La Lettre n°36 de Février 2005

Actualités : La communication autour du passage aux normes IFRS : Much ado about nothing ?

Bon nombre de groupes cotés en bourse viennent de publier leurs estimations de l'impact du passage aux IFRS sur leurs résultats, d'autres le feront dans les semaines qui viennent. On constate un impact nul (ou non perceptible ce qui revient au même !) sur les cours de bourse à l'image des commentaires des analystes financiers qui accueillent ces publications :

  • « transition en douceur aux IFRS » (concernant Michelin) ;
  • « un impact en apparence spectaculaire mais sans influence sur la valeur » (concernant Vodafone) ;
  • « le passage aux IFRS : non significatif comme attendu » (concernant Schneider).

Nous y voyons trois raisons principales :

  • de nombreux analystes financiers ou comptables ont depuis plus de trois ans identifié les principales différences et ont participé efficacement à l'éducation des investisseurs (1). Ainsi l'annonce par Michelin que le ratio dettes financières et bancaires nettes sur capitaux propres allait passer avec les IFRS de 75 % à 113 % n'a eu aucun impact sur son cours de bourse, tout ceci étant connu et anticipé depuis longtemps ;
  • les groupes qui ont communiqué précisément sur ce thème sont le plus souvent cotés aux Etats-Unis, publiant et expliquant des réconciliations avec les normes américaines qui, sur de nombreux points, sont proches des normes IFRS.
  • enfin et fondamentalement, si changer de lunettes modifie parfois la perception du monde que l'on a, elle ne modifie pas le monde lui-même !

On ne peut cependant pas exclure à ce stade des surprises de la part de groupes de taille plus petite, probablement moins sophistiqués, ayant moins communiqué à ce jour et étant moins suivis par les analystes.

Quels sont donc les principaux impacts attendus ?

Des impacts de fonds :

Le goodwill, issu des opérations de rapprochement d'entreprises n'est plus amorti sur une période finie mais maintenu à l'actif pour son montant d'origine sauf à ce qu'un test de dépréciation annuel montre qu'il y a lieu de le déprécier partiellement ou totalement (2). C'est l'un des principaux impact apparent sur le compte de résultat, mais comme la majorité des analystes raisonnait sur des résultats avant amortissement du goodwill, son impact financier effectif est nul. Cela permettra ainsi à Vodafone d'éliminer une charge de 15 Md£ que le mettait en perte, dans l'indifférence générale mais justifiée.

Le périmètre des actifs incorporels se modifie : les parts de marché ne peuvent plus être activées et devront être reclassées en goodwill. Les frais de développement devront être activés (c'est simplement une option en normes françaises) si certaines conditions sont remplies.

Les titres, hors titres de participation consolidés, sont évalués à leur juste valeur. Trois cas se présentent : S'il s'agit de titres destinés à des opérations de trading ou à être revendus rapidement et dans ce cas les fluctuation de la valeur sont transcrites au compte de résultat. Dans la plupart des autres cas, l'entreprise ne prévoit pas la revente des titres ; la plus ou moins-value latente (et ses variations ultérieures) ne transite par le compte de résultat que lorsqu'elle est effectivement réalisée par une vente. Dans l'intervalle, la plus-value (et ses variations) est comptabilisée directement en capitaux propres sans passer par le compte de résultat. C'est ainsi que Mediobanca comptabilisera sa participation dans Générali et donc ses capitaux propres de près de 3 Md€. Enfin, dans les cas particuliers et rares où les titres sont destinés à être détenus jusqu'à leur remboursement final, ceux-ci sont alors valorisés à leur coût historique ajusté des éventuels remboursements partiels déjà intervenus.

Les instruments de couverture sont comptabilisés au bilan à leur juste valeur, les plus ou moins-values étant inscrites au compte de résultat. Lorsqu'il est démontré que ces instruments sont détenus dans une optique de couverture efficace, ces plus ou moins-values latentes sont comptabilisées en capitaux propres au bilan (et n'influent pas le compte de résultat) si la couverture porte sur des flux futurs. Si tel n'est pas le cas, elles passent directement en compte de résultat compensant ainsi les fluctuations opposées de l'élément couvert.

Les actifs corporels peuvent être évalués à la juste valeur. Cette option peut être retenue pour tout ou partie des actifs corporels. Vinci a indiqué qu'il ne la retiendrait pas, mais Publicis valorisera (au 1er janvier 2004) son siège du haut de l'avenue des Champs Elysées à 164 M€ (contre 4 M€ actuellement dans son bilan consolidé).

Les impôts différés ne pourront plus être calculés en valeur actuelle, ce qui est un paradoxe compte tenu de la préoccupation centrale de valeur affichée par l'IASB.

Le coût des stock-options devra être chiffré et passé en charge comme un avantage au personnel (3).

Les actions auto détenues ou autocontrôlées devront systématiquement être déduites des capitaux propres, même quand elles viennent en couverture de plans de stock-options ou servent à régulariser les cours. En conséquence, toute variation du cours de bourse sera sans effet sur le compte de résultat.

Les titres hybrides devront être comptabilisés pour leur composante capitaux propres en capitaux propres et pour leur composante endettement en dette bancaire et financière. Ainsi, les 1 881 M€ de titres hybrides de Publicis seront-il ventilés en 654 M€ de capitaux propres et 1 227 M€ de dettes. Le coût théorique passera par le compte de résultat. Les frais financiers incluent donc une partie d'éléments non cash qui rendra moins pertinent le ratio d'interest cover (EBE ou résultat d'exploitation divisé par les charges financières).

Les engagements de rachat d'actions, par exemple détenus par des actionnaires minoritaires dans des filiales (buy-out) ou les compléments de prix (earn-out) devront être comptabilisés en autres dettes.

Un certain nombre de charges viennent directement en moins du chiffre d'affaires et ne seront donc plus comptabilisées comme charges : redevances et taxe collectées pour le compte de tiers (Bouygues), escomptes pour paiement rapide (L'Oréal).


Des impacts de présentation :

Le bilan IAS n'est pas structuré par la liquidité mais par la différence entre les éléments courants et les éléments non courants.

Le compte de résultat IAS ne fait plus apparaître d'éléments exceptionnels ou extraordinaires qui sont normalement intégrés au niveau du résultat opérationnel sauf si l'entreprise choisit comme le préconise le CNC en France (4) d'isoler sur une ligne à part les éléments non récurrents ce qui va dans le sens de la bonne information financière.

L'information sectorielle devra être plus complète et plus précise (par secteurs d'activité et par zones géographique) que celle actuellement donnée.


Au total, on peut pressentir un impact plutôt négatif sur les capitaux propres d'ouverture, principalement à cause du traitement des retraites ; légèrement positif sur le résultat net (en raison de la fin de l'amortissement du goodwill et malgré la comptabilisation en charge des stock-options et des charges de retraite), mais pas nécessairement significatif car déjà pris en compte ou neutralisé pour les deux premiers d'entre eux.

(1) Le Vernimmen depuis septembre 2002, voir le chapitre 9.
(2) Pour plus de détails, voir la Lettre Vernimmen.net n° 24 de décembre 2003.
(3) Pour plus de détails, voir la Lettre Vernimmen.net n° 28 d'avril 2004.
(4) Pour plus de détails, voir la Lettre Vernimmen.net n° 33 de novembre 2004


Tableau : Rachats d'actions et versements de dividendes en 2004

En 2004, les 40 sociétés du CAC 40 ont racheté (en net de cessions d'actions) pour environ 9 Md€ d'actions, soit 1,2 % de leur capitalisation boursière moyenne 2004. 20 ont procédé à des rachats nets et 3 d'entre elles (Total, BNP Paribas et Société Générale) ont procédé à 63 % des rachats. 20 n'ont procédé à aucun rachat ou à des cessions nettes.

En montant, la palme revient de nouveau à Total qui a dépassé les 3,4 Md€ de rachat net. En pourcentage du capital, Vinci est le premier avec 7,1 % du capital racheté.

En matière de dividendes, les montants sont plus importants (environ 16 Md€) et surtout moins concentrés : les trois premiers groupes (encore le trio Total, BNP Paribas et Société Générale) versant 32 % des dividendes du CAC 40.


Source : compilation de données AMF et rapport annuels.

Par rapport à l'an passé, rachats d'actions et versements de dividendes sont en progression de 13 % ; Sanofi – Aventis, n° 2 du rachat d'actions en 2003, a cessé de racheter ses actions compte tenu de l'endettement contracté pour acheter Aventis. Enfin, seule la moitié des sociétés du CAC 40 ont racheté leurs actions contre les deux tiers en 2003, probablement en raison de la hausse des cours qui peut rendre l'opération moins intéressante, ce qui a même conduit 9 groupes (contre 4 l'an passé) à procéder à des cessions nettes.



Recherche : L'impact des changements de rating sur le cours de bourse

Rappelons-nous un instant les déboires traversés par Vivendi-Universal au cours de l'été 2002 et le rôle présumé des agences de notations (rating en franglais) dans la chute vertigineuse de son cours de bourse. Le 1er Juillet 2002, les obligations du géant français des médias voient leur notation par Moody's et Standard & Poor's baisser pour atteindre le statut d'obligations à caractère spéculatif (non-investment grade bonds ou encore junk bonds). Il n'en faut pas plus pour que le cours de bourse de Vivendi Universal s'effondre et fasse l'objet d'une suspension de cotation.

À la lumière de cet exemple spectaculaire, et bien qu'il soit difficile de séparer l'effet de la baisse de la notation financière d'avec les allégations de manipulations comptables dont l'entreprise faisait l'objet à ce même moment, il semblerait que les agences de notation jouent un rôle informationnel important sur les marchés financiers. Une récente étude d'Alain François-Heude et Eric Paget-Blanc (1) s'attache à éclairer le contenu informationnel des agences de rating et leur impact sur le cours de bourse des entreprises concernées. Elle met en évidence l'existence d'un lien entre l'annonce d'une agence de rating et l'évolution du cours de bourse d'une entreprise.

Les agences de rating sont des entreprises ayant pour objectif de noter la solvabilité financière d'entreprises ayant émis des titres de créances obligataires ou ayant contracté des emprunts auprès de banques (2). La notation d'une entreprise a donc un impact direct sur la valorisation des titres de créance de cette entreprise, dans la mesure où cette notation informe sur le risque de défaut de paiement sur ces titres. Toutefois, dans la mesure où les agences de notation n'ont pas pour seule fonction d'agréger l'information disponible sur le marché, mais de créer au travers de leur analyse une information non disponible préalablement, leurs diverses annonces devraient aussi avoir un impact sur le cours de bourse des entreprises qui en sont l'objet.

Parmi les annonces qui sont faites par les agences de notation, les auteurs distinguent quatre grandes catégories :

  • l'annonce de mise en surveillance d'une entreprise,
  • l'annonce d'un changement de note financière,
  • l'annonce d'une modification de perspective, et
  • l'annonce de l'attribution pour la première fois d'une note.

Pour leur travail, les auteurs utilisent des données répertoriant l'ensemble des annonces de rating pour les entreprises cotées sur Euronext-Paris entre janvier 2001 et fin mai 2003. Ils répertorient donc, sur cette période, 273 annonces de rating concernant 62 entreprises auxquelles ils appliquent la méthode de l'étude d'événement. Cette méthode consiste à observer la rentabilité cumulative anormale (relativement au marché), avant, au moment de, et après l'annonce de l'agence de notation.

L'une des originalités de cette étude tient au fait que les auteurs distinguent le type d'annonce selon la classification montrée plus haut et l'impact supposé, positif ou négatif, de l'annonce. Grâce à cette segmentation ils pensent parvenir à montrer que le contenu informationnel diffère selon la nature de l'annonce de l'agence de notation.

1/ L'annonce de la mise en surveillance d'une entreprise, souvent assortie d'une implication positive ou négative selon les cas, a pour but d'indiquer aux investisseurs que la note d'un émetteur est susceptible d'être modifiée à court terme. Cette mise en surveillance est généralement la conséquence d'événements spécifiques à l'entreprise dont la teneur a été préalablement rendue publique, tels que, par exemple, un projet d'acquisition important. Dès lors, il est difficile de conclure si la variation du cours de bourse est due à l'annonce de l'opération ou à l'annonce de la mise sous surveillance qui en est la conséquence.

2/ L'annonce d'une modification de la notation peut intervenir avec ou sans mise en surveillance préalable. Dans les deux cas, les auteurs font l'hypothèse que le contenu informationnel d'une modification de note est important : en effet, l'information qui est véhiculée résulte d'une étude approfondie des perspectives de l'émetteur, le plus souvent sur la base d'information privilégiée (plan d'affaires communiqué par la direction financière, discussions approfondies avec celle-ci). De la même manière l'annonce d'un changement de perspective est susceptible d'avoir un contenu informationnel important.

Les auteurs montrent qu'une dégradation du rating a un effet significativement négatif sur le cours de bourse le jour de l'annonce mais que cet effet a été précédé d'une sous-performance du cours de l'action dans les 30 jours qui précédent cette annonce. Cette sous-performance continue dans les 30 jours qui suivent, mais de façon plus modérée.

Une amélioration du rating s'accompagne au contraire d'une surperformance du cours dans les 30 jours avant l'annonce (effet d'anticipation), d'un faible impact positif le jour de l'annonce qui se poursuit dans les 30 jours suivants.

3/ Pour les modifications de perspectives, on ne retrouve pas d'effet immédiat sur le cours de bourse, mais un effet positif sur une période de 10 jours et 30 jours suivant l'annonce, uniquement pour les annonces de caractère négatif. Alors que les annonces sont négatives, l'impact sur le cours de bourse semble donc être positif à moyen terme ! Pourquoi les marchés sur-réagiraient-ils initialement à ces annonces ? Mais surtout, pourquoi cette rentabilité positive après l'annonce ?

L'explication donnée par les auteurs à ce résultat surprenant est celle d'une sur-réaction initiale suivie par un mouvement de correction graduelle : les réactions des marchés seraient quasi immédiates pour les investisseurs professionnels, plus longues pour les investisseurs privés qui réagiraient progressivement à la réduction d'incertitude liée au titre boursier de l'entreprise. Le contenu informationnel des annonces de baisse de rating serait donc lié, d'après les auteurs, à une baisse de l'incertitude concernant les perspectives à long terme de l'entreprise, généralement l'horizon est fonction de la maturité des obligations qui sont évaluées, soit en moyenne deux ans. L'agence de rating aurait donc bien apporté une information supplémentaire au marché action.

4/ Enfin, les attributions de note, pour des entreprises qui n'étaient pas préalablement couvertes par l'agence de notation, s'accompagnent d'un effet positif sur le cours. L'attribution d'une note révèle des informations nouvelles aux investisseurs et, d'après les auteurs, l'amélioration de la visibilité est immédiatement valorisée par les investisseurs.


Le contenu informationnel des annonces d'agences de notation semble bien être réel mais pose désormais la question de l'intégration de cette information par le marché. Celui-ci est-il vraiment naïf dans l'intégration de cette information comme le suggèrent les auteurs ? Les auteurs ne mesurent-ils pas autre chose que l'intégration de l'information produite par l'agence de notation sur la période suivant une annonce négative de perspective ou de notation ? Plus largement, c'est à nouveau la question de l'efficience (semi-forte) des marchés qui est en jeu à travers ces questions (3).

(1) Alain François-Heude et Eric Paget-Blanc « Les annonces de rating : impact sur le rendement des actions cotées sur Euronext-Paris », Banque & Marchés, n°70, mai-juin 2004.
(2) Pour plus de détails voir le chapitre 31 du Vernimmen et la Lettre Vernimmen.net n° 19 de mai 2003.
(3) Pour plus de détails sur le concept d'efficience, voir le chapitre 21 du Vernimmen.


Q&R : Structure de contrôle et de direction des groupes

Quelle est pour vous la meilleure structure de contrôle et de direction des groupes ?

A cette question de gouvernement d'entreprise, plus de 1 250 internautes ont répondu, largement au dessus des seuils de représentativité usuels.

Les résultats montrent une attente très forte envers une dissociation des postes de Président et de Directeur Général dont les rapports Vienot II et Bouton souhaitaient qu'elle soit rendue possible au sein d'une société anonyme, ce que la loi sur les Nouvelles Régulations Economiques (NRE) de 2001 a permis : 86 % des internautes ayant répondu la souhaite alors qu'elle n'est observée que dans 36 % des cas.



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