La Lettre n°171 de septembre 2019
Actualités : Le Vernimmen 2020 est paru !
Le Vernimmen 2020 est disponible en librairie depuis le 28 août et dès le 14 août pour ceux d’entre vous qui sont abonnés à sa version électronique sur www.vernimmenenligne.net
L'an passé le Vernimmen s'ouvrait par un texte intitulé : « La finance : verte, responsable et durable ? » qui marquait notre engagement fort en faveur de la contribution de la finance à la transition énergétique.
Dans cette édition 2020, nous avons décliné, au sein des chapitres concernés, les préoccupations environnementales et sociales qui changent progressivement la finance d'entreprise, lentement sur certains aspects, beaucoup plus rapidement sur d'autres : coût du capital, outils de financement, placements des fonds, création de valeur, analyse financière, etc. Ces évolutions nous semblent à la fois irréversibles et aussi majeures pour la finance d'entreprise que le fut, il y a 40 ans, l'apport de la finance de marché lui permettant de s'émanciper de la comptabilité. Ne cachons pas que sur certains points que nous traitons, les progrès sont timides, les égoïsmes bien ancrés et que nous faisons preuve de volontarisme. Mais c'est, nous semble-t-il, le rôle d'un leader de montrer la voie d'avenir.
Cette année, le texte introductif du Vernimmen est consacré à la désaffection pour les marchés boursiers et à la montée des investissements non cotés.
Nous vous laissons le découvrir.
Naturellement, nous avons fait notre travail habituel de mise à jour pour vous offrir un outil de travail au quotidien aussi précis, fiable, exhaustif et pertinent que possible, intégrant :
- les nouvelles dispositions boursières, juridiques, comptables et fiscales ;
- l'ensemble des statistiques et graphiques actualisés présentant les données les plus récentes à juin 2019 (plus de 100 tableaux et graphiques) ;
- les derniers travaux de recherche ayant des applications pratiques.
C’est ainsi qu’entrent dans le Vernimmen 2020 les termes « accumulateurs », « affacturage inversé », « best in class », « clause de sortie », « courtier en financement », « crédits carbone », « déclaration de performance extra-financière », « Document d’information synthétique (DIS) », « emprunt à impact », « écoblanchissement », « first-loss », « second-loss », « fonds d'impact »… et quelques autres.
Comme tout classique, le Vernimmen vous offre des socles de savoir forgés par la pratique et enrichis par des réflexions conceptuelles, lesquelles ne vous laissent jamais désarmés face à un problème ou une situation financière :
- le plan type d'une analyse financière et d'une analyse boursière ;
- les outils de mesure de la création de valeur ;
- les techniques de placements des actions, des obligations, des crédits syndiqués ;
- etc.
Pour vous aider à mieux utiliser « votre Vernimmen », chaque chapitre se clôt par un résumé, des exercices (181 en tout) et des questions corrigées (784).
Nous avons utilisé le rabat de couverture pour présenter, dans un lexique français-anglais-américain, les principaux termes de la finance. Le marque page contient une antisèche (le Vernimmen résumé en une page !).
Tant en annexes que dans le corps du texte, de très nombreux graphiques et tableaux vous donnent des éléments de référence et de comparaison. Afin de vous aider à aller au-delà, si besoin, chaque chapitre est doté d'une bibliographie avec des conseils d'orientation vers des papiers de recherche fondamentale, des articles de presse ou des ouvrages. Enfin, l'index comprend plus de 1 900 entrées.
Tant la version électronique en ligne que la version iPad vous offrent en plus :
- les podcasts de nos MOOC sur l'analyse financière ou l'évaluation des entreprises et de nos cours à HEC Paris (sur le LBO, les fusions-acquisitions, l'augmentation de capital, la structuration de la dette, etc.) ;
- la totalité (pour la version en ligne) ou la quasi-totalité (pour la version iPad) des archives de la Lettre Vernimmen.net, depuis son premier numéro de juin 2001 (soit 1 400 pages environ) ;
- un glossaire de plus de 2 700 termes de la finance. Pour la version en ligne, nous réalisons à mi-année une actualisation et incluons les changements majeurs des réglementations comptables, fiscales, juridiques et boursières ;
- les deux chapitres bonus consacrés à l'histoire de l'analyse financière et à la micro-économie financière.
Si vous disposez d'un iPad et souhaitez y intégrer le Vernimmen 2020 enrichi, cliquez ici.
Pour vous procurer l'édition papier du Vernimmen 2020, cliquez ici.
Naturellement les abonnés à la version électronique en ligne du Vernimmen (www.vernimmenenligne.net) disposent de la nouvelle édition 2020 depuis la mi-août. Si vous souhaitez les rejoindre, cliquez ici.
Les propriétaires de la version papier bénéficient de conditions tarifaires réduites pour s'abonner aussi à la version en ligne. Nous vous souhaitons autant de plaisir à utiliser votre nouveau Vernimmen 2020 que nous en avons eu durant ces 700 heures nécessaires pour le créer !
Voici ce que certains de ses utilisateurs ont écrit sur le Vernimmen 2020 :
« Cet ouvrage constitue LA référence en Finance, pour les étudiants comme pour les professionnels de génération en génération. »
Odile Bernard, Directrice Académique M2 Financial Data Management – EM-Normandie
« Dans un monde volatile, incertain et complexe, le Vernimmen s'adapte d'année en année et apporte des repères et outils ajustés.
Je salue l'inclusion de la finance durable dans la dernière version du Vernimmen car il devient fondamental pour les financiers de comprendre les enjeux sociétaux et environnementaux et de les intégrer dans leur pratique de la finance d'entreprise. »
Cécile Cabanis, Directrice générale finances, is/it, cycles et achats de Danone
« Cet ouvrage est devenu la référence privilégiée de mes étudiants en finance d'entreprise. Il rallie exhaustivité, clarté et pédagogie. »
Mohamed Ali Hammas, Professeur de finance à ISG Tunis
« Le Vernimmen met à l'honneur la diffusion du savoir qui permet de comprendre et d'apprécier la Finance dans toutes ses composantes. L'ouvrage, régulièrement actualisé avec la lettre et le site internet, n'est pas que LA référence en Finance : c'est un véritable outil de formation durable ! »
Eric Lefebvre, Directeur Capital Développement - Bpifrance Investissement
« Au cours de vos études et tout au long de votre carrière professionnelle, le Vernimmen sera toujours un partenaire de choix. Tout comme nous créerons de la valeur à travers notre futur métier, le Vernimmen est créateur de valeur pour nous.
Avec l'ICCF qui est une formation pratique, la lettre Vernimmen qui traite de sujets d'actualité et l'application Vernimmen en poche, c'est tout un écosystème qui nous permet de toujours être au top ! »
Walter Ouedraogo, étudiant au CESAG de Dakar
« Cet ouvrage a d'abord été mon premier compagnon en cours de finance d'entreprise, et il est maintenant devenu mon livre de chevet pour la préparation d'entretiens de recrutement. Il s'inscrit dans un environnement complet très utile pour nous tenir à jour et approfondir certains sujets, avec La Lettre Vernimmen.net, les quizz en ligne, et également les commentaires, questions ou citations du jour aussi accessibles sur Facebook et LinkedIn. »
Juliette Quellec, étudiante à HEC Paris et à l'ENSAE ParisTech
« Depuis de nombreuses années, le Vernimmen est une référence inégalée en Finance d'entreprise. Clair et rigoureux, enrichi chaque année grâce à l'expérience de praticiens internationalement reconnus, il restera essentiel tant pour le monde académique que pour les professionnels, bien au-delà de la sphère financière. »
Jean-Dominique Senard, Président du groupe Renault
Enfin, pour ceux d’entre vous qui seront disponibles à Paris le 15 octobre, nous animerons deux tables rondes, à partir de 18h30, dans les locaux de Bpifrance, boulevard Haussmann.
La première consacrée à Est-il payant en finance d’être vertueux en matière d’engagements environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) ? avec la participation de Cécile Cabanis, directrice financière de Danone et de Bertrand Badré, ancien directeur général et directeur financier de la Banque Mondiale, et créateur du fonds d’investissement Blue like an orange Sustainable capital.
La seconde, consacrée à A quelles conditions coter son entreprise en Bourse ? avec Roger Leclerc, PDG fondateur de Cogélec, introduite en Bourse en juin 2018 et Monique Cohen, Directeur associé d’Apax Partners, administrateur de Safran, BNP Paribas et Hermès.
Pour vous inscrire gratuitement, cliquez ici.
Actualités : L'analyse financière des groupes cotés de l'Afrique de l'Ouest
Quarante-cinq entreprises de l'Afrique de l'Ouest sont cotées sur la Bourse Régionale des Valeurs mobilières (BVRM) d'Abidjan, établies principalement en Côte d'Ivoire (34), au Sénégal (3), Burkina Faso (3), Togo (2), Bénin (1), Mali (1) et Niger (1). En enlevant les entreprises des secteurs bancaires (15), on aboutit à trente entreprises pour lesquelles des comptes sont disponibles.
Si la capitalisation boursière de la BRVM est de 6,7 Md €, le retrait des banques réduit ce chiffre à 4,2 Md €. La capitalisation boursière moyenne est de 140 M €, mais ce chiffre est moins significatif que celui de la médiane (31 M €), en raison du poids très important de Sonatel, filiale de Orange, opérateur téléphonique du Sénégal, de la Guinée, de la Guinée Bissau et de la Sierra Leone, qui fait 38 % de la capitalisation boursière de la BRVM et 60 % de celle de notre échantillon. En ajoutant la capitalisation de Onatel, l'opérateur téléphonique du Burkina Faso, on atteint 70 %.
Ces entreprises font partie de la zone « franc CFA », ce qui veut dire que la monnaie qu'elles utilisent est liée à l'euro par une parité fixe de 655,957 F CFA pour un euro. La dernière dévaluation remonte à 1994, et depuis 2011, la zone UEMOA bénéficie d'un taux de croissance nettement supérieur au reste de l'Afrique et a une inflation de type européenne, bien inférieure à celle enregistrée sur le reste du continent.
Création de richesses
Le chiffre d'affaires cumulé des entreprises de l'échantillon est de 6,35 Md € en 2018 (dont un quart pour Sonatel), en croissance annuelle de 5,5 % depuis 2013, soit moins que le taux de croissance de la zone, qui est de 6,6 % en volume en 2017 et 2018, auquel on doit ajouter 1 % d'inflation pour le rendre comparable. Et ce alors que Sonatel a crû plus vite sur la période : + 6,6 %.
Les sociétés cotées sont donc plutôt à maturité, plutôt qu'en forte croissance.
Les entreprises cotées de l'Afrique de l'Ouest font apparaître une très grande diversité de taille : les 20 % les plus grandes (par les ventes) font 71 % du chiffre d'affaires, 79 % du résultat d'exploitation et regroupent 30 % des salariés avec des chiffres moyens de : 900 M €, 107 M € et 2 220 personnes respectivement.
À l'inverse, les 20 % les plus petites font 1,1 % du chiffre d'affaires, 1 % du résultat d'exploitation et regroupent 2 % des effectifs globaux avec des chiffres moyens de : 14 M €, 1,1 M € et 131 personnes respectivement. Mais ces dispersions ne sont pas atypiques et s'observent souvent sur telle ou telle place boursière.
Leur chiffre d'affaires montre une prédominance des services (malgré le retrait des banques) et un secteur industriel quasi absent :
Sur les cinq dernières années, les marges d'exploitation, entre 10,5 % et 14,8 %, sont relativement comparables à celles des groupes européens côtés, avec deux correctifs : l'un est qu'elles sont en baisse (10,5 % des ventes en 2018) contrairement aux groupes européens, et l'autre est qu'une fois Sonatel et Onatel sortis de l'échantillon avec leurs marges d'exploitation d'environ 30 % (contre 12 % en 2018 pour Orange), la marge d'exploitation moyenne du reste de l'échantillon tombe entre 3 et 7 %, et seulement 3 % en 2018. Seules trois entreprises ont des marges supérieures à 10 %, et elles sont plutôt de petite taille.
Investissements
L'actif économique des sociétés cotées de l'Ouest africain a crû parallèlement au chiffre d'affaires depuis 2013, ce qui montre sa bonne gestion. Son niveau inférieur de moitié au chiffre d'affaires est le témoin de la faible part tenue par l'industrie.
L'actif économique est représenté en quasi-totalité par les immobilisations, qui sont en croissance moyenne de 8 % par an depuis 2013, nourries par des investissements supérieurs en moyenne à 45 % de la dotation aux amortissements. C'est beaucoup pour une croissance en volume de l'échantillon de moins de 5 %, s'ils n'incluent pas aussi des investissements de productivité pour redresser les marges.
Le BFR connaît des fluctuations erratiques et est proche de zéro en moyenne depuis 2013 (treize jours de chiffre d'affaires), mais cette moyenne cache des années de BFR négatif, comme en 2015, ou nul, comme en 2018. Et sur la période, il a même tendance à diminuer en montant absolu. Dans le détail, les groupes ont des délais de paiements de leurs clients entre 50 et 60 jours de ventes, mais beaucoup plus longs pour les fournisseurs : 80 à 100 jours de ventes (et donc plus sur la base des achats, dont nous ne disposons pas). Il n'y a pas qu'en Europe que les gros sont durs avec les petits dans les conditions de paiement.
Les stocks sont, quant à eux, stables à un peu plus d'un mois de chiffre d'affaires, témoins d'un échantillon fortement orienté vers les services et l'industrie légère.
Financement
Les entreprises cotées de l'Ouest africain sont peu endettées avec des dettes nettes (1 074 M €) qui représentent 0,9 fois l'excédent brut d'exploitation 2018, en légère progression par rapport à 2013 (0,7) (et le tiers de l'actif économique comptable). 30 % de cette dette est de la dette à court terme nette des disponibilités de trésorerie, ce qui n'est pas petit.
Malgré la croissance en volume, et des marges d'exploitation qui n'ont rien d'exceptionnel, les flux de trésorerie disponibles après frais financiers sont largement positifs en raison de la faiblesse du BFR, dont la baisse sur la période a même permis de financer 15 % des investissements en immobilisations.
Ces flux de trésorerie disponibles sont essentiellement utilisés pour verser des dividendes, ce que permet le faible niveau d'endettement de ces entreprises. Aussi, en agrégé, les capitaux propres sont stables.
Rentabilité
Avec une rentabilité économique (après impôt apparent, compris selon les années entre 28 % et 33 %) en baisse de 20 % en début de période, à environ 15 % en 2017 et 2018, les sociétés cotées sur la BRVM gagnent néanmoins plus que leur coût du capital, qui est de l'ordre de 12 %.
Le surcroît de rentabilité économique obtenu par rapport au coût du capital moyen (environ 12 %) n'est pas très différent de celui obtenu par les sociétés européennes cotées, environ 2 % en 2019[1]. Par contre, ce qui est très différent, c'est la dispersion des taux de rentabilité obtenus : assez faible en Europe, forte en Afrique de l'Ouest, où la moitié de l'échantillon ne gagne pas son coût du capital, et où le quart en gagne au moins deux fois plus.
Sans surprise, avec un coût moyen de la dette après impôt de 3 %, la rentabilité moyenne des capitaux propres se maintient au-dessus de 20 %, la baisse de la rentabilité économique étant compensée au niveau de la rentabilité des capitaux par un effet de levier accru dû à la légère progression de l'endettement. Là aussi, la dispersion des observations est forte et similaire à celle des rentabilités économiques.
Conclusion
Avec des entreprises en croissance à très bonne rentabilité, même si elle est en baisse, on ne sera pas étonné de constater que ces entreprises sont valorisées à deux fois en moyenne leurs capitaux propres comptables. On peut penser que ces derniers sont relativement fiables avec une part des incorporels dont les goodwills, en hausse certes, mais qui plafonne à 25 %.
La baisse des EBE, des résultats d'exploitation et des résultats nets depuis 2015, ainsi que celle des rentabilités, n'est pas sans impact sur les cours de bourse de l'indice BRVM 10 qui regroupe les dix valeurs les plus liquides : en septembre 2019, l'indice est revenu à son niveau de 2010 :
Ces niveaux de valorisation font apparaître un multiple moyen de l'EBE 2018 de 4,6 ; un multiple du résultat d'exploitation 2018 de 7,8 et un PER 2018 de 10,9.
À notre lecteur contrariant, l'indice BRVM 10 a baissé de 50 % depuis son plus haut de septembre 2015, nous rappelons que la liquidité de la BRVM est faible et erratique. Ainsi la semaine qui a commencé le 16 septembre 2019, les volumes ont été de :
- le lundi : 1 004 M FCFA,
- le mardi : 109 M FCA,
- le mercredi : 73 M FCA,
- le jeudi : 140 M FCFA,
- et le vendredi : 347 M FCA.
Soit une moyenne quotidienne de 335 M FCFA ou 0,5 M €, soit encore 0,01 à 0,02 % de la capitalisation boursière de la place, contre 0,3 % à 0,5 % sur les bourses européennes.
En effet, les flottants sont souvent réduits, d'autant que bon nombre de sociétés cotées sont des filiales de groupes internationaux : Bouygues, Orange, Prysmian, Hachette, Bolloré, Unilever, Nestlé, Air Liquide, CFAO, Total, Maroc Télécom, etc.
Enfin, Sonatel fait, à lui tout seul, environ les deux tiers des transactions, ce qui laisse une portion congrue aux autres groupes cotés.
Merci à Infront Analytics qui nous a fourni les données de base.
Tableau : Investissements, dividendes et rachats d'actions aux États-Unis
Ce graphique, compilé par Deutsche Bank et repris dans le Financial Times, est très instructif à plusieurs égards.
Il montre d’abord à ceux qui voudraient que les dividendes et les rachats d’actions ne dépassent pas les investissements, que cette « prétendue règle » n’a jamais été observée depuis 1998, date du début de ce graphique, ce qui jette un doute sur sa validité. En fait, pour nous, il n’y a aucune raison de vouloir limiter les uns au montant des autres. Dividendes et rachats d’actions sont les reflets du passé immédiat, c’est-à-dire de la rentabilité des investissements faits dans le passé. Les investissements sont, eux, une preuve de foi ou d’un pari et de confiance dans le futur. Il n’y a donc aucune raison de les lier ainsi.
Ensuite, on voit clairement les effets de la réforme fiscale Trump[1] qui, de façon intelligente, a mis fin à un système fiscal aberrant, sans régime de non double imposition entre une fille étrangère (sur ses profits rapatriés aux États-Unis) et sa mère (sur les remontées de dividendes de ses filles étrangères). Celui-ci avait conduit les groupes américains à ne pas rapatrier au niveau de la maison-mère les résultats des filiales américaines, les parquant dans des paradis fiscaux (Bahamas, Irlande) en attendant cette réforme mainte fois annoncée et jamais réalisée, jusqu’au jour où, en 2017… Aussi une bonne partie de ces fonds ont été versés aux actionnaires en 2018, sous forme de hausses de dividendes et de rachats d’actions record, mais dont le niveau ne sera pas récurrent.
Ensuite, on mesure lors de la crise de 2008, combien les dividendes avaient pu baisser (divisés par trois en montants trimestriels par rapport au plus haut de 2007), mais encore plus les rachats d’actions (divisés par sept en montants trimestriels), ce qui est conforme à leur caractère encore plus discrétionnaire que celui des dividendes[2]. Les premiers ont mis huit ans pour retrouver leur montant historique, les seconds ne l’ont retrouvé que dans le contexte bien particulier de la réforme Trump.
Enfin, d’autres noteront la stagnation des investissements depuis 2012, à 175 Md$ par trimestre, et l’expliqueront par la hausse simultanée des dividendes et des rachats d’actions. Ce n’est pas notre point de vue, pour quatre raisons.
La première tient à la réduction du nombre de sociétés cotées aux États-Unis et la montée continue des entreprises non cotées financées par les fonds d’investissements (le private equity) [3], qui rend difficile la généralisation à l’ensemble de l’économie.
La seconde tient à la part croissante de l’économie de services, dont les Gafam sont l’illustration éclatante, au détriment du secteur industriel, dont une partie des investissements passe dans le compte de résultat en charges (dépenses de R&D, de publicité, pertes de démarrage) et non plus dans le tableau de flux sous la ligne investissements.
La troisième est que les investissements liés à la fabrication, cf. Apple et Foxconn, sont souvent réalisés hors des États-Unis, en Chine, en Asie du Sud-Est ou au Mexique, et n’apparaissent pas dans ces statistiques.
Et la quatrième est que nous avons un peu de mal à comprendre pourquoi les dirigeants d’entreprises américaines, aiguillonnés par des investisseurs vigilants, voire activistes, bardés de rémunérations liées à la performance, ne réaliseraient pas tous les investissements créateurs de valeur qu’ils peuvent identifier, alors que le crédit est aisé, peu coûteux et l’endettement peu élevé pour les plus grands d’entre eux (1,2 pour le ratio médian dettes nettes/ EBE[4] du S&P 100 en 2018).
[1] Sans faire partie du comité de soutien à la réélection de M. Trump, nous pensons que cette réforme est clairement à son actif.
[2] Pour plus de détails, voir le chapitre 39 du Vernimmen 2020.
[3] Voir l’avant-propos du Vernimmen 2020.
[4] Pour plus de détails, voir le chapitre 37 du Vernimmen 2020.
Recherche : L'effet des fusions sur les concurrents, les clients et les fournisseurs
Avec la collaboration de Simon Gueguen, enseignant-chercheur à l’Université
de Cergy-Pontoise
Lorsque deux entreprises du même secteur et situées au même niveau de la chaîne de valeur fusionnent, cela n’est pas sans conséquence pour les concurrents, les clients et les fournisseurs. D’une part, le pouvoir de marché des entreprises fusionnées et la concentration du secteur augmentent. D’anciennes études ont montré que cet effet était plutôt positif pour les concurrents[1]. Ce résultat est notamment expliqué par une plus grande collusion, ou pour le dire autrement une diminution de la guerre des prix dans le secteur. D’autre part, l’amélioration de l’efficacité opérationnelle des entreprises fusionnées affecte indirectement les concurrents, clients et fournisseurs. L’article que nous présentons ce mois[2] propose une évaluation de ces deux effets.
Les conséquences d’une fusion sont multiples, et isoler les effets d’une hausse de l’efficacité opérationnelle n’est pas chose facile. Les auteurs ont eu l’idée d’estimer les gains opérationnels à partir des prévisions communiquées par les dirigeants au moment de l’annonce de la fusion. Ils ont collecté ces informations parues dans la presse pour un échantillon de 480 fusions annoncées (sur le marché américain) entre 1996 et 2005. Ils ont alors calculé la valeur actualisée (en dollars) des gains opérationnels annoncés par les dirigeants, afin d’obtenir un indicateur utilisable pour l’ensemble de l’échantillon. Leur étude montre que, dans l’ensemble, ces annonces volontaires constituent une prévision acceptable de la performance opérationnelle effective dans les trois ans qui suivent la fusion.
L’effet d’une plus grande efficacité opérationnelle est a priori négatif pour les concurrents, puisque ces derniers subissent une plus forte concurrence. L’étude le confirme : à une hausse d’un écart-type des gains annoncés correspond une baisse de la valeur boursière des concurrents de 2,6 %. Ce résultat va donc à l’encontre de l’effet lié à une plus grande collusion.
Pour les clients, l’effet prévu par la théorie est positif, parce que l’entreprise fusionnée, plus efficace, pourra pratiquer des prix plus bas. Rappelons que l’effet de l’efficacité opérationnelle étudié ici est volontairement isolé de l’effet lié au pouvoir de marché, qui entraîne pour sa part une hausse des prix. Le résultat est conforme aux prévisions théoriques : à une hausse d’un écart-type des gains annoncés correspond une hausse de la valeur boursière des entreprises clientes de 1,1 %.
Enfin, pour les fournisseurs, l’effet net est plus difficile à prévoir. D’un côté, une entreprise fusionnée plus efficace devrait produire et vendre davantage, ce qui peut entraîner plus de commandes auprès des fournisseurs, donc un effet positif. De l’autre, une plus grande efficacité peut se traduire aussi par une hausse de la productivité et une baisse des commandes. L’effet net sur la valeur boursière des fournisseurs est largement positif, de 2,7 % pour un écart-type. Notons que l’effet plus marqué pour les fournisseurs que pour les clients est lié à la structure de l’échantillon (les fournisseurs sont plus petits que les clients, leur valeur relative est donc plus affectée par une même annonce).
La méthode est originale et les effets mesurés significatifs. Il est bien sûr possible de critiquer l’usage d’une divulgation volontaire par les dirigeants comme indicateur fiable des gains opérationnels. On peut par exemple imaginer que, dans certains cas, des prévisions trop optimistes de gains opérationnels soient utilisées pour masquer auprès du marché des opérations destructrices de valeur. Toutefois, comme le remarquent les auteurs, ceci devrait se traduire par des effets inverses de ceux observés (hausse de la valeur des concurrents, baisse de celle des clients et fournisseurs). Les résultats mesurés dans l’étude n’en sont donc que plus significatifs.
[1] E.ECKBO (1983), « Horizontal mergers, collusion, and stockholder wealth », Journal of Financial Economics, vol.11, p. 241-273.
[2] G.BERNILE et E.LYANDRES (2019), « The effects of horizontal merger operating efficiencies on rivals, customers, and suppliers », Review of Finance, vol.23(1), p. 117-160.
Q&R : Comment sont structurés les plans d'actionnariat salariés en France ?
La plupart des grands groupes ont mis en place un programme d’actionnariat salariés proposé dans le Plan Épargne Entreprise (PEE). Le schéma le plus simple et retenu par une majorité des entreprises consiste à permettre aux salariés de souscrire à une augmentation de capital avec une décote de 20% (cette décote étant maintenant portée à 30% depuis la loi PACTE) par rapport au cours de bourse (cette décote est déductible fiscalement pour l’entreprise). La souscription est généralement calée avec le paiement de la participation et de l’intéressement, il est ainsi proposé aux employés de l’investir en action de la société. Les sommes investies ne peuvent quoiqu’il arrive dépasser 25% de la rémunération annuelle brute du salarié.
Certaines entreprises proposent des schémas plus structurés avec une garantie des sommes investies et/ou un effet de levier. Ainsi, une entreprise peut proposer à ses employés d’investir un montant qui sera garanti à maturité (généralement cinq ans) et qui offrira un levier de 10, voire de 15, sur la performance de l’action. Prenons l’exemple d’une opération structurée avec une décote de 20%, une garantie et un levier de 10x.
Pour une valeur de l’action de 100, le salarié investit 80 (abandonnant donc la décote de 20%) et touchera in fine 80 si le prix de l’action est inférieur ou égal à 100, mais 480 si le cours de l’action est passé à 140[1]. Il n’y a pas de magie en finance, le levier et la garantie sont en réalité financés par la décote de 20 % et les dividendes durant les cinq ans que l’employé abandonne. Dans notre exemple, le FCPE acquiert effectivement 1+9 = 10 actions à prix décoté financées par 80 de contribution de l’employé et 720 de prêt de la banque structurant la transaction, le FCPE acquiert 10 options de vente à 80 pour garantir la valeur des actions (et par la même le prêt de la banque).
Les employés n’ont pas vocation à conserver les actions au-delà de la durée légale de conservation de cinq ans, mais suivant la typologie d’entreprise (nombre d’employés, salaire moyen, etc.), les opérations avec effet de levier d’ESOP renouvelées tous les ans peuvent permettre de constituer un actionnariat salarié de quelques pourcents du capital.
[1] 80 + 10 x (140 – 100) = 480
Autre : Formations
Voici les dates des prochaines formations que nous avons conçues pour Francis Lefebvre Formation avec des enseignants que nous avons sélectionnés pour l’excellence de leur pédagogie :
· « Ingénierie financière » le 7 novembre 2019, à Paris
· « Les mécanismes du LBO et l’environnement du Private Equity » le 24 octobre 2019, à Paris
· « Gestion de la trésorerie et des risques financiers : quelles priorités en 2019 » le 2 octobre 2019, à Paris
· « Définir la structure de financement adaptée à votre entreprise » le 19 novembre 2019, à Paris
Commentaire : Sur l'actualité financière, postés sur les pages Facebook et LinkedIn du Vernimmen
Régulièrement, nous publions sur les pages Facebook et LinkedIn du Vernimmen[1] des commentaires que nous inspire l’actualité financière.
Attention aux EBE EBITDA actuellement publiés
Comme celui du Club Med, qui enregistre une progression de 88 % au premier semestre 2019 (à 180 M€), mais dont 85 % (sur 88 %) sont dus à l'entrée en vigueur de la nouvelle norme IFRS 16 sur les locations opérationnelles.
Faites attention non seulement à l’évolution de l’EBE, mais aussi à sa signification qui est complètement modifiée par cette nouvelle norme dont nous avons eu l'occasion de dire tout le mal dont nous en pensons (pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?).
Ce qui a rendu l’EBE, ou l'EBITDA en « franglais », populaire c'est le fait que c'est un indicateur avancé du flux de cash que va recevoir l'entreprise du fait son activité. En effet, c’est la différence entre tous les produits et toutes les charges d’exploitation qui tôt ou tard se traduiront par une entrée ou une sortie de cash.
Ce n’est plus le cas post IFRS 16, puisqu’une partie de l’EBE (82 M€ dans le cas du Club Med, sur 180 M€) correspond à une fraction des loyers opérationnels déjà versés par le Club Med aux propriétaires des biens qu’il loue, et donc non disponibles pour faire des investissements ou rembourser des dettes. Pour l’instant, les entreprises publient, comme le Club Med, l’EBE du premier semestre pré et post IFRS 16 dans un souci de comparabilité des comptes. Espérons que ceci soit encore le cas dans le futur pour que les lecteurs des comptes puissent s’y retrouver.
Et dire que l’IASB a vendu sa réforme en disant qu’elle améliorerait l’information financière…
Les optimistes se diront que l’IASB finira par faire comme Technip et FMC ou Altria et Philip Morris qui viennent d’annoncer défaire ce qu’ils ont fait il y a quelques années.
Comptabilité publique, comptabilité privée
Début août, le Royaume-Uni a annoncé une contraction de son PIB de 0,2 % au second semestre 2019, après une expansion de 0,5% au premier trimestre, en mettant sur le compte du Brexit ces évolutions : les entreprises britanniques ont beaucoup produit au premier trimestre pour constituer des stocks de précaution, en anticipant une sortie de l’UE le 29 mars; et comme celle-ci a été différée de quelques mois, au second trimestre les entreprises britanniques ont beaucoup moins produit pour réduire les stocks de précaution, d’où la contraction du second trimestre.
En comptabilité privée, où l’on communique très peu sur la production mais quasiment uniquement sur les ventes et les résultats, le second trimestre aurait été un bon second trimestre avec des ventes et des résultats à l’inverse du premier trimestre, car produire pour stocker ne permet ni de dégager des résultats ni d'enregistrer du chiffre d’affaires.
Mais la comptabilité publique s’intéresse plus à l’activité (faire) et la comptabilité privée à vendre. Entre les deux, il y a les stocks qui ne sont normalement que des décalages temporels, comme nous le rappelle l’exemple récent du Royaume-Uni. Au troisième trimestre, on attend un bon chiffre du PIB, les entreprises britanniques reconstituant des stocks de précaution en vue du 31 octobre, avant un quatrième trimestre qui devrait être moins bon en raison du déstockage. Mais il est vrai que nous sommes au pays du stop and go.
[1] Que vous pouvez consulter ici pour Facebook, et là pour LinkedIn.