La longue épopée du Vernimmen, la bible de la finance d'entreprise

Le manuel de finance d'entreprise Vernimmen, reconnu comme une référence incontournable par la communauté financière, a vu ses parts de marché bondir de 26 % à 90 % depuis 1996. Les auteurs Pascal Quiry et Yann Le Fur ont perpétué l'oeuvre de Pierre Vernimmen, décédé en 1996. Retour sur un ouvrage qui a fêté ses 50 ans.

Par Laurence Boisseau

Le Vernimmen, Edition 2025
Diplômé d'HEC, devenu professeur de finance, Pierre Vernimmen lance, en 1974, la première édition d'un livre destiné aux étudiants, qui leur enseigne l'analyse financière et la gestion de trésorerie. (Lefebvre Dalloz)
A quoi associez-vous le Vernimmen ? « Bible, référence, sérieux, complet. » Voilà les quatre mots qui ressortent d'un sondage réalisé auprès d'anciens d'HEC venus assister, le 5 février, à une conférence sur « Make Equity Great Again » ou comment renforcer l'attractivité des marchés financiers. Pour Pascal Quiry et Yann Le Fur, les deux auteurs de ce manuel de finance d'entreprise, il ne peut y avoir de plus beau compliment. Depuis plus de vingt ans, les deux acolytes oeuvrent pour rendre ce livre indispensable aux étudiants comme aux praticiens, qu'ils soient banquiers, trésoriers, directeurs financiers ou experts-comptables. Avec succès.
Depuis 1996, le Vernimmen est passé de 26 % à 90 % de part de marché dans les manuels de finance. « Nous avons réussi parce que nous sommes partis d'un ouvrage très riche et très clair, qui existait depuis plus de vingt ans, et qui avait su saisir l'air du temps. Ce livre mêle la finance de marché avec la finance d'entreprise ; ce qui était novateur à l'époque », explique Yann Le Fur. Le manuel jette, en effet, des passerelles entre l'économie, la finance et la comptabilité, trois univers qui ont parfois du mal à communiquer.
Au commencement du Vernimmen, il y a un homme, Pierre Vernimmen. Ce diplômé d'HEC, devenu professeur de finance, lance, en 1974 chez Dalloz, la première édition d'un livre pédagogique destiné aux étudiants, qui leur enseigne l'analyse financière et la gestion de trésorerie. Deux ans plus tard, il sort un deuxième tome consacré à l'évaluation des sociétés et à la gestion financière.
Remarqué par des cadres de Paribas venus en formation à HEC, Pierre Vernimmen crée pour la banque de la rue d'Antin un centre de formation interne. Puis il intègre le département industriel (prises de participations), avant de créer le département conseil (fusions-acquisitions), qu'il dirigera jusqu'à son décès.

Figure du mentor

La rencontre entre Pierre Vernimmen et Pascal Quiry date, elle, de 1982. « Je me suis inscrit à son cours de finance d'entreprise. A l'époque, je voulais entrer au département industriel de Paribas. Et j'avais appris que Pierre y travaillait. Je me disais qu'il pourrait peut-être m'aider », explique Pascal Quiry. A juste titre. Il sera recruté par son mentor comme banquier conseil en fusions acquisitions. Il fera toute sa carrière dans la banque jusqu'en 2012. Mais avant cela, Pascal Quiry a travaillé comme assistant de Pierre Vernimmen pour l'aider à actualiser son ouvrage. Il a pris la suite d'un ancien étudiant d'HEC, Henri Proglio, qui deviendra plus tard patron de Veolia puis d'EDF.
Pour Yann Le Fur, étudiant à HEC en 1992, depuis devenu responsable des fusions- acquisitions chez Natixis CIB et directeur général de Natixis Partners, la collaboration avec Pierre Vernimmen est plus tardive et moins longue. Ce dernier décède en 1996.
« Nous ne pouvions pas laisser mourir le livre. La famille de Pierre Vernimmen nous a demandé de reprendre le flambeau », explique Pascal Quiry. « C'est alors que nous avons rencontré Yves Simon, professeur à Dauphine et directeur scientifique des collections de gestion Economica, qui nous a fait beaucoup réfléchir. Selon lui, chaque nouvelle édition d'un ouvrage entraînait inexorablement une baisse des ventes.
Nous voulions à tout prix éviter ce phénomène », explique-t-il.

Actualisation annuelle

Les deux compères, tous deux à la fois professeurs et praticiens, se lancent alors dans un développement tous azimuts : ils créent un site internet Vernimmen.net, une lettre mensuelle, une première édition en anglais, un billet hebdomadaire sur Facebook et LinkedIn. Ils actualisent leur manuel tous les ans, mettent en ligne des cours et des corrigés d'examens à destination des professeurs de finance, répondent aux questions d'internautes.


En 2024, l'ouvrage comprend 1.199 pages, contre 600 au début. A leur éditeur, les deux auteurs ont promis de ne pas dépasser les 1.200 pages. Le manuel a un propos introductif qui restitue les évolutions récentes dans leur contexte, et qui dessine les tendances à venir de la finance. « Le contenu est riche avec des statistiques, des tableaux et les dernières innovations de la pratique et de la théorie », indique un professionnel de la finance. On y trouve tout : du taux d'imposition sur les dividendes au Cameroun, à l'évolution du bénéfice et du dividende de Stellantis ( anciennement Peugeot) ou de L'Oréal depuis 1980, en passant par la rentabilité après inflation des actions françaises depuis 1802.
En 2021, l'ouvrage a franchi la barre des 200.000 exemplaires vendus. En vingt-cinq ans, les ventes ont été multipliées par cinq (8.300 manuels en France) et le chiffre d'affaires par 7,8. Même la bibliothèque du Conseil d'Etat a son exemplaire.

Par Laurence Boisseau