La Lettre n°52 de Novembre 2006
Actualités : Dow Jones versus CAC 40 : lequel croire ?
Pourquoi l’indice Dow Jones a-t-il dépassé son plus haut historique de l’an 2000 alors que le CAC 40 en est encore loin comme l’observation des évolutions relatives de ces 2 indices depuis 1991, en base 100, permet de le constater :
Deux réponses sont possibles : soit les groupes américains se portent beaucoup mieux que les groupes français depuis 2000, soit l’instrument de mesure (le Dow Jones versus le CAC 40) est biaisé telle une balance qui vous grossirait toujours de 2 ou 3 kilos !
En fait, on s’aperçoit vite que la bonne raison tient à la composition et au mode de calcul du Dow Jones plus qu’à autre chose. En effet, l’évolution de deux indices à large composition, le S&P 500 et le SBF 250, montrent que les marchés boursiers américains et français n’ont pas encore retrouvé leurs niveaux de 2000 :
En revanche, l’évolution du Dow Jones est, en particulier depuis 2000, assez largement déconnectée de celle du marché américain représenté par un indice large comme le S&P 500 :
Cette déconnection depuis 2000 entre les deux indices américains s’explique par le faible poids des valeurs technologiques, média et télécommunication au sein du Dow Jones et par la surpondération des valeurs industrielles qui ont naturellement mieux résistés à l’éclatement de la bulle TMT que les valeurs TMT.
Cette moins bonne représentativité du Dow Jones par rapport à celle du CAC 40 se comprend lorsque l’on sait que la capitalisation boursière des membres du CAC 40 représente 77 % de celle de Paris contre 26 % pour celles des 30 membres du Dow Jones par rapport à la capitalisation boursière américaine.
Ce constat n’est pas illogique : la bourse américaine étant 7,5 fois plus grande que la bourse française (par la capitalisation boursière), un indice ne contenant que 30 entreprises aux Etats-Unis contre 40 groupes pour le CAC 40 a toutes les chances d’être moins représentatif de son marché, que le CAC 40 ne l’est du sien.
Par ailleurs, les particularités de construction du Dow Jones concourent à sa non représentativité. Aussi, parmi les 30 premières capitalisations boursières américaines seules 18 font partie du Down Jones. Manquent ainsi à l’appel : Bank of America (5ème capitalisation boursière américaine), Berkshire Hathaway (13ème), Cisco (14ème), Chevron (15ème), Google (17ème), Wells Fargo (19ème), Wachovia (21ème), Pepsi-Cola (23ème), Oracle (26ème), Conoco Phillips (27ème), Genentech (29ème) et Amgen (30ème).
A l’inverse, on y trouve 3 M (54ème capitalisation boursière), McDonalds (57ème), Caterpillar (65ème), Dupont de Nemours (69ème), Honeywell (81ème), Alcoa (132ème) et General Motors (182ème).
Pour le CAC 40, seuls manquent à l’appel Christian Dior (maison mère de LVMH qui est dans le CAC 40, 29ème capitalisation boursière), CNP (34ème), NatIxis (35ème), Vallourec (37ème) et Euronext (40ème).
Enfin et surtout, la pondération des valeurs au sein du Dow Jones est totalement déconnectée d’une réalité financière puisqu’elle ne s’effectue ni en fonction des capitalisations boursières, ni du flottant (comme pour les indices parisiens), mais en fonction des cours de bourse. Autrement dit, le poids dans le Dow Jones de Carterpillar, dont l’action cote 68 $, est similaire (4,6 %) à celui de Exxon Mobil (4,5 %) qui cote 66 $ alors que le groupe d’engins de travaux capitalise 9 fois moins que Exxon Mobil (44 Md$ contre 395 Md$), première capitalisation mondiale.
Pfizer, deuxième plus petite composante du Dow Jones (1,8 %) est la 7ème capitalisation boursière américaine. IBM, première composante du Dow Jones (5,7 %) est la 18ème capitalisation boursière américaine. Si l’action Berkshire Hathaway, société de Warren Buffett et 13ème capitalisation boursière américaine, qui cote 100 000 $ environ, devait être incluse dans le Dow Jones, elle en représenterait alors 98,5 % ! On peut donc conclure sans prendre beaucoup de risque de se tromper que le Dow Jones devra modifier le mode de calcul de l’indice ou que la firme de Omaha devra procéder à un split (1) massif si elle doit rejoindre un jour l’indice Dow Jones !
(1) Pour plus de détails sur les splits, voir le glossaire du site www.vernimmen.net.
Tableau : Le coût du crédit aux entreprises en France
La Banque de France publie dans son Bulletin Mensuel d’octobre 2006 les résultats d’une enquête trimestrielle sur le coût du crédit aux entreprises et aux entrepreneurs individuels lorsque l’usage du prêt est professionnel.
Sans surprise, il y a une corrélation négative entre la taille du crédit et les conditions de taux. La taille du crédit est en effet un indicateur de fragilité de l’emprunteur et de faiblesse de sa position de négociation.
On notera enfin que pour les crédits inférieurs à 1,5 M€, le moyen et long terme est moins cher, en moyenne, que le court terme. Au-delà de cette somme, on retrouve une relation conforme à la configuration de la courbe des taux, avec un surcoût du crédit moyen / long terme de seulement 0,35%. Dans ces conditions, pourquoi se priver de la sécurité du moyen / long terme quand on peut y accéder ?
Il est frappant de constater que par rapport à mai 2005 (1), le coût du crédit s’est renchérit de 70 à 120 points de base pour les crédits supérieurs à 1,5 M€, mais de seulement 20 points pour ceux inférieurs à 15 000 €, (hors découvert). Il est vrai que 2004 et 2005 ont vu d’excellentes conditions pour les grands emprunteurs au point que nous nous étions permis de sous titrer l’un de nos articles consacré à ce sujet : « Les banques sont-elles devenues follles ? (2) ».
Cela dit, il ne fait pas bon être une très petite entreprise et d’avoir besoin d’un découvert : taux moyen de 10,32 % !
(1) Voir la Lettre Vernimmen.net n° 38 de mai 2005.
(2) Voir la lettre Vernimmen.net n° 30 de juillet 2004.
(2) Voir la lettre Vernimmen.net n° 30 de juillet 2004.
Recherche : Théorie et pratique des introductions en bourse
Deux chercheurs de la Brigham Young University ont apporté une contribution originale (1) à la littérature sur les introductions en bourse (2) en interrogeant directement plus de 300 chefs d’entreprises américaines sur leur comportement d’émissions. L’étude porte notamment sur les points suivants : les motivations d’une introduction en bourse, le timing de cette introduction, la sélection de la banque émettrice et le pricing de l’émission.
1. Les motivations d’une introduction en bourse
Deux familles de théories expliquent les introductions en bourse :
• La première utilise des arguments financiers : la dette est trop importante ou trop coûteuse pour financer de nouveaux projets, la cotation peut favoriser l’acquisition d’autres entreprises, et elle permet aux fondateurs de diversifier leur patrimoine.
• La seconde se fonde sur des questions de marketing et d’information : les sociétés cotées intéressent davantage les analystes financiers, et elles peuvent également être mieux reconnues par leurs clients.
Les chefs d’entreprise interrogés mettent en avant le souhait d’utiliser les actions cotées pour de futures acquisitions comme principale motivation des introductions. En revanche, les arguments de structure du capital (notamment de coût de la dette) sont les moins souvent cités.
2. Le timing
Le marché primaire connaît généralement une forte activité en cas de marchés haussiers. La principale explication du timing des introductions est que les dirigeants souhaitent bénéficier des opportunités de marché. Les chefs d’entreprises interrogés confirment la validité de cette théorie.
3. La sélection de la banque émettrice
Le principal critère de choix de la banque émettrice par les chefs d’entreprise est la réputation de l’institution (considérée comme très importante par plus de 90% d’entre eux). Ceci conforte les théories attribuant à l’émetteur un rôle dans la réduction des asymétries d’information, la confiance des souscripteurs en la banque émettrice compensant leur mauvaise connaissance de la société introduite.
En revanche, la base de clientèle de la banque, ainsi que les services annexes qu’elle peut fournir à la société introduite, sont considérés comme des critères de choix secondaires.
4. Le pricing
Les raisons de la sous-valorisation (underpricing) des introductions restent incertaines et font l’objet de nombreuses théories. Les chefs d’entreprises reconnaissent une sous-valorisation moyenne d’environ 10%, expliquant la bonne performance des titres le premier jour de leur cotation.
Ils considèrent en majorité qu’il s’agit d’une juste rémunération pour le risque pris par les souscripteurs, conformément à la théorie des asymétries d’information. L’autre théorie qui a leur faveur est celle de l’attractivité envers les institutionnels.
D’autres auteurs ont suggéré que cette sous-valorisation avait pour but de se substituer aux coûts de marketing de l’introduction, mais moins de 10% des chefs d’entreprises soutiennent cette idée.
(1) Pour plus de détails sur les introductions en bourse, voir les chapitres 31 et 45 du Vernimmen 2005.
(2) J.C. Brau et S.E. Fawcett, Initial Public Offerings : An Analysis of Theory and Practice, Journal of Finance, vol.61,n°1, 2006.
Q&R : Faut-il calculer la variation du BFR en brut ou en net dans un tableau de flux ?
Dans le tableau de flux de trésorerie (1), la variation du besoin en fonds de roulement d’exploitation permet d’assurer le passage d’agrégats comptables (résultat net, dotation aux amortissements) aux flux de trésorerie (d’exploitation en l’occurrence).
Nous conseillons de raisonner en données nettes des dotations aux provisions pour dépréciation (des stocks, des clients), car cela permet d’établir plus rapidement la variation à partir des données du bilan dont les montants bruts ne sont pas toujours communiqués, même en annexe.
Cela implique de ne pas ajouter au résultat net pour déterminer la capacité d’autofinancement la dotation à la provision pour dépréciation comme on ajoute en revanche la dotation aux amortissements. Ceci nous parait mieux correspondre à la réalité financière.
Un petit exemple simplifié illustre ce propos :
• soit une entreprise qui démarre son activité en produisant pour un prix de revient de 90 (b) des produits vendus 100 (a) à des clients livrés en fin d’année mais qui payent au début de l’année suivante (a). Les fournisseurs ont été payés comptant (b).
Son besoin en fonds de financement est donc de 90. On admet ainsi qu’elle n’a pas d’immobilisation à acquérir (location) et l’on supposera pour simplifier que le BFR est intégralement couvert par endettement bancaire.
Le BFR, qui correspond conceptuellement et concrètement au décalage de trésorerie entre le moment où les fournisseurs sont payés et le moment où les clients règlent, est donc de 90. Sa variation sur l’année est de 90 puisque l’entreprise vient de se créer.
Si l’entreprise est amenée à déprécier son compte client de 15 (c), le BFR apparaîtra au bilan pour 85.
(1) Pour plus de détails sur les tableaux de flux de trésorerie, voir le chapitre 5 du Vernimmen 2005.