la participation de CVC. C'est une nouvelle illustration de la montée en puissance de ces nouveaux acteurs que nous avions soulignée dans la Lettre Vernimmen.net de mai dernier et qui bouleverse la scène française des LBO de taille moyenne, et celle des introductions en Bourse. En effet depuis mai 2016 avec Maisons du Monde, il n'y a pas eu une seule sortie en Bourse d'une entreprise sous LBO.


Le rapport annuel de WPP
Chaque année nous lisons des rapports annuels, ceux des sociétés dont nous sommes actionnaires, ceux des sociétés dans lesquelles nous pourrions devenir actionnaires, ceux des entreprises dont une opération ou une situation nous sert pour écrire un cas pour nos étudiants ; et celui de WPP.

Pourquoi celui de WPP ? Car ce groupe de marketing insère chaque année dans son rapport annuel une section d’une quinzaine de pages qui fait le point sur les faits de l’année écoulée et les tendances à venir sur les 5-10 prochaines années. Et le marketing est le reflet de notre époque. On ne vous cache pas qu’il nous a servi d’inspiration en 2009 quand, avec le passage à l’édition annuelle du Vernimmen, nous nous sommes lancés avec bonheur, au moins pour nous, dans cet exercice exigeant et risqué pour le domaine de la finance.

Malheureusement, cette année il a disparu, probablement avec le départ soudain de son président fondateur, Martin Sorrell, qui le rédigeait.

Reste un rapport avec moins de hauteur de vue et deux choses frappantes :

1/ Dans le résumé des résultats financiers, 5 agrégats (résultat d’exploitation, résultat avant impôt, résultat courant, résultat net et BPA) sont présentés deux fois, en normes IFRS et en headline, que l’on peut traduire par normatif, ce qui ne simplifie pas la lecture des comptes. Ce qui révèle qu’il n’y a pas qu’en France que les entreprises éprouvent le besoin, pour respecter le principe de bonne information, de corriger les normes IFRS. Ainsi le BPA 2017 de WPP croît de 6,4 % en normatif et non de 31,9 % comme publié en IFRS. L’IASB ferait bien de sérieusement s’attaquer à ce sujet qui mine la crédibilité de ses normes.

2/ Un petit tableau de synthèse qui réunit la rentabilité des capitaux propres et le coût du capital. On s’attendrait à une comparaison avec le coût des capitaux propres, car les deux données sont comparables et homogènes, mesurant ce qui est demandé par les actionnaires d’un côté (le coût des capitaux propres) et de l’autre ce qui est obtenu (la rentabilité des capitaux propres). Pas au coût du capital, qui lui est comparable à la rentabilité économique. WPP a de suffisamment bonnes performances (16,9 % de rentabilité des capitaux propres avec un endettement net représentant 2 fois l’EBE) pour se permettre d’afficher des chiffres cohérents.

 

Hermès rejoint le CAC 40
Impressionnante réussite : 60 Md€ de capitalisation boursière, 10 % de plus que AXA, 10 % de moins que BNP Paribas ; avec seulement 5,5 Md€ de chiffre d'affaires et 13 500 collaborateurs, mais il est vrai une marge d'exploitation courante de… 35 %. Et un PER 2017 de 50 fois (quand on aime, on ne compte plus !). Précisons que Hermès remplace au CAC 40 le leader mondial du ciment LafargeHolcim.

Pour terminer, une de nos citations favorites que nous demandons aux lecteurs du chapitre 46 du Vernimmen de commenter. À un analyste financier qui lui demandait au moment de l’introduction en Bourse en 1993 quelle serait sa stratégie financière, J.-L. Dumas (président d’Hermès) répondit « Que mes petits-enfants soient fiers de moi ».
M. Dumas, reposez en paix, vos petits-enfants peuvent être fiers de vous.
Chapeau bas.

 

La politique de dividendes de Chanel

« Le mandat que m’a confié Alain Wertheimer (l'actionnaire de Chanel) est de ne pas avoir de dette, de financer en priorité les investissements et de maintenir la structure du bilan. La politique de dividendes est une conséquence de ces priorités. » Philippe Blondiaux, directeur financier de Chanel, Les Échos, 22 juin 2018.

Et c'est dans cette logique que les dividendes 2017 ont été réduits de 591 M$ à 109 M$, pour un résultat net 2017 de 1,79 Md$ en progression de 19 %.

Les actionnaires ne demandent pas des dividendes, ils demandent d'abord que l'entreprise trouve des investissements qui gagnent au moins leur coût du capital. Il est vrai qu'il est plus facile de mettre en œuvre cette politique de dividendes sensée quand l'entreprise est non cotée, ou cotée mais avec un actionnaire dominant qui peut l'imposer à certains investisseurs qui confondent dividendes et création de valeur.

 

[1] Que vous pouvez consulter ici pour Facebook et là pour LinkedIn.



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