La Lettre n°219 de Septembre 2024
Actualités : La nouvelle édition du Vernimmen
Comme chaque année, le Vernimmen s'ouvre par un texte introductif d’actualité où nous exposons nos vues, cette année : Make equity great again, ou accroître l’attractivité des marchés financiers européens, où nous analysons les raisons du retard des marchés financiers européens par rapport à leur homologue nord-américain ; exposons comment en 40 ans les Suédois ont réussi à leur échelle à construire le marché financier européen le plus développé (16% des entreprises suédoises de plus de 250 employés sont cotées contre 3 % en Europe) ; pourquoi la composante actions est cruciale pour la performance dans la durée d’un patrimoine, et ce qu’il conviendrait de faire sans coût budgétaire pour améliorer l’attractivité des marchés financiers européens : en France essentiellement supprimer les avantages fiscaux dont bénéficient les placements en rentes ou en actifs sans risques et liquides. Nous vous laissons découvrir ce texte.
Naturellement, nous avons fait notre travail habituel de mise à jour pour vous offrir un outil de travail au quotidien aussi précis, fiable, exhaustif et pertinent que possible, intégrant :
- les nouvelles dispositions financières, boursières, juridiques, comptables et fiscales ;
- l'ensemble des statistiques et graphiques actualisés présentant les données les plus récentes à juin 2024 (plus de 100 tableaux et graphiques) ;
- les derniers travaux de recherche ayant des applications pratiques.
C'est ainsi qu'entrent dans le Vernimmen 2025 les termes : Apport distribution, Clause de liquidité préférentielle participative, Fonds de continuation, Rapport de durabilité, Règle de priorité absolue, Scission partielle, et quelques autres, dont certains vous sont présentés dans la section Question & Réponse.
Cette année, nous avons créé de nouveaux tableaux ou graphiques statistiques pour vous aider dans votre pratique de la finance : Multiples de l’EBE et du résultat d’exploitation pour 59 secteurs en Europe et 4 tailles d’entreprises cotées ; les mêmes multiples pour des transactions sur entreprises non cotées dans 10 secteurs européens, toujours en fonction de la taille ; les primes sur les offres publiques en fonction du niveau de participation acquise ; les parts de marché en Europe des principaux moyens de paiement, tout en élaguant ce qui devait l’être, afin que le Vernimmen ne prenne pas de la graisse !
Comme tout classique, le Vernimmen qui fête cette année le cinquantième anniversaire de sa première publication en 1974, vous offre des socles de savoir forgés par la pratique et enrichis par des réflexions conceptuelles, lesquelles ne vous laissent jamais désarmés face à un problème ou une situation financière :
- le plan type d'une analyse financière et d'une analyse boursière ;
- les outils de mesure de la création de valeur ;
- les techniques de placements des actions, des obligations, des crédits syndiqués ;
- etc.
Pour vous aider à mieux utiliser « votre Vernimmen », chaque chapitre se clôt par un résumé, des exercices (188 en tout) et des questions corrigées (819).
Nous avons utilisé le rabat de couverture pour présenter dans un lexique français-anglais-américain les principaux termes de la finance, ainsi qu'une antisèche (« le Vernimmen » résumé en une page !).
Tant en annexe que dans le corps du texte, de très nombreux graphiques et tableaux vous donnent des éléments de référence et de comparaison. Afin de vous aider à aller au-delà, si besoin, chaque chapitre est doté d'une bibliographie avec des conseils d'orientation vers des papiers de recherche fondamentale, des articles de presse ou des livres. Enfin, l'index comprend près de 2 000 entrées.
Tant la version en ligne que la version iPad du Vernimmen vous offrent en plus :
- les podcasts de nos MOOC sur l'analyse financière ou l'évaluation des entreprises et de nos cours à HEC Paris (sur le LBO, les fusions-acquisitions, l'augmentation de capital, la structuration de la dette, etc.) ;
- la totalité (pour la version en ligne) ou la quasi-totalité (pour la version iPad) des archives de la Lettre vernimmen.net depuis son premier numéro de juin 2001 (soit 1 800 pages environ),
- un glossaire de plus de 2 800 termes de la finance. Pour la version en ligne, nous réalisons à mi-année une actualisation et incluons les changements majeurs des réglementations comptables, fiscales, juridiques et boursières,
- les deux chapitres bonus consacrés à l'histoire de l'analyse financière et à la micro-économie financière.
Si vous disposez d'un iPad et souhaitez y intégrer le Vernimmen 2025 enrichi, cliquez ici.
Pour vous procurer l'édition papier du Vernimmen 2025, cliquez ici.
Naturellement, les abonnés à la version électronique en ligne du Vernimmen ( www.vernimmenenligne.net) disposent de la nouvelle édition 2025 depuis la mi-août. Si vous souhaitez les rejoindre, cliquez ici.
Ses propriétaires bénéficient de conditions tarifaires réduites pour s'abonner aussi à la version en ligne.
Et si vous voulez nous entendre présenter le Vernimmen, c’est ici.
Voici ce que certains de ses utilisateurs ont écrit sur le Vernimmen 2025 :
« C’est toujours avec plaisir que je (re)découvre chaque année la nouvelle édition du Vernimmen. Les concepts sont présentés avec beaucoup de pédagogie, la technique financière devient limpide et l'actualisation est chaque année au rendez-vous. Merci de nous donner un tel outil, pour nous et surtout pour nos étudiants. Vous nous facilitez grandement la tâche ! »
Paul Amadieu
Maître de Conférences – Université de Montpellier
« Chaque édition du Vernimmen est toujours très complète et pertinente. En tant qu’étudiante en finance, c’est un véritable support dont je ne saurais plus me passer. Facile à lire, avec des résumés et des exercices pratiques en fin de chapitre, c’est un ouvrage vers lequel je me tourne régulièrement. Avec les ressources disponibles sur le site et la Lettre Vernimmen en complément, cela m’a permis d’acquérir une culture financière solide et de me démarquer lors de mes entretiens. »
Anaïs Doidy
Étudiante à l’EDHEC
« Cette remarquable référence de la finance n’était pas autant référencée quand j’ai fait mes études à Sciences Po que dans d’autres Écoles. C’est donc en entrant dans la vie active que j’ai découvert cet ouvrage qui est pour moi un modèle d’équilibre entre les objectifs académiques et professionnels. Je m’y replonge régulièrement, comme on déguste un carré de chocolat, avec gourmandise… Un must have absolu ! »
Stéphanie Paix
Directeur général, pôle Global Financial Services, Groupe BPCE
« Je parle d'autant plus volontiers du Vernimmen que formé à la finance sur le terrain dans une banque d'affaires internationale à l'étranger, il ne fut pas mon premier ouvrage de référence. Pourtant, dès que j'y ai été confronté, il m'a paru plus clair, plus limpide, plus pratique que d'autres ouvrages trop académiques et en réalité moins pertinents. Merci aux auteurs pour leurs mises à jour constantes et enrichissantes. »
Patrick Sayer
Président du Tribunal de Commerce de Paris
"Le Vernimmen reste l'ouvrage de référence indispensable pour quiconque souhaite maîtriser les rouages de la finance d'entreprise. Son approche rigoureuse et complète, enrichie d'analyses actuelles et de cas pratiques, en fait un outil précieux pour les professionnels et les étudiants. Chaque édition renforce son statut de bible de la finance, alliant théorie et pratique avec une clarté exemplaire."
Saturnin Toudonou
Contrôleur comptable et de gestion – Africatalyst, et enseignant associé au Cesag à Dakar
Nous vous souhaitons autant de plaisir à utiliser votre nouveau Vernimmen 2025 que nous en avons eu durant ces 700 heures nécessaires pour le créer !
Actualités : Teck / Glencore, une bataille boursière autour du charbon, à la recherche de valeur et de respectabilité
En février 2023, Teck Ressources, groupe minier canadien capitalisant 18 Md€, annonce souhaiter opérer une scission entre ses actifs métaux (essentiellement des mines de cuivre) et ses actifs de charbon sidérurgique, qui seront donc cotés séparément. Comme les actifs métaux nécessitent de forts investissements à moyen terme, il est prévu que 90 % des cash flows des actifs charbon soient ponctionnés (sous forme de royalties) par le nouveau groupe de métaux sur une période de 5 ans pour financer ses développements.
Teck, qui avait fait des ventes de 12,7 Md€ et 3 Md€ de résultat net en 2022, avait cédé ses sables bitumineux quelques mois avant l’annonce de ce projet de scission, qui devait donc permettre de coter séparément des actifs « purs » clairement identifiables par les investisseurs. Cette scission est guidée par les dynamiques différentes des deux classes d’actifs :
- le cuivre et les métaux de base sont en forte croissance avec des besoins d’investissements élevés. La dynamique est portée par la transformation énergétique et les besoins de cuivre pour électrifier ;
- le charbon sidérurgique est à maturité et génère des cash flows importants. Précisons que le charbon sidérurgique ou coke, qui représente environ 15 % du charbon extrait dans le monde, ne sert pas à alimenter les centrales électriques à charbon qui, elles, recourent au charbon thermique, représentant les 85 % restants du charbon produit.
Ces profils induisent des multiples de valorisation très différents (quasiment du simple au double !). Conserver ses actifs sans synergies entre eux au sein du même groupe induit une décote de conglomérat[1] appliquée par les investisseurs (la valeur en bourse étant bien inférieure à la somme des parties). Force est de constater que les cash flows du charbon sidérurgique viennent combler les besoins d’investissement du cuivre ; et il n’est pas illégitime pour l’investisseur de ne pas apprécier ce type de circulation interne des flux qui lui est imposée.
Concomitamment à cette opération, Teck annonce son intention de supprimer au terme d’une période de 6 ans le mécanisme de droits de vote multiples qui donne de facto le contrôle de Teck à la famille Keevil. Il faut dire que les Keevil n’y étaient pas allés de main morte en 1969 en créant des actions A représentant 1,5 % du total des actions, mais donnant chacune … 100 droits de vote, alors que le solde des actions, les actions B, n’en ont qu’un par action ! Ainsi, avec 0,8 % du capital, la famille Keevil détient 33 % des droits de vote de Teck. Sans jeu de mot, les entreprises de la tech, elles aussi abonnées à ce type de dispositifs, n’ont rien inventé.
Les analystes financiers soulignent alors unanimement que la scission combinée à la suppression à terme des droits de vote multiples pourrait faciliter l’acquisition de chacune des activités par des investisseurs différents. Ils chiffrent un potentiel de hausse du cours de Bourse de 60 % après réalisation de cette opération.
Quelques semaines après cette annonce, en avril 2023, le groupe minier anglo-suisse Glencore, qui capitalise 60 Md€, propose de manière non sollicitée une transaction alternative au projet présenté par Teck. Glencore souhaite fusionner avec l’ensemble du groupe Teck, puis scinder immédiatement le groupe Teck-Glencore résultant de cette fusion en 2 entités nouvelles, l’une focalisée sur la production de métaux et le trading de matières premières ; l’autre sur le charbon (thermique et sidérurgique).
La parité de fusion proposée permet d’afficher une prime importante (22 %) pour les actionnaires de Teck sur la base des cours de bourse avant annonce, le valorisant à 22 Md€, … mais :
- C’est une transaction totalement en titres, donc la création de valeur pour les actionnaires de Teck dépendrait largement de l’évolution des cours, et donc des equity stories des deux nouveaux groupes. Pour l’actif charbon, l’histoire à raconter est compliquée, car ce nouveau groupe intégrerait le charbon thermique de Glencore qui est un repoussoir pour les investisseurs (nombre d’investisseurs ne veulent, voire ne peuvent plus, investir dans le charbon thermique à destination de production d’électricité très polluant et substituable par du gaz ou des énergies renouvelables). Le charbon sidérurgique est lui une production essentielle et non substituable actuellement.
- Par ailleurs, même si certaines garanties sont données, la transaction entraîne bien la perte de l’identité canadienne pour Teck, ce contre quoi la famille Keevil a toujours lutté, d’où le dispositif historique des droits de vote.
Le conseil (avec le support de la famille contrôlante) rejette cette proposition et met en avant : l’absence de processus concurrentiel, le timing non opportun (création de valeur du projet initial de séparation non réalisée, projets dans le cuivre trop peu avancés), le risque d’exécution, l’épouvantail que représente le charbon thermique et de la présence de Glencore dans le trading de pétrole.
Le rejet de l’opération par le management de Teck ouvre une porte à une offre plus ciblée sur sa division charbon sidérurgique. Teck communique que plusieurs offres non sollicitées se matérialisent. Aux termes d’un processus plus concurrentiel, Teck annonce en novembre 2023 la cession de son activité charbon sidérurgique pour environ 8 Md€
à Glencore (77 %), Nippon Steel (20 %) et Posco (3%).
Avec l’acquisition du charbon sidérurgique de Teck, Glencore atteint son objectif premier qui est de rendre plus « respectable » sa division charbon et rend possible à terme la séparation de cet actif. Il est vrai que lorsque l’on est responsable de l’émission en 2023 de 433 Mt CO2, soit plus que la France ou le Royaume-Uni chacun, le sujet n’est pas totalement neutre, même si la plupart des actionnaires de Glencore ne sont pas, par construction, des prosélytes de la cause environnementale. D’où l’annonce en août dernier du report sine die des projets de scission de cette division charbon, reflétant soit une moindre pression des problématiques ESG, soit un certain opportunisme, qui ne saurait surprendre dans un groupe qui trouve ses racines dans le négoce.
[1] Pour approfondir la décote de conglomérat, voir le chapitre 44 du Vernimmen.
Tableau : Le match fonds actifs/ fonds passifs
Morningstar publie régulièrement un baromètre des performances de la gestion active et de la gestion passive sur des horizons de temps différents. Nous avons retenu celui à 10 ans, qui nous paraît le plus pertinent, car alternant le plus souvent des phases haussières et baissières du marché. Les résultats ne sont pas encourageants pour les gestionnaires actifs en actions, sauf à se spécialiser sur le marché chinois :
Sur l’ensemble des fonds actions, ce n’est que 17 % de ceux qui sont actifs qui battent, à l’issue de 10 ans de performances s’achevant en 2023, leurs collègues passifs. Ceci s’observe quelle que soit la zone géographique des investissements. Et cette proportion est en retrait régulier puisqu’elle dépassait 22 % en 2014.
Que les gestionnaires actifs n’aillent pour autant pas se jeter dans la Seine ou le Main. 17 %, c’est mieux que la gestion confiée au pur hasard qui serait à 0,1 % sur une durée de 10 ans. Et surtout ce sont les gestionnaires actifs qui font évoluer la composition du marché entre les différentes valeurs, A défaut, un marché regroupant uniquement des investisseurs passifs se contenterait de reproduire chaque jour la même structure et les mêmes pondérations. À cette aune, Casino, Atos et le Crédit Foncier de France seraient toujours membres du CAC 40, valant chacun plusieurs milliards d’euros !
Si les statistiques semblent vous inciter à investir dans des fonds passifs, il faut surtout espérer que tous les investisseurs ne le feront pas ! Mais rassurez-vous, le marché développera naturellement son antidote. En effet, si la part des fonds passifs se rapprochait nettement de 100 %, le marché deviendrait moins efficient, permettant aux fonds actifs de trouver plus d’actifs sous-évalués générateurs de performance qui échapperaient aux fonds passifs. Ainsi les fonds actifs redeviendraient plus performants que les fonds passifs, induisant donc un rééquilibrage de leurs parts respectives.
Recherche : Le rôle des créances clients dans la stabilité de la chaîne de valeur
Avec la collaboration de Simon Gueguen, enseignant-chercheur à CY Cergy Paris Université
Lorsqu’une entreprise subit un choc opérationnel, les biens ou services qu’elle fournit à ses clients s’en trouvent souvent affectés. Par exemple, leur qualité ou leur disponibilité peuvent être dégradées. La place de l’entreprise dans la chaîne de valeur est menacée, en particulier si ses clients peuvent facilement changer de fournisseur. L’article que nous présentons ce mois[1] est une étude empirique qui montre que les entreprises ainsi affectées augmentent les délais de paiement accordés pour conserver leurs clients. Et les entreprises en amont de la chaîne de valeur facilitent l’opération en accordant elles-mêmes des délais, de sorte qu’un flux de créances clients s’organise jusqu’à l’entreprise affectée. Ce mécanisme s’explique par un intérêt commun à ne pas perdre les clients en aval en raison d’un choc transitoire.
L’échantillon étudié couvre la période 2003-2019. Il est issu de la fusion de deux bases de données concernant les entreprises installées aux Etats-Unis, l’une comprenant les données comptables et l’autre les relations clients-fournisseurs dans les chaînes de valeur. Il s’agit d’un point fort de cette étude : les effets en amont ne sont pas seulement mesurés sur les fournisseurs directs, mais aussi sur les fournisseurs des fournisseurs, et ainsi de suite. Comme souvent dans ce genre d’études, les catastrophes naturelles sont utilisées comme choc opérationnel. Ces catastrophes ont le mérite (pour le chercheur, s’entend !) d’être exogènes et a priori non corrélées à d’autres événements affectant les entreprises.
L’étude empirique montre que le taux de créances clients (relativement aux ventes) des entreprises affectées augmente de 2 points de pourcentage après le choc. Sur environ 100 000 observations, cette hausse est très significative. L’explication la plus plausible est que cette augmentation est volontaire et a pour objet de conserver les clients. Le plus intéressant est l’effet observé sur les dettes fournisseurs : elles augmentent aussi, de 8 points de pourcentage relativement au coût des ventes[2]. Lorsque ceci est traduit en dollars, on s’aperçoit que les délais obtenus couvrent presque exactement les délais accordés, si bien que ces deux effets ont un impact cumulé statistiquement nul sur la trésorerie de l’entreprise affectée.
Sur l’ensemble de l’échantillon, moins de 6% des fournisseurs sont situés dans la même zone géographique soumise à la catastrophe que l’entreprise affectée. La hausse des créances accordées ne peut donc pas s’expliquer par le fait que les fournisseurs seraient soumis au même choc. Plus probablement, ils cherchent à aider leur client à faire face au choc grâce à un flux de délai qui se transmet dans la chaîne de valeur.
Pour confirmer cette idée, les auteurs s’intéressent à la substituabilité des biens et services fournis par l’entreprise affectée. Ils reprennent pour cela des indicateurs de substituabilité développés dans une étude publiée en 2014[3]. Lorsque la substituabilité est grande, le risque de perdre des clients est élevé. Dans ce cas, l’entreprise affectée accorde davantage de délais, et elle en obtient davantage de ses fournisseurs, ce qui corrobore l’idée de créances clients volontaires.
Enfin, les auteurs s’intéressent aux cas dans lesquels les fournisseurs de l’entreprise touchée rencontrent des difficultés à se financer. Le flux de créances clients ne peut pas se mettre en place. L’obtention de délais en amont de la chaîne de valeur apparaît comme une condition nécessaire à l’utilisation des créances clients comme amortisseur du choc.
Deux leçons principales sont à retenir de cette étude. La première est que les entreprises soumises à un choc opérationnel augmentent les délais accordés à leurs clients afin de compenser la détérioration des biens et services rendus. Ce résultat n’est pas trivial : en cas de choc de liquidité, les entreprises diminuent au contraire les délais accordés. Dans le cas des catastrophes naturelles, la volonté de conserver les clients l’emporte donc sur la nécessité d’absorber le choc de liquidité. La deuxième idée concerne la chaîne de valeur. Les fournisseurs de l’entreprise affectée sont conscients de la nécessité d’augmenter les délais accordés pour éviter la rupture de la chaîne et la baisse des ventes. Les flux de créances clients constituent ainsi un outil efficace pour stabiliser les chaînes de valeur en cas de choc opérationnel.
[1] N. Ersahin, M. Giannetti et R. Huang (2024), Trade credit and the stability of supply chains, Journal of Financial Economics, vol. 155.
[2] En anglais cost of goods sold
[3] G. Hoberg, G. Phillips et N. Prabhala (2014), Product market threats, payouts, and financial flexibility, Journal of Finance, vol. 69, pages 293 à 324.
Q&R : 5 des nouveaux termes entrant dans le Vernimmen 2025
Clause de liquidité préférentielle participative
C’est une clause, principalement présente dans les pactes d’actionnaires de start-ups, qui prévoit que le prix de cession de l’entreprise est inégalitairement réparti entre les actionnaires des différents tours de financement :
- 5 à 20 % du prix est réparti au prorata des participations entre tous les actionnaires, y compris les fondateurs (carve-out).
- Le reste du produit de cession est d’abord alloué aux investisseurs de la dernière levée de fonds jusqu’à remboursement de leur investissement, éventuellement capitalisé (avec un certain taux de rentabilité́, voire en assurant un multiple de la mise initiale de 1,5 à 2), et sous déduction des sommes qu’ils ont touchées dans la première répartition.
- Puis le résidu (s’il y en a un) est réparti entre tous les autres actionnaires (fondateurs compris), à due proportion de leurs participations, voire parfois en incluant aussi les investisseurs du dernier tour, qui touchent alors deux fois des fonds (double dip).
Fonds de continuation
Il s’agit de véhicules relais qui vont acquérir les derniers investissements d’un fonds en liquidation et les porter jusqu’à la cession. Il est proposé aux investisseurs du fonds initial de participer (ou pas) au fonds de continuation, aux côtés d’investisseurs tiers qui pourront être sollicités. Les fonds de continuation pourront acquérir un ou plusieurs actifs du fonds initial. Ceci permettra d’optimiser la création de valeur et la sortie ultime. Il est nécessaire de faire appel à un expert indépendant qui émettra une attestation d’équité (fairness opinion) sur le prix de cession de la participation. En effet, l’équipe de management du fonds (qui est la même pour le fonds initial et le fonds de continuation) sera en conflit d’intérêt entre, d’un côté, sauvegarder les intérêts des investisseurs du fonds initial en maximisant la valeur, et de l’autre, sauvegarder les intérêts des investisseurs du fonds de continuation en minimisant le prix d’achat !
Rapport de durabilité
À partir des comptes 2024, avec l’entrée en vigueur de la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), la DPEF (Déclaration de performance extra-financière) est remplacée par un rapport de durabilité́ qui reprend des obligations de reporting standardisées grâce aux normes ESRS en Europe. Les informations extra-financières devront comprendre: la description des plans de transition pour rendre le modèle d’affaires et la stratégie compatibles avec l’Accord de Paris ; la description des objectifs fixés par l’entreprise et les progrès réalisés pour les atteindre ; la description de la gouvernance du développement durable et des processus de reporting ; le reporting sur les actifs incorporels y compris le capital intellectuel, humain, social et relationnel.
Le rapport de durabilité sera certifié par un professionnel indépendant (commissaire aux comptes, organisme tiers indépendant - OTI), et approuvé par les actionnaires en assemblée générale. À terme, les 50 000 plus grands groupes ou entreprises européennes seront concernés.
Règle de priorité absolue
En cas de plan de sauvegarde imposé par une classe de créanciers à toutes les autres (application forcée interclasse, cross-class cram-down), le tribunal vérifie en particulier que les créances de toute classe de parties affectées ayant voté contre le plan sont intégralement remboursées avant que les créanciers d’une classe inférieure ne touchent un euro au titre du plan.
Scission partielle
La scission partielle désigne un apport par une entreprise A d’une de ses activités à une entreprise B, et redistribution par A à ses actionnaires des actions B ainsi reçues (ou apport-distribution).
Commentaire : Sur l'actualité financière, postés sur les pages Facebook et LinkedIn du Vernimmen
Régulièrement, nous publions sur les pages Facebook et LinkedIn du Vernimmen[1] des commentaires que nous inspire l’actualité financière. En voici quelques-uns :
Vivendi, ou les créanciers qui applaudissent des 2 mains à une scission (21 septembre)
En règle générale, une scission qui réduit la diversité des métiers d’un groupe est peu appréciée des prêteurs puisque leur niveau de risque s’accroît avec la concentration des activités qui résulte d’une scission. En effet, les flux de trésorerie générés par chaque division d’un groupe sont naturellement mutualisés au sein du groupe qui les réunit pour servir la dette de ce dernier. Une fois scindé en entités indépendantes, les flux de trésorerie ne sont naturellement plus mutualisés, et les prêteurs de chacune de ces divisions devenues indépendantes ne peuvent plus compter que sur les flux de trésorerie générés par chaque division pour faire face à la dette qui lui a été allouée dans la scission.
De ce fait, et de longue date, les prêteurs se sont réservé dans les contrats de prêts/d'obligation en cas de scission (voire en cas de simple annonce), la faculté d’obtenir le remboursement anticipé de leurs prêts/obligations au nominal, voire un peu plus.
Lorsqu’une phase de hausse brutale des taux d'intérêt pousse la valeur des obligations largement en dessous du pair, l’annonce subséquente d’une scission est du pain béni pour les prêteurs qui voient d’un seul coup la valeur de leurs obligations se rapprocher du pair, malgré un taux de rendement de ces prêts inférieur au taux du marché.
C’est exactement ce qui se produit depuis plusieurs mois sur les obligations émises par Vivendi. Ainsi, l’obligation 2016 à échéance 2026, rapportant du 1,875 %, cotait il y a un an, avant toute annonce du projet de scission, 94,3 % du nominal, en raison d'un taux du marché de 4,10 %. Actuellement, la cotation dépasse les 99 % dans l’anticipation d’un remboursement au nominal d’ici la fin de l'année, échéance prévue de cette scission. Pour un investisseur obligataire, une progression du cours de 7 % en un an, coupon compris, est considérable pour un emprunt noté BBB.
Le groupe candidat à la scission doit refinancer ses dettes, c’est-à-dire négocier avec des banques pour contracter des emprunts qui seront utilisés pour rembourser par anticipation les emprunts obligataires. Ces crédits bancaires sont ensuite alloués entre les différentes entités qui seront scindées. Ce n’est que lorsque la scission est effective, que les entités scindées peuvent alors éventuellement émettre des obligations pour rembourser les crédits bancaires mis en place qui ont un caractère de crédit relais. Pour Vivendi, c’est 2 750 M€ qui sont ainsi concernés.